Oui, ce mois de septembre était effectivement « Grand », avec successivement le Grand Swiss à Samarcande (Ouzbékistan), puis la finale du Grand Chess Tour à Sao Paulo (Brésil), deux échéances évidemment très importantes, la première étant qualificative pour les Candidats 2026, et la seconde déterminant le podium du circuit professionnel de la saison.
Je suis arrivé au Grand Swiss avec toute une délégation française puisque Jules (Moussard), Marc’Andria (Maurizzi), Maxime (Lagarde) et moi-même avons pris le même vol depuis Paris – je crois qu’Etienne (Bacrot) venait de Nice. L’endroit était un petit peu trop isolé mais plutôt sympathique, et nous avons quand même pu visiter la vieille ville de Samarcande, mondialement réputée.
Nous étions répartis sur plusieurs hôtels et il n’y avait guère d’activité à faire à l’extérieur, si ce n’est marcher, dans un cadre toutefois très naturel, au bord d’une rivière, ce qui était plutôt sympathique. Maxime logeait dans le même hôtel que moi, tandis que Jules et Marc’Andria étaient ailleurs. Notre hôtel disposait d’une console avec plusieurs jeux, dont FIFA, ainsi que d’une table de ping-pong. Nous nous retrouvions donc souvent tous les quatre ici.
Après une escale d’une petite semaine à la maison, il a fallu repartir dans l’autre sens, direction le Brésil ! Un nouveau pays dans ma besace 😊. Sur place, la première chose qui m’a marqué, c’est l’énorme enthousiasme pour les échecs. Il est vrai que c’était le premier super tournoi au Brésil – et même en Amérique du Sud – depuis une douzaine d’années (Sao Paulo déjà, auquel je n’avais pas participé). Il y avait une grosse foule pour la compétition, et les gens manifestaient une vraie ferveur ; c’est vrai que c’est aussi la mentalité brésilienne qui parlait… Le tournoi, quant à lui, était très, très bien organisé. Je suis très heureux d’avoir pu y participer, et d’avoir pu contribuer à cette hype autour du tournoi et auprès du public sur place.

Venons-en aux compétitions elles-mêmes :
A Samarcande, je n’étais pas très content de commencer avec les noirs, dans un Open en 11 rondes où il faut nécessairement scorer pour atteindre une des deux premières places qualificatives aux Candidats. Mais il se trouve que j’ai doublé les blancs dans le tournoi et que j’ai finalement eu six blancs ! Le tournoi avait plutôt bien démarré, mais j’ai eu un coup d’arrêt très net contre Marc’Andria dans une partie très échevelée où tout aurait pu se produire. Je suis passé par une position gagnante, mais c’est aussi parce que Marc’Andria a pris beaucoup de risques à un moment dans la partie.
A la ronde 6 avec les noirs contre l’Arménien Sargsyan, j’ai considéré que j’étais déjà en situation de all-in (à tort ou à raison) mais ça s’est très mal passé. Ensuite, j’ai pu gagner trois parties de suite qui m’ont permis d’y croire un peu plus mais c’était malheureusement « too little too late », notamment après une partie où j’aurais pu avoir ma chance contre Mishra, mais où il a été très solide et a trouvé les bons coups pour annuler. Au final, un résultat honorable à +3 (7/11), qui laisse toutefois le petit goût amer de ne pas avoir vraiment pu me battre pour les premières places. C’est clair que la défaite avec les blancs contre Marc’Andria a changé de beaucoup de choses de ce point de vue-là.
Concernant la finale à 4 du Grand Chess Tour, je m’étais fixé deux missions. Avant tout, gagner un match afin de me qualifier pour l’édition 2026. Puis, jouer la victoire finale, puisque je n’ai jamais réussi à remporter ce circuit, malgré une constance sur le podium pendant 10 ans qui n’a pas eu d’égal.
En demi-finale contre Pragg, qui a multiplié les performances cette année, le match a été assez tendu. Après deux nulles dans les classiques, j’ai réalisé une première partie rapide très convaincante avec les blancs. En retour, il m’a posé énormément de problèmes dans le deuxième rapide, mais j’ai réussi à trouver les bons coups actifs et à défendre. Les blitz auraient pu être très compliqués, mais j’ai heureusement gagné à partir d’une position perdante dans le troisième pour finalement remporter le match.
La première mission étant remplie, j’attaquais alors la deuxième, en finale contre Fabiano (Caruana), avec un scénario un peu similaire au match contre Pragg, sauf que dans la première ce n’est pas moi qui ai eu les chances de gain, mais Fabi, après une prépa monstrueuse de sa part, et une partie tout aussi monstrueuse. Heureusement, il a connu quelques ratés dans une finale de Dames à rebondissements où j’ai réussi à défendre avec beaucoup de résilience, mais un peu de réussite quand même ! Comme contre Pragg, après deux nulles, j’ai remporté le premier rapide, puis n’ai pas eu trop de soucis pour défendre le deuxième. En revanche, j’ai complètement craqué dans les blitz ; malheureusement, j’en ai perdu trois de suite ! Certes, une première défaite malheureuse a tout déclenché, mais clairement, les blitz ont été un gros point faible dans mes deux matches. Moins de constance, moins de fraîcheur, ce sont malheureusement des choses qui m’arrivent plus fréquemment désormais, alors que les blitz étaient un point fort auparavant. Malgré tout, j’ai manqué l’opportunité d’égaliser dans le dernier blitz à un cheveu !
Globalement, on aurait pu tous les deux gagner ce match, mais la victoire finale de Fabiano n’est absolument pas imméritée. Dans les blitz j’ai montré trop de limites pour tenir le score.
Voici maintenant quelques moments intéressants lors de ces deux tournois :
GRAND SWISS
MVL- MAURIZZI, Ronde 4

