Speed Chess, Magnus et cadences lentes !

AI Cup

Après n’avoir disputé que 4 parties classiques en près de 4 mois (lors de la Coupe du Monde), et près de 5 mois après mon dernier tournoi (Bucarest, début mai), j’ai renoué avec les cadences lentes en Albanie, pour la Coupe d’Europe des Clubs.

Je vais y revenir, mais arrêtons-nous d’abord un moment sur les deux tournois en ligne qui m’ont occupé durant la deuxième quinzaine de septembre, car ils ont offert leur lot d’émotions !

Speed Chess Championship

Le Speed Chess, qui revient tous les ans sur chess.com, est un format de match très plaisant à disputer, où l’on enchaîne 90 minutes de 5+1, 60 minutes de 3+1 et 30 minutes de 1+1. Jouer ainsi plusieurs heures contre des adversaires de l’élite constitue un très bon entraînement et donne généralement un résultat assez légitime même si certains matchs se décident dans les derniers bullets ! Le seul défaut pour moi, c’est que je trouve parfois les matchs un peu lents ; notamment si c’est plié après deux heures de jeu, la dernière heure ne sert plus à grand-chose. Je préconiserais plutôt d’organiser des matches avec des sets. Hormis ce point, le Speed Chess est le plus spectaculaire des tournois en ligne, avec tous les meilleurs qui participent.

Cette année, j’ai réalisé des prestations relativement convaincantes contre Gukesh et Sarin, en 1/8e et en ¼ de finale (respectivement 21.5-8.5 et 19.5-11.5). Les choses ont tourné à mon avantage contre Gukesh en début de match, quand j’ai commencé par un 5-0 ; forcément ça aide, malgré quelques parties qui auraient pu mal tourner. Contre Sarin, c’était un peu la même configuration ; après deux ou trois parties qui étaient un peu chaudes, j’ai pris l’avantage et je ne l’ai jamais lâché.

En demi-finale, j’affrontais le très gros morceau Hikaru Nakamura, que je n’ai jamais battu sur ce format. J’ai déjà battu Magnus, j’ai déjà battu Wesley So… Enfin, j’ai battu pas mal de monde, mais Hikaru me fait mal à chaque fois ! Pendant les 45 premières minutes, j’étais sur un nuage et c’était une masterclass de ma part ! Sauf que je me suis rendu compte à la pause que ça allait être dur de garder un tel niveau d’intensité. Ce fut peut-être une prophétie autoréalisatrice, car la deuxième partie du 5+1 a vu des parties qui n’ont pas tourné à mon avantage et Hikaru a recollé au score. J’ai eu en regain de forme ensuite dans le 3+1, mais malheureusement, j’ai complètement implosé dans le bullet. Il a été trop fort dans cette cadence. De toute façon, je me doutais que je devrais avoir une certaine avance avant ce 1+1 pour avoir une chance. Je pensais au moins +2, et même plutôt +3.

Malgré la défaite finale (11.5-16.5), j’étais quand même satisfait d’avoir été devant contre Hikaru après les 5’ et les 3’, et globalement content de mon niveau de jeu, sur la lancée de ma victoire au Tata Steel Chess India.

Tableau final du Speed Chess 2023 (Image : www.chess.com).
Tableau final du Speed Chess 2023 (Image : www.chess.com).

AI Cup

Le dernier tournoi du circuit en ligne Champions Chess Tour 2023 offrait un vrai challenge pour moi ; avec seulement 8 qualifiés pour la phase finale de décembre à Toronto et sachant que je n’avais disputé qu’un seul des 5 premiers tournois, la marge de manœuvre était assez étroite. Il me fallait me qualifier pour la Division 1, et certainement la remporter !

Le Play-in (tournoi de qualification) consiste en un Open de 9 rondes, suivi immédiatement de matches à deux entre les mieux classés, afin de définir la répartition dans les trois divisions. J’ai été assez convaincant dans l’Open, malgré un petit moment de doute quand j’ai perdu une partie contre Meier avec les blancs alors que j’étais quasiment gagnant. Mais je me suis repris tout de suite après ; j’ai remporté les deux parties suivantes de façon assez nette, et ça m’a permis de me qualifier pour le match où j’ai été propre contre Duda (1.5-0,5). J’ai ainsi gagné ma place pour une petite semaine de compétition en Division 1. Comme je me sentais en forme, pourquoi pas en profiter pour continuer à bien jouer, contre les plus gros morceaux du circuit !

Le ¼ de contre Alireza a donné lieu à des parties très accrochées, notamment la troisième que j’ai fini par gagner au terme de séquences tactiques dignes de la Najdorf 6.Fg5 😊.
Dans la 4e, j’étais en maîtrise avant de faire une gaffe qu’il l’a remis dans la partie puis une deuxième faute qui a amené cette finale à 4 Dames sauvée miraculeusement alors que ce n’est pas moi qui donne échec en premier ! C’est la troisième fois que je sauve une finale à 4 Dames 😊. Mais là, c’était tellement perdant que j’ai même failli abandonner juste avant qu’il ne commette une gaffe incroyable !

Une qualification qui n’est pas illogique, même si ça s’est joué sur des petits détails qui ont fait pencher la balance de mon côté, en créant des différences notables dans le résultat (3-1).

J’ai ensuite joué Mamedyarov en ½ finale, un match que j’ai bien maîtrisé. Après 2 nulles, il y a eu dans la troisième partie une ouverture pas très bien maîtrisée de sa part avec les noirs. Punie par mes soins, car il se trouve que j’avais regardé cette ligne de la Steinitz différée et l’avais moi-même jouée avec les noirs dans le Top 16 contre Andreï Sokolov. Après 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 d6 5.0-0 Fd7 6.c4, je connaissais la réfutation de 6…g5?! 😊 (7.d4 g4 8.d5!). Même si la conversion n’a pas été parfaite, la position est toujours restée très très difficile pour lui (1-0, 43 cps).

La dernière partie, un Gambit-Dame Accepté, fut un peu moins bien maîtrisée mais c’est passé avec deux ou trois petits petits calculs précis, notamment ici :

Mamedyarov est tombé à pieds joints dans mon piège en jouant 27.Dc3? (27.Fd4 =), oubliant le très esthétique 27…Cf6! (27…Dg3+? 28.Rh1 et 27…f6? 28.Fxe6+ perdaient bien sûr sur le champ) 28.Ce5 (28.gxf6 Dg3+ ; les menaces 28…Dg3+ et 28…Fxe4 sont dévastatrices) 28…Cxe4 0-1.

Ensuite, j’ai affronté Magnus en finale, et je pense que ce fut d’un très haut niveau des deux côtés. En termes de qualité de jeu, je crois que c’est un des tout meilleurs matches depuis longtemps, et j’ai l’impression que c’est un sentiment partagé par pas mal de monde. En tout cas, par Magnus lui-même, puisqu’on en a discuté récemment en Albanie et qu’il m’a confirmé partager cet avis.

Évidemment il y a eu quelques erreurs, mais dans des positions très compliquées et avec peu de temps à la pendule. Nous avons tous deux eu pas mal d’idées intéressantes. Les parties ont été intenses, avec de la dramaturgie, tout y était ! Évidemment c’est décevant de perdre ce match à l’Armageddon (2-2 dans le temps réglementaire), mais c’était dur d’être déçu par mon niveau de jeu !

Cela dit, le tournoi n’était pas fini puisqu’avec le système à double élimination, j’allais être reversé dans le loser bracket pour y affronter Nepo…

J’ai bien maîtrisé la première partie contre sa défense Petroff. Il y a eu une ou deux petites imprécisions de sa part, que j’ai bien punies au terme d’une partie très positionnelle.

Dans la deuxième partie j’ai été à mon tour en difficulté, et je me suis même retrouvé perdant. J’ai dû jouer au « Roi volant » sans vraiment maîtriser la situation ! Mais ça restait très compliqué et Nepo n’a pas trouvé le chemin. Encore une fois, les éléments ont été plutôt pour moi. Mais quand on joue bien, c’est souvent le cas 😊.

Comme cette finale du loser bracket était en 2 parties, je retrouvais Magnus pour une revanche dans la Grande Finale. Avec la tâche ingrate de le battre une première fois dans le match en 4 parties, et si j’y arrivais, de devoir le battre une deuxième fois dans un match en 2 parties !

J’avais conscience que si Magnus conservait le niveau de jeu de notre précédent match de l’avant-veille, ce serait un peu mission impossible pour moi. Bien sûr, je savais que je revenais en grande forme mais Magnus, c’est le test ultime pour voir où on en est ! Etre en forme contre des adversaires du Top 20-25 mondial, c’est une chose. Contre les Top 10, c’en est une autre. Mais contre le numéro 1 incontesté, c’est complètement à part…

Je trouve que j’ai peut-être un peu moins bien joué cette Grande Finale, mais ça ne s’est pas trop vu parce que j’ai eu des oublis qui, soit n’ont pas été punis, soit en fait n’étaient pas graves ; par exemple, j’oublie une variante mais en fait c’est sans conséquence parce qu’elle ne marche pas pour telle ou telle raison. J’ai eu plus d’oublis de ce genre, mais il y avait aussi pas mal de fatigue parce que c’était une longue et difficile semaine. Du côté de Magnus, son niveau a été bien plus erratique, notamment en termes de calcul. Il a fait beaucoup de fautes dont j’ai pu profiter, dans le premier match notamment.

Dans la finale de la première partie, il m’a expliqué avoir bluffé un peu avec 28.Fd6 au lieu du naturel 28.Ce5 ou 28.Fe5. Il s’en est voulu, même s’il n’y avait aucune raison qu’il perde la finale de Fous après 28…Fxf3 29.gxf3 Fxd4 😊.

J’ai été un peu dominé dans le reste de ce match ; disons que ça n’aurait pas forcément été un scandale qu’il égalise, notamment dans la troisième partie. Mais encore une fois, je m’en suis sorti grâce à quelques fautes de calcul de sa part. J’ai bien maîtrisé la 4e partie, ce qui m’a permis de gagner ce match (2.5-1.5), et d’avoir le droit d’en jouer un autre en deux parties pour la gagne du tournoi… et la qualification pour Toronto !

La première partie de cette nouvelle finale a été marquée par un long débat théorique avec sacrifice de Dame dans le Gambit-Dame Accepté 3.e4.

Nous avions tous deux analysé plus ou moins jusque-là, avec une position rocambolesque où deux Fous et deux pions luttent contre ma Dame ! Il y a eu toute la dramaturgie du monde dans cette partie, qui fut clairement la meilleure de la journée. Malgré quelques fautes de calcul des deux côtés, ça reste une partie d’assez grande qualité (0-1, 47 coups).

Dans la deuxième partie où je pouvais me contenter de la nulle avec les blancs, je lui ai rapidement laissé des chances.

J’ai alors considéré que ce ne serait pas raisonnable de rester passif et j’ai pris le risque de changer radicalement le caractère de la position par 23.Fxh7+!?. Je sentais que ça ne passerait peut-être pas mais c’était suffisamment spéculatif pour être tenté. Je me suis dit que je n’avais pas vraiment le choix car la jouer petit bras en étant un peu moins bien ne me plaisait vraiment pas !

