Rapide lent ou Classique rapide ?

Le sponsor de mon club allemand de Baden-Baden m’avait envoyé il y a quelques semaines une invitation à un tournoi de prestige que je n’avais aucune raison de décliner !

Je suis donc arrivé à Karlsrühe la veille du tournoi en provenance directe d’Autriche, où j’avais disputé les dernières parties du Championnat d’Autriche par équipes avec mon club de Linz (4.5/5 pour Maxime et un nouveau titre de champion 😊).

Le tournoi Grenke était un « revival » puisque la dernière édition avait eu lieu en 2019. L’édition 2020 était prévue mais avait dû être annulée suite à l’épidémie de Covid. Le sponsor a également fait l’impasse sur les trois années suivantes. C’était cependant pour mieux revenir cette année, avec un festival qui restera dans les annales !

J’ai reçu mon invitation assez tardivement, mais pour du dernière minute, les organisateurs ont vraiment vu les choses en grand, avec près de 2800 joueurs dans les Opens, une vraie performance ! Évidemment, les 6 joueurs du tournoi Classic (Carlsen, Ding, Rapport, Keymer, Fridman et moi-même) avons été très sollicités pour des autographes ou des selfies, notamment parce qu’il y avait beaucoup de jeunes dans les Opens. La présence de Magnus forcément, et celle de Ding Liren également, ont apporté beaucoup de cachet au tournoi.

Sans surprise, tout ceci a généré des retards à chaque ronde. Mais c’était compréhensible et guère gênant en vérité. Et cette gigantesque réunion de joueurs d’échecs a permis de créer toute une ambiance autour du tournoi. C’est impressionnant d’avoir autant de joueurs à un seul et même endroit, et toute une ville qui « respire échecs » pendant une semaine. Je ne vais pas être hypocrite, ce n’est pas forcément hyper facile de jouer dans ces conditions parce qu’inévitablement, il y a du bruit ; mais c’est le revers de la médaille, on ne peut pas avoir en même temps la convivialité et un silence monacal 😊.

J’ajouterai qu’à titre personnel, j’ai pas mal d’amis ou de connaissances qui disputaient les Opens ; ce qui était très agréable dans le sens où ça amenait un peu de lien social auquel je ne suis pas habitué dans les tournois de très haut niveau.

Vue (incomplète !) de la salle de jeu (Photo : Grenke Chess)

Concernant la cadence (45+10), ce tournoi était une sorte de test, même si certains – dont je fais partie – avaient déjà pu la tester au Championnat du Monde par équipes à Jérusalem en 2022. L’idée de base, c’est de pouvoir jouer deux parties par jour. Mais la cadence reste assez rapide tout de même. Autant en partie longue je n’ai jamais de problème de temps, autant ici à Karlsrühe, j’ai parfois fini en zeitnot. Malgré tout, les parties ont été d’assez bonne qualité dans l’ensemble ; sauf peut-être dans les finales, où c’est bien souvent compliqué de jouer précisément, surtout à certains moments critiques (je pense par exemple à ma première partie contre Magnus, sur laquelle je reviendrai ci-dessous).

Pour ma part, j’ai tout de même trouvé dommage de ne pas disputer la double ronde contre le même adversaire en alternant les couleurs, ce qui m’aurait semblé plus logique.

Au final, je dirais que cette cadence de jeu est intéressante, même si c’est évidemment un rythme intense puisqu’il n’y a quasiment pas de pause entre les parties. Certes, on peut choisir de faire une préparation allégée le matin en compensation, mais même comme ça, on brûle de l’énergie. Une autre chose que je regrette un peu, c’est que les organisateurs avaient choisi de négocier un cachet avec les joueurs (ou leurs représentants), et de ne pas octroyer de dotation en prix. Pas de prix, pas de prise en compte pour le Elo de parties longues, il manquait un enjeu, même s’il restait évidemment celui d’ajouter un tournoi à son palmarès ! Mais si tu ne l’emportes pas, 3e ou 5e du tournoi, ce n’est pas pareil mais presque…

Le dernier jour, ce sont des mini-matches qui ont attribué les places définitives (1 vs 2, 3 vs 4, 5 vs 6). J’ai remporté mon match pour la 3e place contre Keymer. Certes, j’avais forcément à cœur de bien faire, mais en vrai, le match pour la 3ème place, ce n’est pas non plus comme une médaille de bronze aux Jeux Olympiques 😊.