J’ai été neutralisé dans l’ouverture et il y a eu ici un moment très critique. Sur 19…Da5 20.axb5 Dxb5, je voulais jouer 21.Ch4? à la base, mais c’est une faute à cause de 21…Fe4 22.f3 et le coup qu’on a tous les deux raté, c’est 22…Db6 23.fxe4 Fd2!. Du coup, après 20…Dxb5, je dois jouer 21.Cd2 et tout s’échange : 21…Cxd2 22.Fxd2 Dxe2 23.Fxb4 =. Mais Marc’Andria a préféré les énormes complications issues de 19…Fa3!? 20.Txc4 dxc4 21.Dxa3 Da5. Ensuite, la position est devenue très déséquilibrée mais je considérais quand même que j’avais une attaque plus dangereuse, ce qui s’est vérifié.

Ici, j’avais un gain mais je ne l’ai pas trouvé pas et j’ai fini par jouer 30.Fh6?, un coup complètement à côté. Ca se sent, mais je n’ai pu identifier clairement aucun des deux gains disponibles. Pour moi, le premier est le plus facile : 30.Dh4 Dxe5 31.Cc2! et l’arrivée du Fou en d4 est létale. 30.Ce2 immédiatement marchait aussi, avec la même idée de placer le Fou en d4, après quoi le Roi noir sera impuissant.

Dans la partie, après quelques autres imprécisions de part et d’autre dans cette position folle, j’ai complètement craqué ici.
J’avais vu 35.fxg6 hxg6 (35…fxg6? 36.Cc6!) 36.Txf7 c1=D+ 37.Fxc1 Txc1+ 38.Rf2 mais je pensais que c’était perdant car le pion b allait à Dame, alors que pas du tout. C’est parce que dans ma tête pendant le zeitnot, mon Fou restait en h6 et c’était le Fd3 qui se sacrifiait sur le pion en c1 😊. Et donc au début je croyais faire mat par Tg7+ dans cette variante, avec un « Fou fantôme » en h6 ! Quand je me suis aperçu de cette confusion, je me suis cru foutu, d’où ce 35.Fc1? qui perd sans aucune résistance après 35…Ta2 suivi de …b2.
Ce résultat est venu récompenser la prise de risque extrême de Marc-Andrea. Objectivement, c’était un peu foufou de sa part ; on va dire que la position semblait extrêmement dangereuse pour lui, ce qui se vérifie largement à l’analyse.
RODHSTEIN – MVL, Ronde 8
Le GM israélien m’a un peu surpris avec l’Anti-Grunfeld 3.f3, même si je sais qu’il l’avait pas mal analysée lorsqu’il secondait Gelfand pour son match de championnat du monde contre Anand en 2012. Je savais aussi que c’est un joueur très ambitieux par principe et qu’il jouerait pour le gain. Mais obtenir ces complications ne me dérangeait pas du tout ! La position a très bien tourné pour moi et je me suis retrouvé gagnant ; cependant, ce n’était pas si facile à convertir.