Après 23…Rxh7 24.Th3+ Rg8 25.Dh5, Magnus a lâché instantanément le naturel 25…f5?, mais c’était 25…f6! qu’il fallait jouer !

J’avais anticipé 25…f6, mais je pensais qu’après 26.Dh7+ Rf7, ça laissait des options comme 27.Tg3 ou 27.exf6 et je n’étais pas certain d’être perdant (mais pas 27.Th6? comme dans la partie, à cause de de la nuance fatale 27…Cxd1! 28.Dg6+ Re7 et le pion f6 fait obstacle au mat en e6 !). De plus, 25…f6 ne me semblait pas gagner pas en ligne, il y a encore des essais pour les blancs, même si la machine est implacable dans son jugement : après 25…f6!, les noirs ont un avantage décisif !

D’ailleurs, j’ai trouvé bizarre qu’il joue 25…f5 a tempo, et aussi qu’après 26.Dh7+ Rf7 27.Th6, il réfléchisse 5 minutes pour jouer le catastrophique 27…Dxc4??, oubliant qu’après 28.Tf6+! Re8 29.Dxg7, les noirs se font mater en dépit du tempo disponible en défense.

Et c’est gagné ! (Image : www.chess.com).

29…Txf6 30.exf6 1-0.

Au lieu de 27…Dxc4??, s’il avait choisi 27…Re8! 28.Txe6+ Rd7, j’aurais encore dû me battre pour le demi-point synonyme de victoire finale, et le fait que la machine délivre ici son sempiternel verdict à 0.00 ne dit rien de la difficulté de la tâche des blancs en pratique.

Avec cette victoire 2-0 lors de l’ultime match, j’ai remporté la IA Cup, et je dois dire que j’ai passé une très, très bonne semaine dans l’ensemble. En termes de résultats et de niveau de jeu, bien sûr, mais aussi en termes de confiance engrangée.

Les huit qualifiés pour la grande finale de Toronto (9-16 décembre) (Image : championschesstour.com).
Les huit qualifiés pour la grande finale de Toronto (9-16 décembre) (Image : championschesstour.com).

Mais dès le lendemain matin, je prenais l’avion pour l’Albanie, où il me restait encore à transformer l’essai de ce regain de forme en parties rapides, dans les parties longues…

Coupe d’Europe des Clubs, Durres (Albanie)

Une unité de plus sur ma liste des pays visités ! Notre équipe d’Asnières avait une nouvelle recrue en la personne de Martyrosian et sur le papier, nous faisions clairement partie des favoris.

Je n’ai pas joué les deux premiers matches. L’équipe a fait le travail proprement et j’ai fait mon entrée en jeu contre l’équipe turque de Gokturk, contre Sanal (2603) :

Une position issue de la fameuse finale de la Berlinoise, que je n’ai pas tellement jouée ces derniers temps, et qui a d’ailleurs connu un regain d’intérêt dans cette Coupe d’Europe.

Ici, je sentais que je pouvais essayer de profiter de la position acrobatique de sa Tour en c4. Ma première idée était 22.Tf3, mais simplement 22…Fe7 suivi de 23…Fb4. J’ai alors évalué 22.g5 mais je ne suis pas parvenu à le faire marcher ; le Fh4 enfermé est inattaquable et les noirs auront toujours un …h6 quelque part.

En fait il se trouve qu’il existe une autre idée plus forte : 22.Td2! Rb7 23.Td3, pour jouer 24.b3 sans craindre 23…fxg4 24.f5!. Mais cette manoeuvre est assez contre-intuitive dans la position, c’est le moins qu’on puisse dire ! Même en jouant 23…Td8, après 24.Tfd1 Txd3 25.cxd3 Tb4 26.b3, ça reste dur à jouer pour les noirs. C’est une position un peu atypique parce que justement la Tour ne se retrouve jamais en c4 ou b4. Dès lors, de nouveaux thèmes émergent. Mais la Tour sur la colonne d ouverte manque aux noirs ; ce qu’il a payé cher un peu plus tard.

Dans la partie, j’ai préféré 22.exf6 Fxf6 23.f5 Ff7 24.Ff4 Tb4 25.Cd1.

Ici, il fallait voir que 25…Fc4! 26.Te4 Fxf1 27.Txb4 Fe2 28.Ce3 (on a l’impression que c’est mieux pour les blancs, c’est en tout cas ce que je pensais pendant la partie…) 28…Ff3! mène à l’égalité, après 29.Rf2 (29…c5! intermédiaire) comme après 29.g5 (29…Fe7 et 30…Fc5).

Sanal a raté cette opportunité pas facile du tout et a opté pour 25…Rb7 26.b3 Td4 27.Fe5!. Il voulait probablement jouer 27…Te8 mais je crois qu’il a oublié 28.Fxf6! vu sa tête quand j’ai joué 27.Fe5. Après 27…gxf6 (27…Txd1 28.Txe8 Txf1+ 29.Rxf1 Fxe8 30.Fxg7 +-) 28.Txe8 Fxe8 29.Te1, la finale ne laissait en effet guère d’espoir.

Il s’est donc replié sur 27…Fxe5 28.Txe5 Tad8, mais après 29.Te7, la finale reste tout aussi difficile à défendre (1-0, 58 coups).

J’ai souffert pour annuler ma deuxième partie contre Sarin (2694) parce que je n’ai pas été assez précis dans mon Gambit-Dame Accepté. Mais l’équipe a signé sa 4e victoire, et il s’agissait maintenant d’affronter la tête de série n°1, l’équipe roumaine de Superchess, sponsorisée par Superbet et emmenée par Rapport et Anand…

Pourquoi tu me regardes comme ça ? (Rapport-Mvl, Ronde 5) : (Photo Niki Riga).
Pourquoi tu me regardes comme ça ? (Rapport-Mvl, Ronde 5) : (Photo Niki Riga).

Dans ce match, je doublais les noirs contre Rapport (2752). J’ai très bien maîtrisé un milieu de jeu dans lequel nous avons tour à tour pris des risques, mais le vent a tourné en ma faveur après de bonnes décisions stratégiques :

J’étais content de ma manière de jouer pour obtenir cette position, notamment avec l’échange des Fous de cases noires en h6, ainsi que les petites manœuvres pour augmenter graduellement la pression sur le pion faible en e4. Malheureusement ici, il m’a manqué le KO…

La finale de pions était gagnante après 36…a3 37.b3 f5! 38.Df4 (j’avais vu 38.exf5 Dxf3+ 39.gxf3 Txe2 40.Txe2 Txe2 41.Rxe2 et la pointe 41…g5!) 38…fxe4+ 39.Txe4 Txe4 40.Txe4 Dxe4+ 41.Dxe4 Txe4 42.Rxe4. A un moment quand il jouera Re4 avec mon Roi en f6, je répondrai …g5! et je savais évidemment que dans ce cas, la partie était gagnée. C’est pourquoi il me faut gagner l’opposition car si je peux amener mon roi en e5 ou f5 la partie est terminée. Ce qui m’a manqué en temps limité, c’est de comprendre comment empêcher le Roi blanc de rester en e4 et f4. En fait, il faut trianguler avec le Roi, par exemple 42…Rf6 43.Rf4 Re7! 44.Rf3 Rf7, et on recommence la manœuvre s’il joue 45.g3.

J’ai raté une deuxième occasion nette plus tard dans la finale.

Il y a toujours des ressources cachées dans ces finales de Tours !

Mon choix de 52…Txc4? 53.bxc5 Re5 n’était pas le bon : 54.Te2+ Rd5 55.Te8! Txc5 56.Rd2 et la Tour blanche va réussir un harcèlement permanent par derrière (1/2, 67 coups).

Pourtant, il existait un chemin… 52…cxb4! 53.Txd4 b3 54.Rd2 (54.Txf4+ Re5 55.Tf2 Txc4 gagne, les pièces noires sont trop actives) 54…Tc2+ 55.Rd3 et ça devient quasiment une étude dont la ligne principale serait 55…Rf5! 56.Td5+ Rg4 57.Tg5+ Rxh4 58.Tg8 Tc1 59.Tb8 Rg3 60.Txb3 Rxg2 -+. Mais pendant la partie je n’étais pas sûr de moi et je n’ai pas fait le bon choix.

En fait dans cette partie, à chaque fois j’avais deux choix tentants. J’ai voulu aller au plus simple et à chaque fois j’allais au plus compliqué (un grand classique 😊).

Malheureusement, ce demi-point raté nous a empêché d’arracher le match nul dans ce duel au sommet.

Nous nous sommes vengés le lendemain en dominant les Israéliens de Beersheva. Je l’ai emporté de mon côté contre Mikhalevski (2527).

La compétition s’est donc conclue sur un match de tous les possibles contre l’équipe norvégienne d’Offerspill, emmenée par le n°1 mondial Magnus Carlsen :

Le Gambit-Dame Accepté a tenu bon ! (Photo : Niki Riga).

J’ai joué une bonne partie, grâce à une bonne préparation avec les noirs, qui m’a très rapidement amené à la position suivante :

La finale était en réalité un peu plus délicate que ce qu’il m’a semblé au premier abord quand je suis rentré dedans.

Un coup normal, par exemple 24…Thd8, aurait été possible à la condition d’activer ma majorité à l’aile-Dame. Mais dans ce cas, ses deux Tours seraient entrées en piste. Échanger une paire de Tours, par exemple en d3, n’aurait pas été une option, car son pion e serait alors devenu trop fort. Avec les 4 Tours, il aurait facilement pu jouer Tg1 pour forcer …g6 puis continuer par h4-h5. Son Roi se serait trouvé en e4 relativement protégé, prêt à s’infiltrer en f5 et à soutenir le pion e. Tant qu’il y a les 4 Tours sur l’échiquier, je ne peux jamais jouer …b6 et …c5 car les blancs répondent par a5-axb6 et tapent sur le pion b, tout en s’infiltrant sur la colonne a, après quoi son pion e avance tout seul. Il fallait donc avant tout que j’empêche h4.

J’ai donc pris mon temps pour organiser la défense, je me suis mobilisé et j’ai trouvé les bons coups, avec tout d’abord la bonne séquence 24…Tf8 25.f4 g5! (empêcher h4 – bloquer la phalange de pions blancs) 26.a5 (26.fxg5 Tf5 ; 26.Tb4 c5! 27.Tb5 b6 28.a5 Rc7 29.axb6+ axb6 30.Ta6 – sinon 30…Rc6, le Roi noir soutient ses pions et ça joue pour trois résultats ! – 30…gxf4+ 31.exf4 Td3+ 32.Rg4 Td4, on va échanger tous les pions et rester bons amis !) 26…gxf4+ 27.exf4 Td4 28.Tf3 Tf5! et j’ai réussi à créer les conditions d’un blocus sur cases blanches (½, 47 cps).

Grille américaine des 10 premiers de la Coupe d’Europe (Image : www.chess-results.com).
Grille américaine des 10 premiers de la Coupe d’Europe (Image : www.chess-results.com).

Malheureusement, l’équipe s’est inclinée au final sur la plus faible des marges, après un match qui s’est joué à rien. Au lieu d’un podium, voire d’une victoire finale sur le fil, nous avons dû nous contenter de la 7e place. Le triplé Coupe – Championnat – Coupe d’Europe n’a pas eu lieu, mais je crois qu’Asnières peut quand même être fier des résultats de son équipe cette saison ! Et n’oublions pas de féliciter l’équipe de Magnus pour son titre européen !