Voici un retour sur quelques-unes de mes parties au Grenke Classic :

Mvl-Fridman, Ronde 3 : 0-1

Début de la partie contre Fridman (Photo : Grenke Chess)

Mon ouverture ne s’est pas très bien passée ; je n’étais pas hors prépa, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il maîtrise cette variante de la Française aussi bien. Du coup je n’étais pas sûr de ce que je faisais. A un moment, j’ai quand même décidé de varier un peu par rapport aux plans habituels de ce type de position, notamment lorsque j’ai décidé de reprendre le pion sacrifié dans l’ouverture alors qu’en général, on le laisse « pour la vie ».

Mais ce n’était pas une décision forcément terrible, et juste après, il y a eu le moment critique où il joue 16…Fe7, un coup légèrement imprécis, commencer par 16…h6 aurait été plus sécurisant. Après 17.Fg5, il aurait pu tenter de gagner la pièce par 17…Cb2 mais finalement il a décidé de ne pas le faire parce que ça semblait très dangereux après 18.De2 Dxc3 19.e6 fxe6 20.Tac1 Dxa3 21.Txc8+ Fxc8 22.Fxe7 Rxe7 22.De5. C’est en tout cas ce que j’avais vu et c’est plus ou moins la ligne de l’ordinateur ; il y a tout un tas de possibilités et je trouve ça plutôt effrayant pour les noirs !

J’ai finalement pris l’avantage petit à petit mais ça n’a jamais été facile, même si je pensais que ce le serait dans la position suivante :

Après 40.Cd5! Rf8 (40…Fxd5? 41.d7), mon erreur a été de ne pas jouer 40.Cf6! ; le Roi vient en f4, la Tour coulisse en g1 via a1, et le Roi noir est dans de sales draps tandis que le pion c aura du mal à faire diversion. Malheureusement, j’ai cru qu’avec 40.Tc3? Te2 41.Ce3,je prenais le pion c4, sauf qu’après 41…Ta2, sur 42.Cxc4? il y aurait 42…f4+! 43.Rxf4 Txa4 ou 43.Rh4 Th2 et je me fais mater.

Après ça, j’ai donc dû changer mes plans mais du coup la situation est devenue hors de contrôle. J’ai sans doute encore raté un gain, et la fin de la partie est une succession d’erreurs réciproques jouées avec peu de temps à la pendule, avant que je ne parte complètement en vrille pour craquer le dernier…

Nouveauté théorique à Karlsrühe : sur scène juste avant le lancement d’une ronde, le MI Ilya Schneider fait sa demande en mariage à sa compagne Olga ! (Photo : Grenke Chess)

Carlsen-Mvl, Ronde 4 : ½

Juste après cette défaite horrible, j’enchaînais avec les noirs contre Magnus ! Certes, il n’y a objectivement pas grand-chose à redouter quand Magnus joue 1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.Cc3 Cf6 4.Fe2 e5 5.Fc4 😊.On sent qu’on ne va pas forcément être moins bien si on sait à peu près comment réagir, ce que j’ai fait, avec une ouverture plutôt bien maîtrisée.

Ici, j’aurais pu jouer simplement 14…Fe6, mais en fait j’étais parti sur l’idée qu’il fallait que j’essaie de pousser …f5 au plus vite, donc j’ai préféré 14…Rh8 15.Ce3 Dg6. Il a décidé d’empêcher drastiquement …f5 et a poussé 16.g4, sur quoi j’avais calculé que je ramenais mon Cavalier en f4 en commençant par 16…Cd8 mais c’est en fait un peu risqué ; 17.Df3! est bien joué, au moins d’un point de vue pratique, puisque si je joue 17…Ce6, il va échanger en e6 et je ne peux pas reprendre du pion, donc je me retrouve vraiment mal à l’aile-Roi : il continuera simplement Re2, Tag1 et g5, et je ne voulais pas laisser faire ça. Donc, j’ai préféré temporiser, même au prix de l’ouverture de la colonne g par 17…Fd7 18.g5 Ce6 19.gxh6 gxh6. A partir de là, c’est devenu hyper compliqué, avec une position à trois résultats.


