Rendez-vous à Riyad ! par Mvl

C’était l’objectif sportif individuel de ces deux derniers mois ; accrocher une des places qualificatives pour la Coupe du Monde esport à Riyad (29 juillet – 1er août). Puis venait l’objectif par équipes, avec le Top 16 (Championnat de France des clubs).
Retour sur ces deux compétitions :

CHAMPIONS CHESS TOUR, Chess.com Classic

J’ai disputé le deuxième tournoi du Champions Chess Tour depuis les locaux de Vitality à Paris. C’est mon équipe esport depuis le début de l’année, et leur « ruche », le V Hive, se situe au cœur de Paris, pas très loin de chez moi. Je trouvais important de me mettre dans l’ambiance et de ne pas jouer depuis chez moi, afin de me sentir en situation de tournoi. Le V-Hive offre un cadre plutôt agréable pour ce genre d’événement : un lieu bien équipé, moderne, avec une touche gaming juste à côté, mais sans être trop bruyante, ce qui convenait bien au public du jour. De mon côté, j’étais placé dans une salle à part pour éviter toute distraction…

La ruche !

Le tournoi était décisif ; certes, j’avais une wild-card pour la phase finale à 16 joueurs, mais il fallait que je remporte des points pour accéder au Top 12 du classement général, et me qualifier pour la Coupe du Monde. J’avais évalué avant la compétition que je devrais remporter 2 matches sur 4, mais il a fallu au final que j’en remporte 3 pour assurer la qualification ! J’ai débuté par un premier match contre Caruana, gagné de façon assez convaincante d’ailleurs, même si j’ai remporté la seule des 4 parties dans laquelle je n’avais pas dominé, la dernière !

Ensuite, Magnus s’est dressé sur ma route. Je savais évidemment que le match allait être compliqué, mais je l’avais déjà battu sur ce format, donc je ne partais pas non plus perdant. Mais la première partie m’a mis un énorme coup d’arrêt puisque j’étais complètement gagnant et que j’ai gaffé une Tour en un coup dans le zeitnot. Je ne m’en suis jamais remis. Ensuite, j’avais une journée très importante dans le Tableau des Perdants, où il fallait que je gagne les deux matches. D’abord, contre Erigaisi… C’était un match très tendu, qui s’est décidé dans un Armageddon où tout pouvait arriver. J’ai cependant réussi à utiliser mon avantage de temps au départ, et dans une finale un petit peu plus agréable, très difficile à défendre sur ce contrôle de temps (10 + 0), j’ai fini par m’imposer. Ensuite, j’ai battu Levon (Aronian) sur un match maîtrisé. L’essentiel était fait puisque j’avais assuré ma place pour la Coupe du Monde esport. J’étais donc plus détendu le lendemain, et j’ai remporté mes trois matches contre Nepo, Abdusatorrov et Nakamura, avant de m’incliner dans la Grande Finale contre Carlsen. Rien à dire, il a vraiment très bien joué, et moi j’étais un peu dedans. Ma mission sera de trouver un moyen de prendre ma revanche directement à Riyad !

Je suis satisfait de mon tournoi, content globalement du niveau de jeu produit ; l’idée est d’être capable de répéter ce type de performances…

Les 12 premiers qualifiés (sur 16) pour la Coupe du Monde esport à Riyad (Image : Liquipedia).

TOP 16, Belfort

J’ai pris la compétition en route à cause de mon parcours au Champions Chess Tour, qui m’a fait rater les deux premières rondes.

Je suis donc parti le samedi matin, dans le train de 8h27 à la Gare de Lyon, donc pas très loin de chez moi. Direction Belfort, avec une arrivée prévue à 11h09, sans problème pour une ronde prévue à 14h30. Tout allait bien jusqu’à Dijon, mais l’arrêt en gare m’a semblé anormalement long. Et effectivement, on nous a finalement annoncé que le train ne repartirait pas du tout ! Dès lors, soit j’attendais le bus de remplacement pour arriver à Belfort, distant de près de 200 kms, mais c’était très risqué. J’ai donc décidé de chercher directement un taxi, et je dois dire qu’il n’a pas traîné en route 😊. Malgré cette petite mésaventure, j’ai quand même réussi à jouer une bonne partie, et à aider l’équipe à remporter le match. Mes ambitions étaient évidemment que mon équipe d’Asnières récupère le titre que l’on avait remporté il y a deux ans. D’autant plus que l’année dernière, nous n’avions jamais été vraiment en mesure de nous battre pour la première place. Pendant longtemps, ça s’est plutôt bien passé ; certes, nous avons eu des matchs assez tendus, mais que nous avons le plus souvent remportés.