Sur le plan individuel, je me prépare maintenant pour le Grand Swiss de l’Ile de Man (25 octobre – 5 novembre), qui offrira 2 nouvelles places pour les Candidats 2024, juste avant de partir sur le continent américain pour une longue tournée puisque le retour à Paris est prévu le 18 décembre !

Les parties blitz de Maxime au Speedchess :

Les parties de Maxime dans l’AI Cup :

Les parties de Maxime en Albanie :

Jean-Philippe Toussaint, auteur prolifique récompensé par de nombreux prix, dont le Médicis en 2005, a souvent émaillé son œuvre de références au jeu d’échecs. Son premier ouvrage est d’ailleurs intitulé « Echecs ». Début septembre, en germanophone averti, il a publié aux Editions de Minuit une nouvelle traduction française de la célèbre oeuvre de Zweig « Le joueur d’Echecs », qu’il a d’ailleurs renommée « Echecs ». En parallèle, Jean-Philippe Toussaint a également sorti une autobiographie qu’il souhaite lui-même être « l’échiquier de [sa] mémoire ». Intitulée en effet « L’échiquier » elle contient de nombreux récits liés à sa passion du jeu et à ses rencontres avec des personnalités échiquéennes. A l’occasion de cette publication, « Philosophie Magazine » a souhaité organiser un (long) entretien croisé entre Jean-Philippe Toussaint et Maxime, au cours duquel de nombreux thèmes ont été abordés. Les échecs et l’écriture y tiennent la place principale, bien sûr, même si l’entretien dérive de temps en temps vers d’autres rivages métaphysiques !

Image : Philosophie Magazine

A Calcutta pour rebondir

Winners

Trois semaines après la déception de la Coupe du Monde, j’ai eu l’occasion de revenir à la compétition par le biais d’un tournoi atypique à Düsseldorf, qui n’offrait pas trop d’enjeu sportif, en dépit d’un plateau particulièrement relevé. Puis d’enchaîner avec un très fort tournoi rapide et Blitz sur le modèle du Grand Chess Tour, à Calcutta.

DUSSELDORF : Championnat du Monde Rapide par équipes

Ce nouveau championnat par équipes a été un peu monté de toutes pièces mais il a permis de mettre sur pied des compositions sur mesure originales. Pour ma part, j’ai participé au sein d’une équipe de copains imaginée pour l’occasion, le ASV Alpha Echecs Linz, sorte de mix entre les copains d’Etienne [Bacrot] et les joueurs du club de Linz en Autriche. Je jouais avec Étienne, Sacha [Alexander Grischuk], Parham Maghsoodloo, Arkadij Naiditsch. Marc Llari, le champion du monde U8, occupait l’échiquier des moins de 2000, ce qui n’était a priori pas une bonne nouvelle pour nos adversaires 😊. Kateryna Lagno complétait l’équipe sur l’échiquier féminin. Sur le papier, nous avions une très solide formation. La compétition se déroulait sur 3 jours, c’était à la fois intense, avec quand même quatre parties rapides par jour, mais d’un autre côté, il y avait des longueurs, à cause de la bonne demi-heure entre les rondes.

L’organisation sur place était très bonne, et de très nombreux joueurs de premier plan avaient répondu présent. Dont l’équipe WR, montée expressément pour gagner, avec So, Abdusattorov, Nepomniachtchi, Duda, Praggnanandhaa, Keymer, Yifan Hou, Kosteniuk (excusez du peu !), et Rosenstein, leur échiquier moins de 2000 qui s’est très bien débrouillé par moments.

Nous aussi, on voulait clairement gagner, mais disons que pour WR c’était un peu différent, ça semblait vraiment hyper important 😊. Contrairement à eux, même si nous n’avons pas pris la compétition à la légère, il n’y a pas eu de préparation spécifique.

WR a survolé la compétition, donc rien à redire à leur victoire ; ils avaient tout simplement une équipe monstrueuse.

Quant à nous, nous avons perdu cinq matches sur douze, ce qui est énorme ; même si quatre d’entre eux l’ont été d’un demi-point seulement…

A titre personnel, je pense avoir produit un résultat correct, mais sans relief. Dans tous les matchs où nous nous sommes inclinés, j’ai fait nulle, donc j’ai eu une influence limitée. On va dire que sur la compétition, j’ai fait le job mais sans plus.

La salle de jeu à Düsseldorf (photo : Fide).

Voici deux moments intéressants dans mes parties :

Mvl – Anand 1/2

Dans cette finale Dame et Tour avec un pion de plus sur la même aile, ça fait un moment que je tourne ! Ici, j’ai évité l’échange des Dames par 56.De4+ Dxe4 57.fxe4 car malgré de réelles chances pratiques, j’ai pensé qu’Anand l’annulerait certainement. Et je sentais aussi qu’il pouvait craquer avec les pièces lourdes sur l’échiquier, alors j’ai gardé les Dames par 56.De3, avec l’idée d’aller en f4 pour commencer à créer des menaces sur le Roi noir. Et il a effectivement craqué ! 56…Tc4?? (pour empêcher 57.Df4), mais je n’ai malheureusement pas puni car j’ai raté le coup gagnant – pourtant pas très difficile – 57.Db3!, qui cloue la Tour et menace 58.Db1+. Les noirs sont incapables d’empêcher cela, par exemple 57…Td4 58.Dc2+ Td3 59.Te3 et gagne. Une belle occasion gâchée !

Eljanov – Mvl 0-1

C’était la dernière ronde et dans cette position, j’étais très content de placer la combinaison 16…Cxd4!?, que je croyais gagnante. L’antidote à ce coup était assez joli : 17.Cxd4! (au lieu du perdant 17.Dxd4? Dxd4 18.Cxd4 Fxd2 joué par Eljanov) 17…Tc3 18.Ta8+ (18.Db1? Dxd4) 18…Re7 19.Cc4! (le coup qu’il fallait voir !). Sur 19…dxc4? 20.De4 puis Dh4 gagne, et sur 19…Txd3? 20.Cxb6 Txd4 21.Cxd7 Rxd7 22.Tc1! suivi de 23.Fb5+ et 24.Tc7 mat ou 24.Te8 mat ! Je dois donc jouer 19…Txc4 20.Df3 Tg6 21.Fxc4 Dxd4 (21…dxc4? 22.Td1 et l’initiative blanche est trop forte) 22.Fd3 Dxe5 23.Fxg6 hxg6 et avec trois pions pour deux qualités, c’est un joyeux bordel, au lieu de la position perdante que les blancs ont obtenue dans la partie.

Au final, l’équipe termine seulement à la 6e place, mais on s’est bien amusés et c’est le principal. C’est mieux de finir 6e si c’est pour gagner la prochaine fois, que de faire deux fois 3! On va dire que c’est ma philosophie 😊.

TATA STEEL INDIA

Après quelques jours à Paris, direction Calcutta pour la visite de mon 41e pays, loin derrière le globe-trotter en chef Nigel Short qui lui, a dépassé la centaine 😊. Le voyage s’est très bien passé, je suis arrivé vers 3h du matin heure locale, la veille du tournoi.

Présentation des joueurs (Photo : Tata Steel India).
Présentation des joueurs (Photo : Tata Steel India).

La sélection de joueurs était très intéressante, très homogène, avec beaucoup de jeunes qui peuvent tous potentiellement devenir champion du monde plus tard ! Même si je crois que certains noms sont plus probables que d’autres 😊. Je m’attendais donc à un tournoi très costaud et surtout, avec aucune partie facile, aucune partie de détente, même si j’en ai eu une finalement dans le Rapide [nulle rapide contre Radjabov à la dernière ronde lorsque le gain du tournoi était déjà assuré].

Les parties rapides étant assez intenses, je n’ai fait que hôtel / salle de jeu / hôtel pendant trois jours : avec juste deux petits matchs d’entraînement en blitz contre Sacha, un avant le début du Rapide, et un avant le début du Blitz. D’ailleurs, il a même dit à la remise des prix que j’avais été son « secret coach » ! [Grischuk a remporté le tournoi de blitz].

Voici quelques morceaux choisis de mes parties :

Rapide

Ronde 2 : MVL – Praggnanadhaa, 1/2

Le premier jour, j’étais un peu « en dedans » Après une première partie assez normale, il y a eu un petit raté dans l’ouverture contre Praggnanadhaa ; on se dirigeait toutefois vers la nulle dans la finale, jusqu’au moment suivant :

40.Rh3? (ne rien faire n’était pas une bonne idée, il fallait contre-attaquer d6 par 40.De6!). Avec seulement l’incrément de 10 secondes par coup, aucun de nous n’a vu 40…b5! ; soit le pion b file, soit 41.axb6 Dxb6, et c’est le pion a qui s’échappe. A noter tout de même que l’évaluation à +8 de la machine occulte les difficultés pratiques qui auraient subsisté pour la conversion ! A la place, Prag a répété une fois par 40…Dg4+? 41.Rh2 Db4 42.Rh3? avant de rater une deuxième fois le coche ! 42…Dxa5? 43.Fxd6 et il a dû se contenter du perpétuel car les blancs ont trop de jeu avec les Dames et le pion passé en d5.

Ronde 3 : Vidit – MVL 0-1

La 3e partie fut celle de tous les dangers ! Je m’attendais surtout à 1.d4, et 1.e4 m’a un peu surpris. J’ai opté pour une Najdorf et comme j’étais en mode expérimentation dans les ouvertures (mais moins que dans le Blitz 😊), sur 6.Fg5, j’ai voulu éviter la variante du Pion empoisonné. Après 6…Cbd7 7.a3!?, je me suis souvenu que Vidit avait déjà joué en rapide cette ligne un peu venimeuse. Malheureusement, sur l’échiquier, je ne me suis rappelé de rien et j’ai été obligé d’improviser ! Dans une situation qui me semblait déplaisante, j’ai tenté une suite tactique qui ne marchait pas du tout, oubliant simplement un enfermement de ma Dame. J’ai donc dû sacrifier du matériel, m’accrocher comme j’ai pu, en évitant les lignes forcées qu’il avait forcément calculées, pour finalement arriver dans la misérable position suivante, où j’ai une Tour nette de moins, et un contre-jeu en voie d’extinction totale :

A peu près tous les coups gagnent, sauf celui que Vidit a choisi avec, il est vrai, assez peu de temps à la pendule ! 34.Rb2?? Td3!, et non seulement ça s’est retourné, mais comble de malchance pour l’Indien, j’avais même maintenant un gain forcé après 35.De1 ! Il fallait jouer 35…Td2! mais j’ai eu beau chercher, je ne trouvais pas. Certes, j’avais toutes les idées de la position en place, mais il me manquait juste le repli de la Dame en d6 ; par exemple 36.Dxd2 Dxd2 37.Ta3 Dd6 (d’autres coups gagnent également), mais surtout 36.Tc1 Dd6! (seul coup cette fois !) 37.Ta4 Fxc3+! 38.Rb1 (38.Rxc3 Dd4 mat) 38…Txc2 et gagne. A la place, j’ai joué 35…Txc3? 36.Dxc3 Fxc3+ 37.Rxc3 et la finale est vraiment très chaude. 37…Dxh4 et 38.Tg1 ne sont pas les meilleurs coups, nous apprend la machine, mais qu’importe ! Et surtout, après 38…Fd5!, Vidit n’a pas vu le très joli motif géométrique 39.Fb3? (39.Fd3 restait dans la partie) 39…Dh8+! 40.Rc2 Dh2+ 41.Rc3 De5+ gagnant le Fou après 42.Rc2 De2+ 43.Rc3 De3+.