Finalement j’ai trouvé la bonne idée avec 34…Da4 35.Ta3 Fb5+ (35…Dxa6+ d’abord était plus esthétique) 36.Rg1 Dxa6. Après 37.Txa6 Cxf3+ 8.Rf2 Te2+ 39.Rxf3 Tg3+ 40.Rf4 Ch5+ 41.Rxf5 avec 3 mats à disposition (41…Fd3, 41…Fd7 et 41…Te5), j’ai choisi au hasard 41…Fd7# !

MVL – ERDOGMUS, Ronde 9
Le jeune prodige turc a fait le choix un peu inattendu de l’Espagnole ouverte. Pourtant, j’aurais dû m’y préparer puisqu’il est entraîné par Mamedyarov, qui a beaucoup joué cette ouverture. En revanche, j’ai bien deviné qu’il n’allait pas jouer la ligne avec 12…d3 comme Mamedyarov, mais plutôt 12…dxc3 et par chance, je m’en souvenais plutôt bien.

Ici, je savais que 21…g4 était sans doute le plus précis mais il a préféré 21…f5 22.exf6 gxf6 23.Cd4 Th4 24.Tfe1 Tf4+ 25.Ff3 Fxh3? (25…Txf3+! 26.Cxf3 Dd6 était la seule façon de continuer, avec compensation pour la qualité) 26.Dc6! (la façon de punir l’erreur) 26…Txf3+ 27.gxf3 Cb6

28.Cb5! (surtout pas 28.Dxf6? Dh7!, beaucoup trop dangereux) et la finale est gagnante après 28…Dxc6 29.Ca7+ Rb7 30.Cxc6 Txd1 31.Ca5+ Rc8 32.Txd1. J’aurais pu la convertir de façon plus efficace sans doute, mais à noter la grosse défense de sa part quand même.
GRAND CHESS TOUR (PHASE FINALE)
PRAGG – MVL, ½ finale, 1e partie

Pendant la partie, la position m’a paru plus difficile qu’elle ne l’était en réalité. Ici, je n’ai pas vu du tout la possibilité 36…Df6, qui était tellement plus simple que le 36…Db4 que j’ai joué. Après 37.Te4 Dd2?! est maintenant très limite puisque ça laisse déjà 38.Dxb6 ; la finale de Tours qui suivait 38…Txd5 39.Fxg4 hxg4 40.Txg4 me semblait nulle, mais elle n’est quand même pas si facile à défendre. Pragg a préféré 38.Te2 et là, je n’ai pas compris que je devais absolument revenir en b4 ; c’est juste que pour moi, j’étais déjà très mal. J’avais vu qu’après 38…Dd4? 39.Dc7!, je serais en difficulté, car si la Tour bouge, 40.d6!, si 39…Df6? 40.Te6!. 39…Txd5 40.Fxd5 Dxd5+ 41.f3 aurait donc été forcé, avec une finale qui sent la souffrance. Mais Pragg n’a pas joué 39.Dc7 parce qu’au dernier moment il a vu 39…Te8 et a paniqué ; mais il y avait juste 40.Fxg4 qui gagne ! Du coup, il a joué 39.Tc2? avec seulement une seconde à la pendule ! Et au lieu d’être en difficulté, c’est moi qui ai obtenu une finale avec un pion de plus après 39…Ce5 40.Dc3 Cxf3 41.Rxf3 Txd5 42.Dxd4+ Txd4…