Au lieu du normal 23…fxe4, je me suis vu un peu beau et j’ai commencé par 23…c4?, qui est une erreur ; j’aurais dû sentir qu’avec ma Dame en h7, il ne fallait pas trop en demander à la position ! Heureusement, Magnus n’a pas trouvé 24.dxc4 fxe4 25.De3! Tf3 26.Dd2 Cc5 (ce n’est pas forcément évident au premier abord, mais la position noire est trop disharmonieuse après 26…Td3 27.De1!) 26.Cf4! suivi de 27.Dxd6 et la position noire est au bord de l’écroulement.

Dans la partie, j’avais vu la position jusqu’à 24.Fc2?! fxe4 25.Dxe4 Dxe4 26.dxe4 Fe8 27.f4! (sinon, j’attaque f2 et je menace …Td8 suivi de …Cf4 à tout moment). Après 27…Fh5 (j’ai passé beaucoup de temps sur ce coup car je pensais qu’il voulait peut être jouer 28.f5 et je souhaitais vérifier que ça allait pour moi, ce qui est le cas après 28…Fxd1 29.Txd1 Cf4 ou 29.fxe6 Fxc2 30.Rxc2 Tf2+ 31.Rc1 Tg8!) 28.Td2 exf4? (28…Cxf4 29.Cxf4 Txf4 30.Txd6 Rh7 =)

Je savais que je parais 29.Ce7 (menaçant 30.Cg6+) à cause de 29…f3, mais en prenant en f4, j’ai réalisé que je laissais 29.Cc7!.

Et là, c’est la douche froide ! J’ai hésité à abandonner, mais j’ai vu que j’avais encore 29…Tg8 (la ligne forcée 29…Cxc7 30.Txd6 Tf7 [30…Rh7 31.e5+] 31.e5 Tg7 32.Txh6+ Rg8 33.Txg7+ Rxg7 34.Txh5 laisse une finale facilement gagnante aux blancs) 30.Txg8+ Rxg8 31.Cxe6 Tg1+ 32.Fd1 Tf1 (mais pas 32…f3? 33.Tf2) et mon pion f me laisse encore de vagues chances pratiques. Et c’est précisément ce qui s’est passé (certes avec un petit peu d’aide 😊). 33.Txd6 f3 34.Cf4

Ici, Magnus a paniqué, et a réfléchi pendant quasiment ses 2 minutes restantes. Il pensait que 34…Fg4 était impossible à cause de 35.Txh6+ Rg7 37.Tg6+ Rh7 38.Txg4, mais après 38…f2, aucune de ses pièces ne peut se sacrifier sur le pion f, qui va à Dame ; la position reste quand même nulle après 38.Cd5 Txd1+ 39.Rxd1 f1=D+ 40.Rc2, grâce à l’échec en f6. Cherchant le gain et ne le trouvant pas, il s’est replié sur 35.Cg6+? qui ne suffit pas. Pourtant, il avait deux façons de l’emporter. Une première, radicale, 35.Ch5! f2 (35…Fxh5 36.Txh6+ Rg7 37.Txh5 f2 38.Tf5 +-) 36.Td8+ Rh7 37.Cf6+ et 38.Cxg4. L’autre façon, plus lente, était de commencer par 35.Rc2 avant de donner l’échec en g6. Si 35…f2, maintenant 36.Cg6+ Rg7 37.Fxg4 Tc1+ 38.Rxc1 f1=D+ 39.Td1 suivi de 40.Ff5! ; tout est protégé et les blancs vont s’imposer.

Dans la partie, Magnus a été contraint de rendre la pièce et de se contenter d’une finale de Tours égale après 35…Rg7 36.Rc2 h5 37.Ce5 f2 38.Tg6+ Rh7 39.Tf6 Fxd1+ 40.Rd2 Fg4 41.Re3 Te1+ 42.Rxf2 Txe4 43.Cxg4 Txg4.

Malgré tout, j’aurais très bien pu perdre cette finale, car je me la suis rendue difficile en n’activant pas mon Roi quand c’était possible. Même à la fin, il pouvait encore me poser des problèmes…

Ok, c’est nulle avec les pions a et c. Tout le monde sait ça, mais la défendre en pratique avec seulement les 10 secondes d’incrément, c’est une autre histoire !

Au lieu de 68.Tf6, qui me permet d’annuler en force par 68…Ta5 gagnant un des deux pions, Magnus aurait pu tenter 68.Td6. Au début, j’avais raté que sur 68…Ta5 il y a maintenant 69.a7! qui gagne car 70.Td8 est imparable, et si 69…Txa7 70.Td7+. Mais ensuite j’ai compris quand il réfléchissait (il a quand même mis une minute pour jouer 68.Tf6) que j’avais la ressource 68…Te1+. Mais après 69.Te6, il aurait encore fallu éviter 69…Ta1? 70.Re8! et les blancs gagnent parce qu’ils laissent la case e7 à la Tour et menacent donc 71.a7. Par conséquent, le seul coup aurait été 69…Td1!, anticipant 70.a7 Rb7 ou 70.Re8 Td8+. C’était quand même limite – limite !