Un retournement de situation très heureux qui m’a permis d’achever sur une bonne note une première journée compliquée.

Dès le début de la 2e journée, mon choix d’ouverture (l’Ecossaise) a fonctionné à merveille, encore plus que je n’espérais…

Ronde 4 : MVL – Keymer 1-0

Même si cette finale issue de l’Ecossaise  n’est pas spécialement avantageuse, elle permet de continuer à poser des problèmes, notamment après mon coup 23.Cg1!, dont j’étais assez content. J’étais persuadé qu’il voulait jouer 21…Fg2, pour empêcher le redéploiement Ch3-f4. Mais il a raté ce qui était en effet le meilleur coup ; après 22.f4 Cc6 23.Fg4+ Rb8 24.Td2?, les noirs sauvent avantageusement la pièce par 24…Thg8!, tandis que 22.Fh5, laissant le passage au Cavalier via e2, ne marche pas spécialement non plus à cause de 24…f5, et si 25.Ce2?! Ff3! 26.Fxf3 Cxf3 et les noirs prennent le dessus.

Keymer a préféré 23…Thg8 et m’a laissé manœuvrer mon Cavalier d5 pour l’échanger contre son Fou, et nous avons atteint la position suivante :

Ici, le sacrifice de qualité 31.Tdxd4! coulait de source pour moi. Je n’appelle même pas ça un sacrifice, car j’ai toutes les colonnes ouvertes et des pions passés. Après 31…cxd4+ 32.Txd4 c6 (32…Ta8 33.Tb4+) 33.dxc6+ Rxc6 34.Txa4, je ne savais pas si c’était gagnant car je me disais que ça pouvait peut-être se défendre objectivement, mais en pratique les noirs vivent avec certitude un enfer !

En route vers la victoire ! (Photo : Tata Steel India).
En route vers la victoire ! (Photo : Tata Steel India).

Ronde 6 : MVL – Abdusattorov 1-0

Après une ouverture ratée de sa part, j’ai pris un net ascendant. Ensuite, j’ai essayé de laisser le moins de contre-jeu possible. Néanmoins, je sentais que je passais peut-être à côté d’options plus percutantes à certains moments, mais sans les identifier.

Par exemple ici, la machine indique que 28.De8! aurait été clairement gagnant, contrairement à mon choix de 28.Dc4 qu’elle ne gratifie que d’un léger plus, alors que j’étais quasi certain d’avoir un avantage positionnel décisif ! Mais c’est intéressant à noter parce que même si j’avais vu 28.De8, je sais que je ne l’aurais pas joué de toute façon ! En effet, il aurait fallu calculer les variantes après 28…Rg7 29.Cxc5 ou 28…Dxd3 29.Dxg6+ Fg7, qui ne sont pas du tout évidentes pour un humain en cadence rapide.

A noter qu’après Keymer, Gukesh [nulle solide avec les noirs] et Abdussatorov, j’affrontais ronde 7 un quatrième grand espoir mondial consécutivement, l’Indien Erigaisi ! [gain de Maxime avec les noirs].

Du coup, avant la 8e ronde contre Harikrishna, j’avais un point d’avance sur mes poursuivants.

Ronde 8 : Mvl – Harikrishna 1-0

Je savais que j’allais avoir une dernière partie qui pouvait potentiellement être compliquée [noirs contre Radjabov], donc je voulais quand même jouer pour le gain, mais sans prendre le risque de perdre. Malgré une ouverture tranquille, j’ai réussi à mettre pas mal de pression, d’autant que mon camarade de club à Asnières n’a pas forcément été hyper précis.

Ici, j’ai déjà un petit avantage, mais après 24…Fe7, la position noire reste solide. Mais il a joué 24…Te8?. Il y avait trop de pièces sur la colonne e, et je n’ai pas fait attention à la possibilité 25.f4!, qui gagne sur le champ ! Les noirs sont complètement impuissants face à la menace 25.f5, car si 24…f5 25.Cxf5!. Après 25.Cf5? Ff6 26.Cg3 h6?, j’ai de nouveau eu la possibilité de jouer 27.f4!. Je ne sais pas comment je l’ai raté car quand j’ai opté pour la manœuvre Cf5-g3, mon idée était de jouer f4 ! Même si cette fois, les noirs ont 27…Fxd4+ intermédiaire, ils restent totalement dénués de ressources après 28.Rh2 qui menace, et 28.Fxg6, et 28.f5 ; et si 28…Ch4 29.f5! quand même, tablant sur la surcharge de la Dame en d7. A la place, j’ai joué 27.Ch5? Fh4 28.Dc2 après quoi il a pas mal réfléchi, et lâché la réplique 28…Ff5?, le coup de tonnerre que je n’avais pas du tout envisagé. J’ai tout de suite eu le sentiment que ça ne pouvait pas marcher et j’ai rapidement trouvé 29.Txe8+ Dxe8 30.Fxf5 De1+ 31.Rh2 Fxf2 32.Db1! qui réfute complètement ! Je ne peux pas dire que j’ai tremblé dans la conversion, mais je me suis peut-être rendu la tâche un tout petit peu trop compliquée.

Une nulle rapide pour finir contre Radjabov m’a permis de remporter le tournoi avec 7/9 et 1.5 point d’avance sur lui.

Une victoire qui fait du bien au moral…

Classement final du Tata Steel India Rapide (www.chess-results.com).
Classement final du Tata Steel India Rapide (www.chess-results.com).

Blitz

Dès le lendemain, les hostilités reprenaient avec le tournoi de Blitz en aller-retour sur deux jours et 18 rondes.

J’ai effectué un très mauvais début [0/3 puis 1/5], je n’étais sans doute pas bien réveillé ! Ce mauvais départ compromettait mes chances de gagner le tournoi, même si vers la fin de la deuxième journée, je me suis pris à rêver d’une remontada, avant de finir un peu n’importe comment [finalement 5e avec 9.5/18]. Mais de toute manière, sur ces deux jours, je n’étais pas vraiment dedans, ce qui confirme mes problèmes d’irrégularité en blitz, que je n’avais pas du tout il y a quelques années. Or, maintenant, je n’ai plus ce problème dans les parties blitz en ligne, c’est le monde à l’envers ! Je suis sans doute devenu plus fort en ligne que sur l’échiquier en blitz 😊. C’est donc un axe de travail pour le traditionnel championnat du monde de Blitz de fin d’année.

Enfin, il faut quand même ajouter que le niveau est beaucoup plus élevé qu’avant. Je ne peux plus être aussi dominateur en blitz que je pouvais l’être, par exemple en 2015 au championnat du monde, ou dans certains tournois où je faisais des performances à plus de 3000 Elo. Ce n’est plus possible, parce que le niveau des autres a augmenté, et aussi parce que ma constance n’est plus la même. Par exemple ici à Calcutta, j’ai fait des gaffes, des trucs inexplicables… Certes, j’ai osé pas mal d’expérimentations dans les ouvertures, car je voulais gagner en instinct, en feeling… Mais certaines parties me font douter de la pertinence de ce choix 😊.

Félicitations à Sacha [Grischuk], qui a très bien joué et a dominé le tournoi de blitz.

Classement final du Tata Steel India Blitz (www.chess-results.com).
Classement final du Tata Steel India Blitz (www.chess-results.com).

PARTIES MVL

Les parties de Maxime à Düsseldorf:

Les parties rapides de Maxime à Calcutta :

Les parties blitz de Maxime à Calcutta:

La Ville d’Asnières, en proche banlieue parisienne, est un des épicentres du jeu d’échecs en France. Elle héberge notamment les locaux de la Fédération Française, et son club est champion de France en titre. La municipalité et son maire, Manuel Aeschlimann, soutiennent donc activement le jeu d’échecs, y compris dans son versant pédagogique, par l’intermédiaire des écoles primaires de la ville.

Pour symboliser l’attachement de la commune au Roi des Jeux, plusieurs champions d’échecs ont déjà donné leur nom à des rues ou des allées de la ville (rue Vladimir Kramnik, rue Alexandra Kosteniuk, allée Anatoli Vaisser).

Le 13 septembre, Asnières a franchi un nouveau cap en inaugurant le « Parc Maxime Vachier-Lagrave » ! Situé au cœur d’un nouveau quartier, celui-ci offre un espace vert de 8.000 m², orienté vers la Seine. Outre des jeux pour enfants et un « espace prairie » qui sera prochainement opérationnel, on y trouve en bordure des bancs et des tables d’échecs qui viennent rappeler pourquoi le Parc porte désormais ce nom…

Mvl avec le maire d’Asnières, Manuel Aeschlimann (Photo : Mairie d’Asnières).
Mvl avec le maire d’Asnières, Manuel Aeschlimann (Photo : Mairie d’Asnières).

Midnight express

Salle de jeu

J’ai quitté Bakou dans la nuit qui a suivi mon élimination de la Coupe du Monde en 32e de finales contre Sindarov… Un peu de déception bien sûr, mais aussi la hâte de pouvoir au moins retrouver les joies de Paris au mois d’août !

Afin d’arriver dans les meilleures conditions, j’étais parti en Azerbaïdjan le 31 juillet, pour un début de compétition le 2 août. Je m’étais préparé en amont pour au minimum les deux premiers tours, contre Dragnev ou Kobo, puis contre Sindarov ou Ragger.

Je suis arrivé plutôt reposé, assez en forme. J’ai retrouvé sur place tous les Français présents lors du tour préliminaire dont j’étais exempté.

Pour moi, la Coupe du Monde reste un tournoi assez excitant. On y trouve beaucoup plus de joueurs que dans les tournois de l’élite, ce qui donne une ambiance et une atmosphère toujours assez particulières.

L’organisation sur place était assez propre, bien rodée. C’est clair que l’expérience joue ; au fur à mesure que les éditions passent, la FIDE a pris la mesure des choses à faire. Et puis l’Azerbaïdjan a quand même l’habitude d’organiser de grandes compétitions sportives.

Il y a juste un point qui m’a surpris, c’était le fait que les parties soient retransmises en direct. J’ai interpellé la FIDE et je n’ai pas eu de réponse claire à ce sujet. Certes, les mesures anti triche sur place étaient satisfaisantes. Mais quand bien même, je ne vois pas quel aurait été l’inconvénient d’implémenter un délai de trente minutes par sécurité…

Retour en images sur les 6 parties que j’ai disputées à Bakou :

MVL – DRAGNEV, match aller 1/2

Une entrée en matière compliquée contre un joueur toujours bien préparé. Je ne m’attendais vraiment pas à cette variante du Gambit-Dame.

Après le verrouillage de l’aile-Dame par 14…a4!, je n’ai jamais réussi à faire marcher le break en e4 et je n’ai strictement rien obtenu.