Cette finale de Tours est nulle en théorie, mais elle reste extrêmement complexe et offre évidemment de grandes chances pratiques. A priori 46.Rf2 faisait nulle ici, par exemple 46…f6 47.Re3 g5 48.hxg5 fxg5 49.f4 gxf4+ 50.gxf4 h4 51.Rf3. En revanche, 46.Rh3? f6 47.Rg2 g5 48.Rh3 gxh4 49.g4!? était ingénieux, mais insuffisant : 49…hxg4+ 50.fxg4 Rf7 51.Td6 Re7 52.Tc6, et j’ai raté ici ma chance en ne comprenant pas comment forcer le zugzwang dans cette position. Et ce n’était pas si dur ! 52…Tb2! 53.Rxh4 (sinon la Tour doit laisser passer le Roi noir) 53…Tb3 54.Rh5 (54.g5 est identique) 54…Tb4!, et la manœuvre en escalier de la Tour a forcé un zugzwang complet : 55.g5 fxg5 56.Rxg5 Rd7 57.Th6 Rc7 et le pion a est perdu. Malheureusement je n’ai pas trouvé ce zugzwang et j’ai choisi, certes la mort dans l’âme, 52…Txa4? 53.Txb6 Tb4 54.Ta6 a4

J’avais compris qu’ici, 55.Ta7+! était le seul coup pour annuler, puisqu’après 55…Rd6 56.Ta6+ Re5, les blancs peuvent tranquillement prendre en h4, la position malheureuse du Roi en e5 empêchant 57…f5? 58.Ta5+.
J’espérais quand même un peu qu’il joue l’autre coup qui a l’air naturel, 55.Ta5?, ce qu’il a fait ! Mais si effectivement ce coup perd, ce n’est pas pour la raison que je croyais ! Après 55…Tb3+? 56.Rxh4 a3, les blancs annulent au temps près par 57.Ta6! (le coup que j’ai oublié ; j’attendais 57.g5? fxg5+ 58.Rxg5 Rd6 59.Rf4 Rc6 60.Re4 Rb6 avec un gain de temps décisif sur la Tour) 57…Tf3 58.g5 fxg5+ 59.Rxg5 Rd7 60.Rg4 Tb3 61.Rf4 Rc7 62.Re4 Rb7 63.Ta4 Rb6 et avec la Tour en a4 au lieu de a5, les noirs ne gagnent pas de tempo décisif !
Le « vrai » gain, c’était 55…Tf4! 56.Rxh4 f5 57.Rg5 Txg4+ 58.Rxf5 Th4! (le coup-clé, raté par les deux joueurs) 59.Ta6 (59.Rg5 Tb4 60.Rf5 Rd6 61.Rf6 Rc6 62.Re5 Rb6 gagnant ce crucial tempo) 59…Rd7 60.Re5 Rc7 61.Rd5 Rb7 62.Tg6 a3 63.Tg2 Rb6 64.Ta2 Ta4 et le Roi blanc est coupé.
MVL – PRAGG,Rapide 1
Dans l’ouverture, Pragg a choisi de forcer l’échange des Dames au prix du doublement de ses pions a, et j’avais considéré que la finale serait difficile pour lui. Ca s’est vérifié petit à petit…

Je suis assez content d’avoir compris que l’échange des 4 Tours était la bonne décision et ici 29.Re2! Re8 (29…Cxc5 30.dxc5 Cxa4 31.Fd4!) 30.f4 Fe7 31.Cdb3 Cc4 32.Fc3 Cdb6 33.f5! et l’avantage d’espace combiné à la vulnérabilité des pions a s’avérera décisif.
PRAGG – MVL, Rapide 2

J’ai été sous grosse pression dans ce Gambit Dame. Son idée 12.Cd2 était intéressante, et j’ai mal réagi, sans doute par inexpérience dans cette ouverture. Le coup qui est un peu dangereux c’est 12…a5?!. Mieux valait juste 12…c5 (maintenant que son Cavalier est en d2), même si je venais juste de jouer 11…c6 ! Mais intercaler 12…a5 13.a4, comme me l’a fait remarquer Jules (Mousssard) qui était sur place pour me seconder, c’est se priver de tout contre-jeu avec …c5 à cause de la case b5.