Maxime aux couleurs de son club allemand (Photo : Grenke Chess)

Mvl-Rapport, Ronde 5 : 1-0

Au début, je pensais que cette Française Winawer se passait plutôt bien, mais j’ai été imprécis dans mon positionnement de pièces parce que je dois dire qu’après 1.e4 e6 2.d4 d5 3.Cc3 Fb4 4.e5 c5 5.a3 Fxc3+ 6.bxc3 Ce7 7.Dg4 Dc7 8.Fd3, je ne me rappelais plus du tout de cette sous-variante 8…Da5!? 9.Fd2 c4. C’est plutôt intelligent, on obtient des positions que Richard aime bien, d’un genre que j’ai déjà eues contre lui et où ça ne s’est pas toujours bien passé pour moi.

Quelques jours plus tard, Magnus a montré face au même adversaire ce qu’il fallait faire : 10.Fe2 Tg8 11.a4 Cbc6, comme j’ai joué, est correct, mais maintenant 12.Dh3! h6 13.Fh5 Fd7 14.Ce2. Moi, j’ai joué un peu automatiquement 12.Cf3 Fd7 13.0-0 h6 14.Tfb1 et je me disais que j’allais être un petit peu mieux mais je me suis rapidement aperçu que ce ne serait pas le cas parce que les noirs sont très rapides à jouer …f6 ou …g5.

C’est donc pour ça qu’après 14…0-0-0, j’ai opté pour 15.Tb5 Dc7 16.Df4 et avec la Dame en c7, 16…f6 17.exf6 permettrait un échange des Dames qui me serait favorable. Et sur 16…Tdf8 17.h4! m’aurait permis de contrôler ce qui se passe à l’aile-Roi. En outre, dans cette position, je menace à tout moment la manœuvre thématique Fc1-a3.

Sauf que Richard a choisi une autre voie en sacrifiant un pion par 16…g5!, ce que j’avais vu, mais peut-être sous-estimé. Certes, il ne peut pas m’enfermer la Dame après 17.Dxf7 Cg6 18.Dh7. 17…Tdf8 ne me semblait pas problématique non plus après 18.Dh5 g4 19.Ch4 Fe8 20.Dxh6 Th8 car j’envisageais de donner la pièce par 21.Dxe6+ Fd7 22.Dd6 avec sans doute une belle compensation. Mais en fait il a simplement joué 17…Cf5 18.g4 Tdf8 (sur 18…Cg7 19.Df6, ma Dame ressortira toujours) 19.Dh5 Fe8 20.Dh3. Je pensais que le plus dur était passé, que j’avais un pion de plus et que ma position restait assez solide. L’ordinateur n’est pas du tout impressionné et préfère même les noirs après 20…Dg7, un coup un peu lunaire, avec l’idée de ramener ensuite le Cf5 en g6 via e7.

Richard a joué le plus humain 20…h5, un coup permettant d’avoir des compensations à long terme, et auquel je m’attendais. Pensant être beaucoup mieux que ce qu’il en était en réalité, j’ai voulu solidifier ma position alors qu’il aurait fallu essayer d’obtenir quelque chose à l’aile-Dame. Après pas mal de manœuvres, et notamment mon transfert précipité du Roi vers l’aile-Dame, nous avons obtenu la position suivante :