DRAGNEV – MVL, match retour ½

Après une première répétition par 17…Td8 18.Fb6 Td6 19.Fc5 et avec une certaine avance à la pendule, j’ai hésité à refuser la nulle, ce qui pouvait être fait de deux manières différentes. Tout d’abord par 19…Tf6, mais j’ai eu un peu peur de 20.Te1 (mais certainement pas de 20.Dxd5+ Fe6) 20…Rg8 21.Ff1 menaçant 22.Te3 qui gagne la Dame, tout en attaquant vraiment d5, et éventuellement e7. Après 19…Td8 20.Fb6, l’autre façon de continuer aurait été de sacrifier la qualité par 20…Ff5!? 21.Fxd8 Txd8, et la paire de Fous couplée au duo de pions centraux offre une compensation évidente.

Au final, j’ai préféré répéter les coups et m’en remettre aux tie-breaks, mais ce n’était peut-être pas la meilleure décision objectivement.

Début du tie-break contre Dragnev (Photo : Fide).
Début du tie-break contre Dragnev (Photo : Fide).

MVL – DRAGNEV, Tie-break (2) 1-0

Après un premier tie-break annulé sans trop d’histoire avec les noirs, j’ai obtenu une bonne position au sortir de l’ouverture dans le deuxième :

Ici, le jeune autrichien m’a donné la qualité en un coup par 18…c6?? 19.Fd6 cxd5 20.Fxf8 Ce6. Mais là, j’ai sans doute trop voulu la perfection en cherchant la solution technique la plus propre. Bien sûr, j’ai vite rejeté 21.Dxd5 Dxg4+ 22.Dg2 Dxg2+ 23.Rxg2 Rxf8 qui me semblait tout sauf facile à convertir. Ma première idée était donc l’évident 21.Fxg7 dxc4 22.Fxf6 Dxf6, mais je ne trouvais pas de coup décisif tandis que je voyais le Cavalier noir surgir en d4 ou en f4. Or, simplement 23.Dd5! et je vais gagner c4 ou optimiser le placement de ma Dame en e5. Du coup, j’ai finalement opté pour 21.Ce5? qui me paraissait plus sécurisant, mais qui n’a pas du tout atteint ce but après 21…Fxe5 22.Txe5 Txf8, et l’avantage devient très complexe à démontrer. J’aurais pu essayer de garder la maîtrise de la situation par 23.Txd5 h5! (23…De4 24.f3 De3+ 25.Rh1 Cf4 26.Td8 g6 ne me rassurait pas non plus, mais j’ai raté le difficile 27.Db3!, qui doit être suffisant puisque la Dame noire ne peut pas venir en e2 ou f2 à cause de l’échange en f8 suivi de 29.Db4+ qui gagne le Cf4 !) 24.Txh5 De4 25.f3 De3+ 26.Rh1, mais après 26…Cf4, qui gagne un tempo crucial sur la Tour, l’activité du couple Dame/Cavalier compense le déficit matériel.

J’ai donc décidé de faire contre mauvaise fortune bon cœur par 23.Df3 d4 24.De4, mais si j’ai restreint l’activité des pièces noires, c’est en laissant leur pion d aux noirs !

Heureusement, Dragnev s’est un peu emballé et au lieu de continuer à défendre par un coup comme 29…Ce6, il a cru qu’il pouvait se permettre 29…d3?, tombant dans un joli piège ; 30.Te8! et il a compris que 30…d2? n’était pas possible à cause de 31.T1e7!, et face à la menace 32.Dxf7+, les noirs n’ont pas d’autre choix que d’abandonner leur pion d par 31…d1=D+. 30…Rg7 31.g5! ne donnant pas vraiment envie non plus, il a opté pour 30…Ce6, mais après 31.Txf8+ Cxf8 32.Td1, les blancs empochent le pion d, et je n’ai pas raté la réalisation technique cette fois-ci 😊.

Jules et Maxime sortiront tous les deux au 3e tour… (Photo : Fide).
Jules et Maxime sortiront tous les deux au 3e tour… (Photo : Fide).

SINDAROV – MVL, match aller ½

Après une partie plutôt bien maîtrisée de ma part, nous avons obtenu la position suivante :

Nous commencions tous les deux à manquer un peu de temps, et je n’ai malheureusement pas réussi à faire marcher 34…Ff8!, qui était pourtant le bon coup. Après 35.Txb7? (les blancs auraient alors dû se contenter d’un coup comme 35.Rf1 ou 35.Td5, mais l’avantage noir est indéniable) 35…d3! 36.Ce3 (36.Txd7 dxc2 37.Tc3 Ta1+ -+), il existe un coup que j’ai raté et qui fait très mal, 36…Fh6!.

Je me suis donc résigné à protéger b7 par 34…Ta7?, mais Sindarov m’a offert une nouvelle opportunité avec 35.Ta3? (l’échange des Tours favorise les noirs en libérant leur pion d). Malheureusement, je n’ai pas cru à la force du pion d et j’ai joué 35…Ff8? et offert la nulle, immédiatement acceptée ; après 36.Txa7 Cxa7 37.Td5, les blancs récupèrent effectivement leur pion avec égalité. Peut-être qu’avec un peu plus de temps, j’aurais accordé une meilleure attention à 35…Txa3 36.Cxa3 d3!. On dirait que le pion d va être encerclé, que le Cavalier blanc arrive en c4 et que les noirs ne vont rien tirer de bon de cette poussée, mais à y regarder de plus près, il n’en est rien et les blancs souffrent. 37.Td5? Cb4! perd immédiatement. 37.Cc4 Fc3! pose également beaucoup de questions. 37.Rf1 ou 37.Tb1 sont sans doute meilleurs, mais les blancs vont devoir souffrir pour espérer gagner leur demi-point.

Une autre « demi opportunité » ratée avec les noirs, qui laisse évidemment quelques regrets, surtout au vu du scénario de la deuxième partie…

MVL – SINDAROV, match retour 0-1

Je ne rentrerai pas dans les détails de cette variante sauvage de l’Arkhangelsk, disons juste que Sindarov et moi avions tous les deux cette position qui n’est pas théorique dans nos fichiers. Je ne me suis pas souvenu du meilleur coup 19.Df5!, très difficile à trouver sur l’échiquier. C’est en fait un coup prophylactique, les blancs anticipent …Te8, se préparent à positionner la Dame en f3 ou d3 si elle est chassée, et surtout à répondre à 19…c5 par 20.d5. Après une longue réflexion, j’ai choisi l’approche plus humaine 19.Cd2 c5 20.Cf3 cxd4 (la machine nous apprend que 20…Te8! d’abord est plus précis) 21.cxd4 Te8. Ici, 22.Df5 était trop tentant, la menace 23.Cg5 me semblait trop forte pour que les noirs aient le courage de prendre en d4. On sait objectivement après la partie que 22.Da5! était le meilleur coup, mais c’était tout sauf évident dans le cours du jeu. Après une longue réflexion, Sindarov a donc osé 22…Fxd4! 23.Cg5 h6, et après 24.Dh7+ Rf8 25.Cf3 Db6, nous avons atteint la position décisive suivante :

J’ai réfléchi près d’un quart d’heure. Bien sûr j’ai vu tout de suite que sur 26.Cxd4, les noirs avaient le coup intermédiaire 26…Txa6. J’ai ensuite analysé 26.Fd2 Fxb2 27.Tb1 Dxa6+ 28.Rg1 et j’ai compris que la position devait être égale ou équilibrée, après par exemple 28…Tab8 29.Fb4+! Txb4 30.Dh8+ Re7 31.Te1+ De6 32.Txe6+ fxe6 33.Dh7 comme après 28…Da3 29.Ch4, car la menace 30.Cf5 devrait permettre de récupérer la qualité. Malheureusement, j’ai ensuite été attiré par une idée « brillante » qui me semblait mener à une nulle plus limpide… 26.Cxd4?? Txa6 27.g3!? (la pseudo-pointe qui donne tout sur échec, mais dans notre noble jeu, la prise n’est pas obligatoire 😊). Si les noirs encaissent le matériel par 27…Txa1? 28.Cf5! Txc1+? (28…Db5+ et c’est encore nulle après 29.Rg2 Dxf5 30.Dxf5 Txc1 31.Dh7 f6), ils devront baisser pavillon après 29.Rg2 Db7+ (seule façon d’éviter le mat) 30.Rh3 f6 31.Dh8+ Rf7 32.Dxg7+ Re6 33.Dxb7 Rxf5 34.g4+ Re5 35.f4+ et 36.Dxe6. Si après 27.g3!?, les noirs optent pour 27…Dxd4, alors 28.Txa6 Dc4+ 29.Rg2 Dxa6 30.Dh8+ Re7 31.Dxg7 avec une finale nulle.

Malheureusement, le tranquille 27…Db7! est apparu sur l’échiquier, un petit coup intermédiaire qui m’avait complètement échappé ! Une douche froide qui m’a vite fait comprendre que la Coupe du Monde était terminée pour moi…

La partie s’est conclue par 28.Dh8+ Re7 29.Dxg7 (29.Dxe8+ Rxe8 30.Txa6 Dxa6+ 31.Rg2 Dd3 32.Fe3 n’offrait aucune perspective de forteresse, les noirs pousseront leurs pions de l’aile-Roi pour déstabiliser la construction blanche) 29…Txa1 30.Cf5+ Re6 31.Cd4+ Rd5 et les blancs peuvent abandonner.

Le tombeur de Maxime en pleine concentration avant la partie décisive (Photo : Fide).
Le tombeur de Maxime en pleine concentration avant la partie décisive (Photo : Fide).

Evidemment, le bilan de la Coupe du Monde ne correspond pas à ce que j’en attendais, sachant que ce tournoi constituait vraiment mon gros objectif de l’année. C’est donc une déception par rapport au résultat, mais en réalité, ça l’est beaucoup moins en termes de contenu. Je pense que je dois continuer sur la lancée de cette Coupe du Monde. Bien sûr, il reste quelques détails à régler, mais je trouve mon niveau de jeu clairement supérieur à ce que j’avais pu montrer depuis un an.

Je disputerai quelques tournois rapides ou en ligne à la fin du mois d’août et pendant le mois de septembre, avant de retrouver les parties classiques pour la Coupe d’Europe des Clubs, qui se déroulera en Albanie du 1er au 7 octobre. Mon club d’Asnières visera clairement le podium, donc c’est un objectif sportif important, en même temps qu’une excellente préparation avant le Grand Swiss (25 octobre – 5 novembre), ma dernière chance de qualification pour les Candidats 2024. En tout cas, j’ai l’intention d’arriver sur l’Ile de Man avec ambition et en étant bien préparé…

Les parties de Maxime :

Juste avant de partir à Bakou, Maxime a réalisé un exploit que seuls Wesley So et Nakamura avaient réalisé avant lui, à savoir remporter les deux éditions du fameux « Titled Tuesday » sur chess.com. Tous les mardis, deux tournois de blitz successifs réunissent en moyenne environ 500 joueurs titrés. Ce 25 juillet, Maxime s’est imposé dans les deux, avec un score de 9.5/11 puis de 10/11. Parmi les participants, Carlsen, Nakamura, Caruana, So, Duda, Kramnik, Kamsky, Fedoseev etc, et une pléiade de GMI. Il n’aura manqué pour Maxime que la cerise sur le gâteau : après s’être assuré le gain du deuxième tournoi avec 10/10, Maxime a concédé sa seule défaite du jour face à Nakamura, en essayant d’atteindre la perfection du 11/11 !