Le moment vraiment critique de la partie se situe ici. Je n’aimais pas 21…Cbd5 22.Cxf6+ Dxf6 23.Df2, ou 22.Df2 tout de suite, que je trouvais très désagréable. Mais 21…Cbd7? est bien pire ! On a tous les deux raté 22.Fc4! Cxc5 23.dxc5 (23.Cg5? Dd6 ne marchait pas) 23…Cxe4 24.Dxe4! (coup très important). Maintenant, si j’échange les Dames, toutes mes pièces sont enfermées, et sur 24…Dxc5+ 25.Rh1 je ne peux toujours pas développer mon aile-Dame, par exemple 25…Fd7? 26.f6! suivi de 27.Dg6 et je peux abandonner. 22.Dc3?! Cxe4 23.Txe4 Dd6 n’était toutefois pas la fin de l’histoire… 24.Cxd7 Fxd7 25.f6 pose encore de sérieux problèmes. J’ai compris tout de suite que je devais empêcher 26.Te7, d’où 26…Te8 26.Th4 (26.Tef4 g5!). Après, il m’a fallu comprendre l’importance vitale de la manœuvre 26…Te6 27.fxg7 Tf6!, qui m’a permis de résoudre la plupart des problèmes.

Après 28.Te1 Db4 29.Dc1, je me suis encore fait une belle frayeur : j’avais la main sur la Ta8 pour jouer 29…Te8??.

Mais à l’ultime moment, j’ai vu 30.Txe8+ Fxe8 31.Tg4! et la menace 32.Fh7+ est imparable ! Pragg l’avait vu également puisqu’il m’en a parlé à la fin de la partie. Ouf de soulagement, et nulle quelques coups plus tard après 29…Rxg7.
CARUANA – MVL, Finale, 1e partie

Nous sommes dans une ligne moderne de la variante d’échange du Gambit-Dame. Fabiano avait préparé ici la nouveauté 14.Fd3, acceptant le doublement des pions g. Je sais qu’il est coutumier des longues lignes « fait maison » et qu’il a une capacité à s’en souvenir remarquable. Mais là, il m’a quand même surpris en débitant tous ses coups pratiquement a tempo jusqu’à 23.Tf4 !

J’ai même surestimé la valeur de sa prépa dans le sens où je réfléchissais beaucoup et que je ne savais pas trop quoi faire ; je n’étais pas sûr du tout de jouer les bons coups. Or, il s’avère que j’ai trouvé toutes les premières lignes de la machine, même si les coups n’avaient vraiment pas l’air forcés ! Et lui me répondait tout a tempo 😊. Toujours sous l’impression d’être moins bien (alors que ce n’était objectivement pas le cas), après avoir correctement sacrifié un pion par 24…Te6 25.b5 cxb5 26.Txc7 Dd8 27.Txa7 T8e7 28.Tf6 Rg7 29.Txe6, j’ai commis une première imprécision en provoquant l’échange des Tours par 29…Fxe6?! (29…Txe6! suivi de …Fc6 et …Db6 ; je n’oserais pas dire que je suis mieux, mais de façon incroyable, c’est presque plus agréable à jouer pour les noirs) 30.Txe7 Dxe7 31.Db2

Je sentais qu’il y avait assez de jeu pour faire nulle après 31…Ff5 (j’ai dépensé beaucoup de temps ici et je n’aimais pas 31…Fd7 à cause de 32.Db4). Maintenant, sur 32.Fxf5 Cxf5 33.Dxb5, il y avait cette idée de défense assez incroyable, 33…De4!, que je n’avais pas vue pour le coup. A la base, je voulais 33…Dd6? mais malheureusement 34.g4 gagnait pour les blancs (mais pas 34.e4? à cause de 34…Cxd4 35.Dxd5 Db4! qui est très joli, avec la menace 36…De1+ et …Ce2). Après 33…De4 34.Db3 Cxg3 35.Cf2 Ce2+ 36.Rf1 Cg3+, tout va bien pour les noirs mais j’ai complètement halluciné, croyant que les blancs pouvaient échapper au perpétuel par 37.Re1?, oubliant 37…Dxg2. Après 32.Fxb5, je réfléchissais à 32…Ce4 mais après 33.a4, j’ai raté que j’avais 33…Dc7! qui permet à la fois d’attaquer le pion g3, et surtout d’empêcher 34.a5. C’est pourquoi j’ai préféré 32…Cxb5 33.Dxb5 Fc2, qui force la transition en finale de Dames après 34.De2 Fxd1 35.Dxd1 Dxe3+ 36.Rh2