Malheureusement, nous avons perdu un match important contre Cannes. On s’est donc retrouvés à la dernière ronde au coude-à-coude avec l’autre favori, Chartres, mais avec l’obligation de remporter cette « finale ». Mais dès la troisième heure de jeu, nous étions menés 1-2 et il ne restait plus que ma partie, pour l’honneur donc. Comme d’habitude, j’affrontais Laurent Fressinet avec les blancs, et comme à chaque fois, il s’est bien défendu. Mais il a fait une petite faute juste avant le 40ème coup et je me suis retrouvé dans une finale Dame + 3 pions contre Dame + 2 pions sur la même aile, qui est théoriquement nulle, mais qui laisse toujours de la place pour travailler la position. J’ai tenté de presser jusqu’au bout, et je n’étais vraiment pas si loin d’arriver à quelque chose, mais au final, partie nulle quand même…

J’estime que j’ai plutôt bien joué dans l’ensemble. J’ai gagné deux bonnes parties contre Yannick Gozzoli et Amin Tabatabaei. J’ai mis beaucoup de pression avec les blancs, ce qui me manquait depuis quelque temps ; et là, entre Bucarest et le Top 16, j’y suis parvenu à nouveau. Evidemment, c’est aussi la loi des séries avec, sur une période donnée, les préparations qui tombent un peu mieux etc… Mais ça reste assez encourageant pour la suite.

La Salle des Fêtes de Belfort, qui accueillait le Top 16 (Photo : Ffe).

Maintenant, place aux vacances, avant de reprendre la préparation en juillet. Mais en termes de compétition, je n’ai rien de prévu avant une séquence qui m’amènera d’abord le 27 juillet à Riyad pour la Coupe du Monde esport. Puis à partir du 9 août, ce sera la saison américaine, avec le combo habituel du Grand Chess Tour à Saint-Louis ; Rapid & Blitz, suivi de la Sinquefield Cup. Et sans transition au tout début du mois de septembre, il faudra changer d’hémisphère, direction l’Ouzbekistan à l’occasion du Grand Swiss, qualificatif pour les Candidats 2026 !

Voici une partie spectaculaire disputée au Champions Chess Tour :

Mvl – Erigaisi
Champions Chess Tour (2.1), 21.05.2025

1.e4 c5 2.Cf3 e6 3.c3 [Invitant mon adversaire à quitter les eaux de la Sicilienne pour celles de la Française, dont il est aussi un pratiquant régulier] 3…d5 4.e5 Cc6 5.d4 Fd7 6.Fe2 f6 7.0-0 fxe5 8.Cxe5 Cxe5 9.dxe5 Dc7 10.Te1 0-0-0 [Erigaisi a déjà joué à plusieurs reprises cette position, mais ses adversaires avaient toujours répondu 11.Ff1, protégeant e5] 11.a4!? [Un sacrifice de pion introduit par le GMI hongrois Gabor Papp, qui mène à des complications massives !] 11…Dxe5 12.Ca3 Cf6 13.Cb5

[Mon idée nouvelle. Même si les noirs devraient objectivement s’en tirer à bon compte, je savais qu’en cadence rapide, la tâche serait ardue !] 13…a6 14.g3 Db8 15.b4 e5 [La réfutation de la séquence blanche consistait à prendre la pièce par 15…axb5 16.axb5 c4, puis à évacuer le Roi en e7 par 17.Fe3 Te8! suivi de …Rd8-e7. Cependant, si on ne se laisse pas influencer par l’évaluation de l’ordinateur, la position continue à faire très peur pour les noirs.] 16.Fe3 axb5 [16…d4? est injouable à cause, soit de l’ouverture de la colonne c, soit celle de la diagonale h2-b8, avec des conséquences funestes pour le Roi noir dans les deux cas.] 17.axb5 c4 18.Fb6