Le temps des équipes

La cathédale de Chartres

Le mois de juin a été rythmé par deux grandes compétitions par équipes, la première étant le Championnat de France, organisé une nouvelle fois dans une très confortable salle de la mairie de Chartres, la ville dont d’aucuns prétendent qu’elle possède la plus belle cathédrale du monde…

Top 16 à Chartres

J’ai rejoint mon équipe d’Asnières en cours de route à Chartres, pour le match de la troisième ronde en forme de derby contre Clichy, malheureusement perdu. Sur mon échiquier, j’ai fait nulle avec les blancs contre Amin Bassem, dans une Espagnole où je n’ai pas réussi à faire fructifier l’avantage que j’avais pris dans l’ouverture. Un résultat qui nous a tout de suite mis un peu dans le dur, mais on s’est bien rattrapé après 😊.

Au niveau personnel j’ai fait beaucoup de nulles. En fait, je n’ai fait que des nulles ! (6, dont 4 avec les noirs).

MVL-Bacrot
Une ultime nulle contre un vieil ami… (Photo : Ffe).

Il y a eu notamment cette nulle avec les noirs contre Andreï Sokolov qui a duré 6 heures (Mulhouse-Asnières, Ronde 4). Il a montré dans cette finale inférieure de grandes ressources en défense, car peu de gens auraient tenu cette position ; en tout cas, à son Elo (2464), quasiment personne ! Et même à des Elo supérieurs, j’ai du mal à croire qu’ils sont si nombreux, ceux qui auraient défendu cette finale. Il l’a fait, rappelant ainsi son statut d’ancien finaliste des Candidats, et tout le mérite lui en revient !

SOKOLOV – MVL ½

Ici, j’ai considéré que 47…Tfd3 ou 47…Tad3 n’offraient guère de chances de gain et j’ai donc décidé d’abandonner le pion d6 par 47…Rxg5. Andreï m’a dit après la partie qu’il pensait que mettre une Tour en d3 donnait de meilleures chances ; de mon côté, j’avais estimé que c’était l’échange de mon pion d6 contre ses deux pions g qui offrait les meilleures perspectives en pratique. Après 48.Txd6 Rxg4, il a commencé à trouver tous les bons coups, à commencer par 49.Rg2!. Tout autre coup perdait, par exemple 49.Txc6? Ta1+ 50.Rg2 Tg3+ 51.Rh2 Th3+ 52.Rg2 Tah1! avec un joli réseau de mat ; ou encore 49.Txf3? Rxf3 50.Tf6+ Rxe4 51.Txf7 Tf3+! et la finale de pions est gagnante. Après 49…Tg3+ 50.Rh2 Th3+ 51.Rg2 Tag3+ 52.Rf1 Th1+ 53.Re2 Ta3, il a encore dû trouver 54.Td3! (54.Txc6? Ta2+ 55.Re3 Th3+ est trivial, mais la réfutation du naturel 54.Td2? l’est moins : 54…Rg3! et les blancs sont en zugzwang. Si la Tf2 bouge, c’est 55…Th2+ ; si la Td2 bouge sur sa colonne, c’est la même à l’envers [55…Ta2+] ; et si 55.Tb2 Th4! ramasse le pion e avec intérêts, idem sur 55.e5 Th5) 54…Taa1, et seulement maintenant 55.Td2!, qui est à nouveau un seul coup (55.Tg2+? Rf4 56.Tf2+ Re5! et le recentrage du Roi est décisif, évitant au passage 56…Rxe4?? 57.Te3+ Rd4 58.Tf4 mat !). J’ai encore continué 55…The1+ 56.Rd3 Ta3+ 57.Rc2 Ta7 58.Rd3 Tg1, mais après 59.e5 et quelques derniers coups précis, Andreï a empoché son demi-point mérité !

MVL-Sokolov
A l’analyse avec le finaliste des Candidats 1987… (Photo : Ffe).

Quelques jours plus tard, je suis revenu à Chartres pour disputer la poule haute, avec uniquement des matchs décisifs au programme, notamment celui contre le multiple tenant du titre Bischwiller. Je dois avouer que mes parties en elles-mêmes dans cette poule haute n’ont pas été passionnantes. J’ai eu trois fois les noirs et une fois les blancs.

Avec les noirs, je me suis fait neutraliser dans les trois parties de manière très nette. Et avec les blancs contre Vidit, je n’ai rien pu faire de mon tout petit avantage.

Mais le plus important, c’est qu’au terme de deux matchs très animés en fin de poule haute, contre Chartres et Bischwiller, nous avons enfin raflé le titre de champion ! Un grand bravo à toute l’équipe, au capitaine, et au soutien toujours actif de la ville d’Asnières !

Cerise sur le cadeau, en dépit de mon absence pour cause de Global Chess League à Dubaï (cf. ci-dessous), Asnières a réalisé le doublé en remportant la Coupe de France début juillet 😊.

L'équipe d'Asnières
Asnières champion de France 2023 (Photo : Ffe).

Global Chess League à Dubaï

Global Chess League (GCL). Voilà un événement nouveau et complètement différent de ce à quoi on est habitués. Sous la férule du géant indien Tech Mahindra et de la FIDE, cette nouvelle Ligue voit s’affronter en parties rapides des équipes représentant des franchises. Pour cette première édition, 6 équipes avaient été formées, avec les joueurs draftés, un peu comme en NBA. Les autres particularités étaient les suivantes ; chaque équipe de 6 est composée d’un joueur Icône, de 2 super-GMI, de 2 féminines et d’un junior. Dans chaque match, une équipe a la même couleur sur tous les échiquiers. Pour le décompte des points, la victoire est valorisée à 3 points (comme au football par exemple), et la victoire avec les noirs octroie même un point bonus. Enfin, c’est un système de championnat aller-retour, les deux premiers disputant une grande finale le dernier jour.

Avec la participation de plusieurs joueurs du Top 10 (Carlsen, Nepo, Anand, Rapport), cette première édition avait quand même fière allure. Pour ma part, j’étais le joueur Icône de l’équipe Mumba Masters, du nom de la société indienne U Sports de Mumbaï

Ce qui m’a vraiment plu, c’est de pouvoir construire une bonne ambiance d’équipe, ce qui a été le cas. Bien sûr je connaissais Sacha (Grischuk), mais j’étais moins familier de nos amis indiens Vidit, et des féminines Dronavili et Koneru. Le junior ouzbek Sindarov complétait le tableau. Autour du capitaine le GMI Narayanan, qui a bien joué son rôle, nous sommes parvenus à créer d’excellentes relations. A noter qu’il y avait également un certain nombre de membres du staff de U Sports qui étaient là pour nous faciliter la vie et pour amplifier la cohésion.

L'équipe Mumba Masters
Présentation de l’équipe Mumba Masters (Photo : GCL).

Au niveau des matchs, c’était assez bizarre parce qu’on jouait en moyenne une partie par jour, ce qui cassait un peu le rythme. Dès lors, nous disposions de pas mal de temps libre pour les préparations, même si, pour la première moitié du tournoi, nous n’avions connaissance des couleurs que 30 minutes avant la partie. Dans l’ensemble, cette nouvelle compétition s’est avérée plutôt sympa, quoique assez épuisante nerveusement les deux derniers jours, où nous avons obtenu notre qualification pour la finale à l’arraché, avant de disputer un tie-break homérique en finale !

Avant ce sprint final, j’avais joué pas mal de parties intéressantes, même si la plupart d’entre elles s’étaient soldées par la nulle ; pas mal de neutralisation mutuelle, que ce soit avec les blancs comme avec les noirs.

Voici un petit aperçu de mes deux seules parties décisives :

ANAND – MVL 1-0

Contre Vishy, j’ai employé la Petroff et je suis resté assez longtemps dans ma préparation. Je savais qu’il y avait des positions dans cette ligne où il ne fallait pas avoir peur « d’envoyer du bois ». Je me suis senti pousser des ailes. Je savais que c’était un peu optimiste mais que ça pouvait aussi très bien se passer, ce qui a failli être le cas…

Ici, Vishy a vu au dernier moment que sur 24.Ch5?, il y a 24…g4! qui fait très mal, à cause entre autre du rayon X entre la Tc5 et le Ch5. Du coup, il a joué 24.Fxd4 et c’est là que j’aurais dû prendre le Cavalier bien sagement et obtenir une position pas claire après 24…fxg3 25.Fxc5 bxc5 26.Dxc5 gxh2+ 27.Rxh2 Tf7 ; c’est très chaud car j’ai les 2 Fous. Certes, le Fh4 est enfermé mais je peux toujours jouer …g4 si besoin et de son côté, il ne peut pas rentrer sur la colonne e.

Au lieu de ça, je me suis emballé et j’ai commencé à calculer comme un fou furieux 24…a5? 25.Db3+ Fd5 26.c4 Fxc4 (j’avais aussi envisagé26…Fxf3 27.Fxc5 Fxe2, mais après 28.Fxf8 [28.Dxb6 doit marcher également], je n’ai pas l’ombre d’une compensation 😊) 27.Dc3 Td5, mais j’ai oublié 28.Ff6!, qui n’était d’ailleurs pas le seul bon coup et après, ça tourne vraiment très mal. 28…fxg3 29.Te7 Dd6 30.Tg7+ Rh8 31.Tf7+ Rg8 et preuve supplémentaire de mon aveuglement à ce moment-là, j’ai cru que Vishy allait prendre la nulle, mais il a effectivement répété une fois, avant de délivrer le létal 32.Fe7! qui met un terme au débat !

C’était une partie compliquée où je sentais que je pouvais passer d’où la prise de risque maximale. Bon, ça n’a pas marché, mais l’équipe a gagné ce match !

MVL – CARLSEN 1-0

Carlsen--MVL
En route vers la victoire ! (Photo : GCL).

Le match suivant contre Magnus, j’ai fait face à une Berlinoise dans laquelle j’ai réussi à avoir une bonne pression à l’entrée de la finale. J’étais content mais Magnus m’a plus ou moins neutralisé dans la phase suivante, au prix cependant d’une grosse dépense de temps.

Il ne lui restait plus qu’à trouver 34…c5! 35.bxc5 Tc6 (ou même 35…Te6), et dans les deux cas, c’est nulle. En revanche, après son erreur 34…Td6? 35.Te3 Td2? (mieux valait encore reconnaître son erreur et défendre par 35…Tc6 36.Rxh4 Tc4) 36.Txc3 Txf2 37.Rxh4, il y a trop de faiblesses (en fait, tous ses pions !) et c’est devenu indéfendable en pratique, surtout avec si peu de temps à la pendule.

A la fin de la phase retour, Nous avons été chercher notre place en finale en écrasant l’équipe de Magnus lors de la dernière ronde (4 victoires noires et 2 nulles !).