J’ai réfléchi assez longtemps, et j’ai tendu un piège sympathique, puisqu’ici 38…Ce3 est très tentant, mais perd ! 39.Fb4! Cxb4 40.cxb4 Db6 41.Dxe3 Dxb4 42.Fc2 Dc3 43.Ta2 +-. Mais 38…b5! est arrivé un peu comme un coup de massue. Sur 39.axb5 je ne craignais pas 39…Dxb5 40.Db2, mais je me suis aperçu que 39…Tb8 était fort (40.bxc6? Dxa3+!) ;il faut le dire, Richard est toujours assez créatif dans ces moments-là ! Cependant, après quelques minutes de réflexion, j’ai trouvé la solution 40.Fb2 Dxb5 41.Fa4 Db7 (ou 41…Db6, je n’étais pas sûr) 42.Rd1! (mon Roi repart dans l’autre sens !). L’idée, c’était 42…Ca5 43.Fa3 et il me semblait que je m’en sortais pas mal ; 43…Cb3 44.Fxb3 Dxb3+ 45.Re1 suivi de 46.Rf2 et tout à l’air sous contrôle. Sur 43…Da6! qui est en fait le meilleur coup, je pensais jouer 44.Fc5, car si 44…Cb3? j’ai 45.Fc6+!, mais la machine indique 44…Tg7! qui menace à nouveau 45…Cb3 puisque a7 est protégé ; ça menace aussi 45…Tgb7 et dans tous les cas, la position blanche s’avère extrêmement périlleuse.

Ouf, il a joué le spectaculaire mais erroné 43…Dh7?, ce qui m’a tout de même causé un choc pendant une dizaine de secondes! Effectivement, mon Roi ne peut plus se réfugier à l’aile-Roi, mais il y a un antidote ! 44.Fb4! etje vais pouvoir à nouveau ramener le Roi à l’aile-Dame ; quel zigzag royal ! Après 44…Dh5+ 45.Rc1 Txb4 (forcé, la Dame noire est maintenant trop loin de son propre Roi, et si 45…Cb7? 46.Fd1 ou 46.Fc6 suivi de 47.Da2 est terminal) 46.cxb4 Cxd4, j’ai calculé une variante complètement folle ! 47.bxa5 Ce2+ 48.Rb2 c3+ 49.Dxc3 Cxc3 50.Rxc3 Ff5? 51.Tab1! Fxb1 52.Txb1, les noirs n’ont pas d’échec, je menace mat, et si 52…a6 53.Fc6+ Ra7 54.Tb7+ Ra8 55.Th7+ ; mais je me suis dit que ça n’allait pas marcher et effectivement il y a 50…Txg5!, voire 50…De2. J’ai donc préféré jouer 47.Rb2 et sur 47…Ce2, regarder les alternatives à la prise en a5 (spoiler, il y en a pas mal !).

Mais finalement, Richard a joué 47…Cab3. Je n’ai pas été extrêmement précis parce que 48.Df2! était léthal, et pas mon choix de 48.Fxb3? Cxb3 49.Df2, qui autorisait 49…Cxa1 et les noirs résistent encore (alors que sur 48.Df2! Cxa1 49.Dxd4, ils restaient avec une Tour nette de moins). Au final, j’ai quand même accroché la victoire dans une finale de Tours où j’ai pu resserrer les boulons. Ça a un peu relancé le tournoi parce qu’auparavant, Richard était seul en tête avec un point d’avance…

Il y a eu beaucoup d’autographes signés cette semaine-là… (Photo : Grenke Chess)

Rapport-Mvl, Ronde 9 : 1/2

Avant cette avant-dernière ronde, la situation du tournoi était assez simple : Richard était 2e derrière Carlsen, avec un point d’avance sur moi. Afin de lui chiper cette place et de disputer le match final contre Magnus, il était donc quasi impératif que je l’emporte avec les noirs dans cette partie.

Bien au fait de la situation, Richard a joué en conséquence une variante extrêmement solide contre la Ragozine. J’ai quand même réussi à trouver une ligne qui conserve les pièces et un peu de jeu dans la position :

Après 13…dxe4, je dois dire qu’il m’a un peu soulagé en préférant 14.Fxe4 à 14.Cxe4 ; je n’étais pas sûr de quoi faire parce que le Cavalier arrive en d6 un peu quoi qu’il arrive, par exemple 14…f5 15.Cd6! Fxd6 16.cxd6 Dxd6 17.Te1 avec une belle compensation. Et si 14…e5, je pensais à 15.Te1 (il y a peut-être aussi 15.d5 cxd5 16.Cc3, mais ce n’est pas sûr) 15…exd4 16.Cd6. 14.Fxe4 m’a donc permis d’espérer obtenir une position à peu près jouable. Après 14…e5, Richard a pris énormément de temps pour 15.Te1, parce qu’il vérifiait 15…f5? 16.Fc2 e4 17.Cxe4! fxe4 18.Txe4 que, de mon côté, j’avais éliminé d’office ! En plus de perdre du temps, il n’a pas prévu ma réponse a tempo 15…Dd8, et c’est là qu’il a commencé à avoir un petit peu peur je pense.