18…Fe7? [La première vraie faute. 18…Fe6 suivi de 19…Fd6 consolidait la position et mettait la pression sur les blancs pour justifier l’absence de leur Cavalier !] 19.Ta7 [19.Fa7 Dc7 20.Fc5 menait à une finale égale à la suite d’une séquence introuvable ! 20…Fxb5 forcé 21.Fg4+! (21.Ta8+? Rd7 22.Fg4+ Rc6-+) 21…Cxg4 22.Ta8+ Rd7 23.Dxg4+ Rc6 (23…Re8? 24.Dxg7 Tf8 25.Txe5+-) 24.De6+ Td6 (24…Fd6 25.Txd8 Txd8 26.Txe5+-) 25.Fxd6 Dxd6 26.Dxd6+ Fxd6 27.Txh8 et après le seul coup 27…d4!, les noirs développent suffisamment de jeu pour compenser les deux qualités en moins !] 19…Fxb5 [Je m’attendais plutôt à 19…Fe6 20.Da4 Rd7 et la position reste sur le fil du rasoir] 20.Da1? [Un coup joué à l’instinct sans trop réfléchir, et nous avons tous les deux oublié une ressource défensive cachée. Possible était 20.Fg4+ Fd7 21.Ff3; cependant le meilleur était de commencer par 20.Ta5! d’après la machine, mais ces nuances complexes n’étaient pas décelables en cadence rapide.] 20…Dd6? [Un coup naturel, mais perdant. Pourtant, les noirs avaient l’occasion de réfuter le jeu blanc par 20…Td6! 21.Fc5 (21.Da5 Fa6 et la manoeuvre de la partie ne marche pas : 22.Ff1 ((22.b5 Fd8!-+)) 22…g5 23.Txe5 Txb6!) 21…Dxa7! suivi de 22…Ta6, raté par les deux joueurs !] 21.Da5 Dc6

22.Ff1 [Un rare coup de recul gagnant ! La double menace 23.Txe5 et 23.Fh3+ est trop forte. A noter que sans cette jolie ressource, vue à l’avance, les blancs seraient ici perdants.] 22…Rd7 23.Txe5 Tb8? [Sur 23…g5 24.Txg5 je n’étais pas certain d’être gagnant pendant la partie. Mais je savais que c’était la seule ligne à même d’offrir des chances pratiques de défense aux noirs] 24.Fh3+ Re8 25.Fc5 Cg8 [maintenant, j’étais persuadé que j’étais clairement gagnant, mais j’ai calculé longtemps car il y avait trop de possibilités séduisantes !] 26.Te6 b6 27.Taxe7+ Cxe7 28.Txe7+ Rd8 [28…Rf8 29.Da7] 29.Da7 bxc5 30.Td7+ Dxd7 31.Dxb8+ Re7 32.De5+ Rf7 33.Fxd7 Fxd7 34.Dxd5+ Fe6 35.Dxc5

[Erigaisi a encore défendu comme un beau diable pendant 25 coups, mais l’issue finale n’a jamais fait de doute.] 35…Td8 36.b5 Td1+ 37.Rg2 Fd5+ 38.f3 Re6 39.b6 Tb1 40.Rf2 Tb3 41.Dd4 g6 42.Re3 Rd6 43.Dg7 Txb6 44.Rd4 Fe6 45.Dxh7 Tb2 46.Dh8 Td2+ 47.Re3 Td3+ 48.Re2 Fd5 49.Df6+ Rc5 50.h4 Rb5 51.g4 Ra4 52.h5 gxh5 53.gxh5 Rb3 54.h6 Fg8 55.Dg7 Td8 56.De7 Tb8 57.Rd2 Tb5 58.Dd8 Fh7 59.Dd7 Th5 60.Db7+  1-0

Les parties de Maxime au Champion Chess Tour :

Les parties de Maxime au Top 16 :

Les parties de Maxime au championnat du monde blitz et rapide par équipes :

Juste avant les vacances, une dernière compétition attendait Maxime dans la capitale anglaise, le Championnat du Monde Rapide & Blitz par équipes, qu’il disputait pour le compte de l’équipe favorite de WR Chess. Cette compétition sur 6 échiquiers impose d’avoir 1 joueuse féminine et 1 joueur amateur (-2000 Elo), et tenait à Londres sa 3e édition. Malgré une équipe de choc, composée notamment de Firouzja, Mvl, Nakamura, Duda, So et Hou Yifan, WR Chess n’a pris qu’une modeste 5e place dans le Rapide. Mais l’équipe, renforcée par l’arrivée in extremis de Nepo pour le Blitz, s’est consolée en s’adjugeant le titre mondial. Après un assez modeste 6/10 dans le tournoi Rapide, Maxime a largement contribué au titre en Blitz de son équipe avec un bilan invaincu à 11.5/13, certes contre une opposition plus hétérogène.

Les francais célèbrent le titre
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