CARLSEN – MVL ½

Ici, j’ai commis ce que Magnus appellera par la suite une « lucky blunder ». Ma première idée était le naturel 33…Td7 mais j’ai vu ensuite que 33…Td6 semblait possible, avec la possibilité supplémentaire de transférer la Tour en f6. Mais en jouant 33…Td6?, j’ai compris qu’il y avait 34.Ce2, avec surcharge de la Dame noire. Heureusement, j’ai réussi à garder la « poker face » le temps qu’il joue son coup ! Après son gain de qualité 34…De4 35.Dxd6 Dxe2, Magnus avait cependant un coup très dur à trouver pour maintenir l’avantage. 36.Tf1! m’aurait mis en difficulté car après 36…Fd3 (36…Dxb2 37.Dc5! est surpuissant) 37.Ta1 Dxb2 38.Te1 Dd4 39.De7 c3 (39…Dxd5 40.Te5!) 40.d6 avec la même position que dans la partie, sauf que le Fou a été attiré en d3 et ne contrôle donc plus la case d7 ! Les blancs sont gagnants. Une astuce très difficile à envisager en partie rapide, et Magnus a continué plus naturellement par l’immédiat 36.Ta1? Dxb2 37.Te1 Dd4 38.De7 c3 40.d6, mais avec le Fou en f5, j’ai eu le temps de jouer 40…Rg6! et de forcer la nulle après 40.Df8 c2 41.Dg8+ Dg7 42.De8 Dc3 43.Dg8+ Rh6 44.Df8+ Rg6.

MVL-Aronian
Avant la finale… (Photo : GCL).

Le véritable clou de cette Global Chess League aura été sans conteste la finale entre mon équipe Mumba Masters et les Triveni Continental emmenés par Aronian. Ayant gagné un match chacun tant en rapide qu’en blitz, nous avons dû nous départager en mort subite, une autre nouveauté de la Ligue, qui ressemble un peu aux tirs au but du football. On tire au sort un des 6 échiquiers, et le vainqueur du blitz rafle la mise. En cas de nulle, on en tire au sort un autre etc… Il aura fallu 4 blitz de mort subite pour nous départager ! Et c’est sur l’échiquier junior que tout s’est finalement décidé. Notre coéquipier Sindarov avait déjà battu quatre fois le Norvégien Bjerre dans le tournoi (!), et il était encore en train de pousser avec un pion de plus en finale quand il a complètement oublié un mat en 1 coup, clôturant de manière particulièrement cruelle cette belle et nouvelle compétition !

Bjerre
Le moment historique où Bjerre délivre le mat et offre la victoire finale à son équipe (Photo : GCL).

Ce scénario inédit a certainement été très excitant pour les spectateurs, mais c’était aussi très stressant à jouer, et encore pire à regarder dans la séance de mort subite ! Au début de celle-ci, je préférais ne pas être tiré au sort, mais après la deuxième partie (nulle entre Grischuk et Yu Yangyi), j’ai senti qu’il valait peut-être mieux que je monte sur scène pour en découdre avec Aronian, mais le sort ne m’en a pas donné l’occasion.

Evidemment il y a des regrets, mais au bout d’un moment ça va trop vite, il y a de trop de tension, et ça se joue vraiment à rien…

Bon été échiquéen à tous !

Pour ma part, la prochaine échéance sera la Coupe du Monde à Bakou, où je débuterai en 64e de finale le 2 août, contre le vainqueur du match de tour préliminaire entre l’Autrichien Dragnev (2576) et l’Israélien Kobo (2548).

Les parties de Maxime :

Les parties de Maxime au Championnat de France par équipes :

Les parties de Maxime à Berlin :

Les parties de Maxime à Dubaï :

Entre les deux compétitions par équipes traitées dans cet article, Maxime a passé une semaine à Berlin pour y disputer l’étape européenne du circuit Armageddon. 8 joueurs, un format blitz à élimination directe, avec la formule en vogue d’un tableau principal et d’un tableau des perdants, garantissant que personne ne soit éliminé sans avoir perdu 2 matches.

Particularité de cet Armageddon, toutes les parties se disputent en studio à Berlin et sont filmées pour un format télé.

Maxime a terminé 3e du tournoi, derrière Rapport et Duda, qui raflent les deux places qualificatives pour la grande finale de septembre.

https://worldchess.com/news/all/richard-rapport-and-jan-krzysztof-duda-are-the-winners-of-the-ar/

Retour aux affaires

Retour aux affaires

BUCAREST

C’était pour moi le retour aux tournois en cadence classique avec le début du Grand Chess Tour 2023 à Bucarest, après une longue interruption, depuis la Sinquefield Cup de septembre 2022 et la mise en place de mon nouvel encadrement juste après.

Le tirage au sort m’a désigné pour être le premier adversaire du nouveau champion du monde, Ding Liren ! Fatigué par son match, le Chinois n’a pas tenté grand-chose avec les blancs et j’ai facilement annulé.

Dans mes quatre parties blanches, j’ai eu quelques bonnes idées, notamment dans l’Ecossaise contre Giri et contre la Winawer de Rapport, même si au final ça n’a rien donné. En revanche j’ai effectivement été neutralisé par So et Deac dans le Début de Londres et l’Italienne. Le bilan avec les blancs est donc relativement mitigé, avec quand même quelques petites armes nouvelles testées.

Avec les Noirs, j’ai également fait 50% (+1, -1, =3) ce qui est plutôt satisfaisant, même si j’ai été clairement dominé dans l’ouverture des deux parties décisives, contre Caruana et Nepo, sur lesquelles je vais revenir ici :

Vue de la scène à Bucarest (Photo GCT).
Vue de la scène à Bucarest (Photo GCT).

RONDE 3 : CARUANA – MVL 1-0

Caruana-MVL
Caruana-MVL

J’ai joué 15…Ch5?, pas parce que j’avais oublié que le pion e7 était en prise, comme certains l’ont écrit, mais parce qu’après 16.Fxe7 Cf4 17.g3 Cbd3, les blancs avaient le terrible 18.Cg5! Dxd1 19.Taxd1 qui m’avait échappé, après quoi aucune suite tactique ne fonctionne vraiment pour les noirs. Du coup, je me suis replié sur 17…Tfe8 18.Fxd6 Cfd3 mais après 19.Te3 Cxb2 20.Db3! C2d3 21.e5!, je n’ai jamais pu justifier le déficit matériel.

RONDE 5 : NEPO – MVL 0-1

Une partie qui s’est bien mal engagée puisque Ian a utilisé l’Alapine pour obtenir un milieu de jeu sans les Dames qui a l’air inoffensif, mais qui ne l’est pas : sûrement le produit d’une très bonne préparation pour son match de championnat du monde. Sans doute perturbé par sa défaite de la veille contre Caruana, Ian a continué dans son style, à jouer très vite des coups intuitifs et il a effectivement réussi à me poser de sérieux problèmes. Mais c’est une fois qu’il m’a eu presque dans les cordes qu’il a commencé à déjouer…

Les blancs sont en contrôle total, mais il faut encore trouver le moyen de progresser. Je pense que 32.Td4! était le plus naturel, empêchant tout contre-jeu et laissant le passage vers b3 au Roi blanc, ce qui apportera de nouvelles possibilités. Mais en continuant à jouer vite pour mettre la pression à la pendule, Ian a joué l’imprécis 32.g4? Th8 33.Rg3 Tcc8! et m’a laissé revenir. Il a continué dans cette voie et oublié des détails importants, et particulièrement 34.c4 Th7 35.Fd6 Cd7!. A ce moment-là, je me suis aperçu que ça pouvait commencer à être très chaud pour lui si je doublais sur la colonne h et que je jouais …f6 puis …Ce5, forçant Fxe5 fxe5, après quoi mon autre Cavalier revivrait en c5. Et c’est ce qui s’est produit dans la partie ! Même si je n’étais pas complètement sûr d’être gagnant après le 40e coup, je savais que ma position était devenue assez facile à jouer, et vraiment très dure à défendre pour lui !

La combinaison finale : 48…Txf1+! (il fallait calculer correctement cette ligne parce que c’est le seul coup qui gagne) 49.Rxf1 Th1+ 50.Rf2 Ce4+ 51.Rxf3 Cxd2+ 52.Re3 Cxb3 53.b6 Th3+! 54.Rf2 (54.Re4 Rf6! 55.b7 Cd2+ 56.Rd4 Tb3 -+) 54…Th8 avec un gain trivial.

Une victoire un peu inespérée, mais qui a fait du bien au moral avant la journée de repos.

Duel franco-français lors de la dernière ronde (Photo GCT).
Duel franco-français lors de la dernière ronde (Photo GCT).

Je ne peux pas ignorer ma partie contre Rapport qui a suivi la journée de repos, car elle a été vraiment très spectaculaire !

RONDE 6 : MVL – RAPPORT ½

Une ouverture typique de la Française Winawer où les noirs ont fermé le centre par …c4. Je pensais être en contrôle et avoir pas mal de possibilités à l’aile-Roi mais ce n’était pas du tout aussi clair que ça. Je dois avouer que Richard est un expert de ce type de structure dans la Française, et qu’il a su trouver les bons arrangements de pièces.

Mon plan de base consistait à ramener mon Cavalier sur la case idéale e3, avant d’envahir l’aile-Roi par Dg1-g7 ; c’est la raison pour laquelle j’ai repris du Cavalier en g1.

En fait, le plus naturel 33.Dxg1 menait à des complications dingues, mais ne changeait pas le verdict d’égalité : 33…Cxa3 34.Fxa3 Dxa3 35.Dg7 b5 ; ici, l’immédiat et naturel 36.Dxh6 avait l’avantage de forcer les noirs à trouver un « seul coup » difficile après 36…b4 37.Dg7 [37.Df8 donnait l’occasion aux blancs de perdre après l’amusant 37…b3 38.h6?? b2 39.h7 Cg6!! 40.Dxa3 b1=C+] 37…b3 38.h6 b2 39.h7 b1=D 40.h8=D

40…Daa1! ; la machine est formelle, tout autre coup perd, par exemple 40…Dab2? 41.Dxe7 et malgré la prise de c2 sur échec, les deux Dames noires ne peuvent même pas donner perpétuel, ou 40…Db8? 41.Dxb8+ Rxb8 42.Df8+ et les noirs ne pourront plus jamais bouger ni le Cavalier, ni la Dame ! A la place de 36.Dxh6, les blancs avaient aussi la possibilité de 36.Re3!! un coup assez incroyable, la perte d’un tempo visant à empêcher la poussée du plus rapide pion b ; après 36…Cc6 37.Dxh6 a4 (mais pas 37…b4? 38.Df8! gagnant un tempo crucial) 38.Dg7 De7 et les noirs semblent tenir.

Mais après 33.Cxg1 Fe8 34.Ch3 Rd7 35.Cf2 Ff7, je me suis rendu compte que sur 36.Cd1, les noirs auraient couvert g7 par 36…Re8 37.Ce3 Rf8, et si besoin couvert f6 en cas de 38.De1 Cc7! 39.Dh4 Ce8. Je suis donc revenu tout de suite au plan 36.Dg1, donnant a3 contre g7, et nous sommes parvenus à cette position un peu folle, quoique assez typique des courses de pions passés avec pièces lourdes :

42.cxb3 (42.h6 ne suffisait pas non plus : 42…bxc2 43.Rxc2 Da2+ 44.Cb2 a4 45.Rc1!? Da1+ [45…a3? 46.Ca4] 46.Rc2 =) 42…Da2+ (42…cxb3 allait aussi : 43.Fe2 b2 44.Fd3 [surtout pas 44.Rc2?? Db3+! 45.Rxb3 b1=D+ 46.Ra3 a4! -+] 44…Db3 45.h6 b1=D 46.Fxb1 Dxb1 47.h7 Fh5 48.Ce3! =) 42…Da2+ 43.Re1 Dh2 44.bxc4 Dxf4 45.Fe2 Dg3+ 46.Rd2 Dg5+ 47.Re1 Dg3+ et nulle.