Ici, j’ai complètement raté la possibilité 18…Ff4!?, laissant faire 19.Dxg6+ qui perdrait toutefois la qualité après 19…Rh8, même si ça restait pas clair du tout. A la base, je voulais plutôt 18…Rg7 mais après 19.Dxd4+ Ce5, je laissais la possibilité 20.Cd5! et je me suis dit que jamais ça n’allait passer. C’est pour ça que je me suis finalement décidé pour 18…Rh7. Je savais aussi que je perdais un temps précieux, mais heureusement, Richard ne l’a pas si bien utilisé.

Il a sacrifié un pion, ce qui ne semblait pas absolument nécessaire, et quelques coups plus tard, j’ai obtenu une position dans laquelle j’avais l’impression d’avoir des chances de gain.

Ici, j’ai joué 30…Tad8?!, mais ça s’est avéré insuffisant après 31.bxc5 bxc5 32.Txc5 Txd6 33.Tcc7 et les blancs ont pu sauver le demi-point. Pourtant au début, je voulais prendre en b4, mais ça ne m’a pas semblé assez sur le coup : 30…cxb4 31.axb4 Tad8 32.Tc6 Td7 33.Txd7 (33.Tc7! de suite est en fait beaucoup plus résistant) 33…Txd7 34.Tc7 Td8 35.Txa7 et là, j’ai raté 35…Fe8! gagnant le pion d6 et sans doute la partie.

J’ai attendu tranquillement de connaître l’identité de mon adversaire pour le match du lendemain qui attribuerait les places finales. C’est finalement Keymer qui a émergé d’un tie-break à trois avec Ding Liren et Fridman.

Classement final du tournoi fermé (Image : chess-results.com)

Dans l’ensemble, les noirs ont été plutôt forts dans mon ultime match, puisqu’ils ont pris l’avantage dans trois des quatre parties !

Keymer-Mvl, match pour la 3e place, Tie-beak (4) : 0-1

Après trois nulles, ce match s’est décidé dans la quatrième partie. Grâce à 1.d4 Cf6 2.Cf3 g6 3.Cbd2 d5 4.e3 a5!?, j’ai pu éviter qu’il ne joue 5.b4, contournant plus ou moins sa préparation. C’était en outre une position qui me paraissait assez jouable pour les noirs.

Après quelques péripéties et une imprécision de ma part, j’aurais largement pu me retrouver en difficulté…

Heureusement, Vincent avait déjà dépensé pas mal de temps, et ici il a raté le fort 20.c4!, qui mettait mon centre sous grosse pression. A la place, un autre coup neutre comme 20.De2 ou 20.Cd3 aurait été possible, mais pas 20.Df3?, qui permet 20…Fh6! 21.Tc2? (21.Dd3 était moins grave) 21…Ce4! 22.Cxe4 dxe4 23.Txe4 Fxb3 et les noirs ont un net avantage. Plutôt que de laisser 24.Tb2 Fd5, Vincent est allé all in avec 24.g5 Fxg5 25.c4, qui peut paraître attrayant, mais qui ne marche pas. J’avais calculé 24.c4 immédiatement, et après 24…Fxc2 25.Dxf7+ Rh8 27.d5, le plus précis était 27…Db6 qui empêche 28.Fb2 et il n’y a pas d’attaque (mais évidemment pas 27…Fxe4?? 28.Fb2! et c’est mat). Dans la partie, après 25…Fxc2 26.Dxf7+ Rh8, il a joué 27.Tg4 Tf8 28.Dd5 Ff6 mais a abandonné peu après.

Bravo à Magnus pour une nouvelle victoire, au terme d’un incroyable match final contre Rapport !

Les parties de Maxime en Autriche :

Les parties de Maxime au tournoi Grenke :

Une des émissions les plus populaires de France, « Envoyé Spécial » consacrera le jeudi 11 avril en fin de soirée un long reportage au boom que connaît le jeu d’échecs depuis quelques années. Diffusé sur France 2, celui-ci observera le phénomène sous deux angles. Celui d’une famille de joueurs d’échecs, dont on suivra le quotidien ; et sous l’angle d’un champion, en l’occurrence Maxime, que les équipes de France 2 ont accompagné à l’entraînement, en visite au championnat de France Jeunes à Agen, ainsi que sur un tournoi du circuit professionnel à Bucarest.

https://www.france.tv/france-2/envoye-special
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