Au final, je crois que l’on a produit une très bonne partie, qui a été extrêmement tendue de bout en bout.

Le bilan de Bucarest est mitigé, avec un résultat à 50% et beaucoup de nulles, mais c’est bien au-dessus de ce que j’ai produit en 2022, même si ça reste évidemment en-deçà de certains standards que j’avais pu avoir quelques années auparavant.

En tout cas, c’était pour moi une sorte de « retour aux affaires », plutôt satisfaisant si on le prend comme un tournoi d’Elite en préparation de l’échéance majeure de la saison, qui reste la Coupe du Monde au mois d’août à Bakou.

VARSOVIE

A peine 3 jours après mon retour de Bucarest, j’étais de nouveau sur la route pour le tournoi suivant du Grand Chess Tour à Varsovie.

RONDE 1 : MVL – ARONIAN ½

D’entrée de jeu, une discussion théorique sur l’une des lignes les plus complexes du Début de Londres !

Ici j’ai longuement hésité entre 13.Cxa8 et 13.Cxe5. 13.Cxa8 exf4 14.Cg5 me paraissait être un bazar tactique complet, et j’ai penché pour 13.Cxe5 que je croyais supérieur. Le problème, c’est que j’ai totalement raté le passage du Roi en b6 par 13…Rxc7! 14.Cxf7+ Rb6 15.Cxh8 d5 et avec le Roi en sécurité et les pièces qui sortent, les noirs ont l’avantage. Je pensais qu’il voulait 13…Cxe5? 14.Fxe5 d6 15.Cxa8 dxe5 16.dxe5 qui semblait tourner en ma faveur. Dans la partie, j’ai réussi péniblement à rendre la qualité et stabiliser la position après 16.Fd3 Fe6 17.Fxh7 suivi de 18.Cg6.

Maxime et les deux meilleurs joueurs de l’histoire… (Photo GCT).
Maxime et les deux meilleurs joueurs de l’histoire… (Photo GCT).

RONDE 4 : CARLSEN – MVL ½

Une partie spectaculaire pour sa finale. Avec les noirs, je pense avoir bien maîtrisé la nouvelle ouverture à la mode employée par le n°1 mondial, le Début de Londres. Malgré de longues manœuvres dont il a le secret, Carlsen n’est jamais parvenu à déstabiliser ma position, jusqu’à ce qu’une stupide petite erreur de calcul vienne me mettre en difficulté.

Ici, il suffisait que je continue à attendre par 51…Rd6 avec l’idée de toujours reprendre du pion en b6, et les blancs n’ont aucun moyen d’augmenter la pression. Malheureusement, j’ai cru qu’il ne récupérait pas le pion a5 après 51…bxa5?! 52.Ca6+ Rd6 53.Cc5 Cb6, oubliant complètement la fourchette 54.Cb7+ Rc7 55.Cxa5. Même si ça ne change rien à l’évaluation puisque la position reste toujours égale, les blancs gagnent l’accès à la case c5 et rendent ma défense beaucoup plus difficile.

Quelques coups plus tard, j’ai décidé de forcer les événements par 70…f3!? (la machine indique que 70…Fd7 est également complètement égal, mais c’était impossible à deviner sur l’échiquier) 71.dxe6 fxg2 72.Ce2 Rd8. J’avais anticipé que nous finirions fatalement dans la fameuse finale 2C contre pion, dans une version très probablement gagnante pour les blancs, mais sans doute pas en moins de 50 coups ! De plus, je savais la complexité extrême des manœuvres de Cavalier à connaître dans cette finale, et j’ai estimé que même pour Carlsen, la tâche serait impossible à réaliser en pratique 😊. J’en profite pour faire un clin d’œil au grand spécialiste français des fins de parties le MI Alain Villeneuve, qui a été ma référence théorique pour cette finale, comme pour bien d’autres !

C’est Troitzki qui a défriché toute la théorie de cette finale, et dès 1906, il édictait la règle suivante : toutes les positions avec un pion Tour bloqué sur la 4e rangée par un Cavalier indélogeable sont gagnées, quelle que soit la position du Roi noir. C’est donc bien le cas ici, même si les tablebases indiquent qu’il faut 56 coups sur un jeu parfait pour forcer le pion h à avancer ! 80…Rd6 81.Cf3 Re6 82.Rc5 Rd7 83.Rd5 Rc7 84.Ce5 Rb6?! (84…Rb7! 85.Rc4 Rb8 retardait le zugzwang de la partie) 85.Rc4 Rb7 86.Rb5 Rc7 87.Cc4? (diffère le gain d’une quinzaine de coups en laissant le Roi noir se recentrer ! Il fallait d’abord le confiner sur la 8e rangée en commençant par 87.Rc5! Rb7 88.Cc4 Rc7 89.Cb6 Rb7 90.Cd5 Ra6 91.Rb4 Ra7 92.Ra5 Rb7 93.Rb5 Rc8 [ou 93…Ra7 94.Cb4 Rb7 95.Ca6 Ra7 96.Cc5] 94.Rc6 Rd8 95.Rd6. Après encore plus de 20 coups parsemés de nouvelles manœuvres ésotériques 😊, la position idéale suivante aurait enfin été atteinte.

Il est maintenant temps de mater ! 1.Cg4! Rh8 2.Cf6 h2 3.Cf4 h1=D 4.Cg6 mat.

Dans la partie, après 87.Cc4? Rd7 88.Rb6 Re6 89.Rc6 Rf5 90.Ce3+ Re4 91.Cg2 Re5, tout était à refaire pour les blancs et Magnus n’a pas insisté et a pris le pion h4…

Contre Wesley So, sur fond de décor bleuté (Photo GCT).
Contre Wesley So, sur fond de décor bleuté (Photo GCT).

RONDE 7 : MVL – SO 1-0

Une partie tactique qui s’est décidée sur un moment-clé :

Les noirs ont un choix difficile. Prendre en g5 avec le Fou et permettre Dxf7+, ou sacrifier la qualité en g5. Après deux minutes de réflexion, la pièce est retombée du mauvais côté pour Wesley avec son choix erroné d’écarter 26…Fxg5! 27.Dxf7+ Rh6 (pour l’anecdote sur 27…Rh8, j’avais calculé une variante perdante pour moi ! 28.Cxd6 Ff6 29.Ce8 et j’étais très fier de ce qui me semblait être un mat forcé après 29…Fxe8 30.Dg8+ ou 29…Dxe8 30.Dxf6+ ou encore 29…Txe8 30.Txe8+ suivi de 31.Dg8+ ou 31.Dxf6+. Mais 29…Tg5+! et c’est la douche froide ! 30.Rh2 [30.Rh1 Fc6+ ; 30.Rf1 Fxh3+] 30…Db8+ et ce sont les blancs qui se font mater ! Je pense que je m’en serais rendu compte en cours de route car au lieu du « brillant » 29.Ce8?, le direct 29.Txe5 Fxe5 30.Dd5! Dg5+ [30…Fxd6 31.Dd4+] 31.Rh1 gagne, de même que le subtil 29.h4! contrôlant g5) 28.f4! (28.Cxd6 Ff6 29.Ce4 à l’air quasiment gagnant mais 29…De8! 30.Dxf6 Txe4 avec une nulle imminente) 28…Txe4 29.Txe4 (je crois que de loin, Wesley a raté 29.fxg5+? Dxg5+ sur contre-échec !) 29…Ff6 avec une meilleure version de la position avec pion pour la qualité que dans la partie.

Pour revenir au diagramme, Wesley a donc finalement choisi 26…Txg5+? 27.Cxg5 Fxg5 28.Dxf7+ Rh6 29.Tad1 Fxh3 30.Fe6! Fxe6 31.Txe6 et les pièces lourdes blanches sont trop puissantes.

RONDE 8 : DUDA – MVL 1-0

Un intéressant débat théorique dans une ligne qui devient tendance contre le Gambit-Dame accepté.

Malheureusement, je ne me suis pas souvenu de mon fichier, qui mentionnait ici 19…Ch5! comme étant le seul moyen de conserver une position complexe, l’idée étant qu’après 20.Rf2 (sur l’échiquier, j’ai complètement raté 20.g3? Cxg3!) 20…Cf4, les blancs doivent jouer l’anti-coup de développement 21.Ff1.

A la place, j’ai opté pour l’inférieur 19…Cd7?! 20.Fd4?! (20.0-0 était plus précis, empêchant la suite de la partie ; 20…a5? 21.Ta1!) 20…a5! 21.bxa6 Txa6? (ratant le coche, et pourtant j’avais vu 21…Cc5! 22.Fe2 Cxa6 23.Ta4 Tb8 qui est peu clair) 22.0-0 Ta8 23.Tfb1 et maintenant, le conglomérat de pièces blanches hyper solidaires domine clairement la Dame noire.

Classement final de Varsovie (image chess.com).
Classement final de Varsovie (image chess.com).

J’ai donc réalisé dans les rapides de Varsovie un score un peu supérieur à celui de Bucarest, à savoir +2 au lieu de 50%. Pas de quoi sauter au plafond, mais l’idée est que mon jeu se mette en place progressivement.


Dans la partie Blitz des deux derniers jours à Varsovie, je pense avoir produit un jeu assez inégal, même si je suis assez content de certaines parties ; d’autres ont certes été un peu plus compliquées, notamment en fin de première journée.

+3 au final, ce n’est pas forcément à la hauteur de mes attentes en termes de résultat, mais c’était également ma reprise en blitz, puisque je n’avais pas joué depuis le championnat du monde de décembre. Et une reprise est toujours un peu délicate à gérer, en tout cas à ce niveau de la compétition.

Je prends donc ce 50% à Bucarest et cette 3e place ex-aequo à Varsovie avec philosophie, mais il faudra être plus performant à Saint-Louis au mois de novembre pour avoir des chances de finir une sixième année de suite sur le podium du Grand Chess Tour !

Le classement du Grand Chess Tour 2023 après 2 tournois (Image GCT).
Le classement du Grand Chess Tour 2023 après 2 tournois (Image GCT).

PARTIES MVL

Les parties de Maxime à Bucarest :

Les parties rapides de Maxime à Varsovie :

Les parties blitz de Maxime à Varsovie :

Le boom des échecs est indéniable, même si les proportions de ce phénomène restent variables selon les régions du monde. En France, le célèbre magazine d’investigation et de reportage « Envoyé Spécial », diffusé sur France 2, a décidé de consacrer un long moment à cet essor. A ce titre, il a choisi de suivre spécifiquement Maxime pendant une quinzaine de jours. L’équipe télé l’a donc accompagné au Championnat de France Jeunes d’Agen, où il était invité par la Fédération Française en tant qu’ambassadeur. Puis à filmé une journée parisienne, entre entraînement sportif et visite à son sponsor « Immortal Game ». Enfin, les reporters « d’Envoyé Spécial » se sont également rendus à Bucarest, pour les dernières rondes du tournoi inaugurant le Grand Chess Tour 2023.

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