Objectivement, cette finale est nulle, mais avec les Dames, ce n’est jamais simple ! Surtout qu’il y avait plusieurs options ici. 36…Dc3 me semblait très passif après 37.h4 suivi de 38.a4, mais en fait je peux simplement laisser ma Dame en c3, puis attendre avec …Rg8-g7 et il ne peut pas progresser. C’était une décision difficile et je craignais qu’il y ait un chemin possible pour les blancs. Donc au final j’ai choisi une défense active, mais malheureusement pas la bonne, qui était 36…h4. Mais je ne l’ai pas sentie et il faut dire que ce n’est pas évident après 37.gxh4 Df4+ 38.Rg1 Dxh4 39.a4 ; pourtant la machine est formelle, c’est 0.00 !
Du coup, j’ai joué 36…f5? 37.a4 f4 et je pensais que ça pouvait tenir. Mais de loin j’avais oublié qu’à la fin de la variante forcée 38.gxf4 Dxf4+ 39.Rh1 g5 40.a5 g4 41.a6 gxh3 42.gxh3 De4+ 43.Rh2 Df4+ 44.Rg2 De4+ 45.Df3 Dxd4…

les blancs avaient le terrible 46.Df2!. Après 46…Da4 (46…De4+ 47.Rg1 Db1+ 48.Rh2 et il n’y a plus d’échecs) 47.a7 h4 48.De3 (48.Dc5! De4+ 49.Rf2 était le plus clinique, parce que les noirs n’ont même pas 49…d4 50.Dg5+ Rf7 51.Dh5+ et les blancs échangent les Dames en e2, en f3 ou en g4) 48…Rf6 49.Dc3+?! (pas 49.Dh6+ Rf7 50.Dh7+ Rf6 51.Dh8+ Rf7 qui ne sert à rien car si 52.a8=D?? Dc2+ avec perpétuel ; mais simplement 49.Dc5 gagnait très facilement, avec la menace 50.Df8+ qui n’existera pas dans la partie, avec le Roi noir en g6 !) 49…Rg6 50.Dc5 De4+

Ici, j’étais très heureux, car je n’avais pas vu que 51.Rf1! gagnait encore pour les blancs. Fabi non plus ne l’a pas compris, mais à notre décharge, ces finales sont impossibles à maîtriser sur l’échiquier. Après 51.Rf2? d4!, tout d’un coup, la position est nulle (souvenez-vous qu’il n’y a pas d’échec en f8 !), mais Fabi a encore trouvé la ressource de me poser des problèmes.

Encore une fois, il n’y a pas assez de temps pour bien jouer cette finale. Pour moi, les échecs allaient s’arrêter à un moment et il n’y aurait pas de perpétuel. Ce n’était pas tout à fait vrai, voici un exemple de la complexité des calculs : 61…De3+ 62.Rb2 De2+ 63.Rb3 Dd3+ 64.Rb4 Dd2+ 65.Rb5 De2+ 66.Rb6 De6+ 67.Rb7 De4+ 68.Ra6 et il n’y a effectivement plus d’échec salvateur (68…Dc6+ 69.Db6 Dc4+ 70.Rb7 Dd5+ 71.Dc6 ou 68…Dd3+ 69.Db5 Da3+ 70.Rb6). En revanche, et c’est vrai que c’est assez incroyable car le Roi blanc a l’air mieux placé en a6, 61…d3! sauve la mise, profitant du tempo offert. N’ayant pas compris cette subtilité, j’ai joué 61…Da8? sur la base d’un principe général, qui est que quand la Dame blanche arrive en b8, c’est beaucoup plus dur pour le Roi blanc d’échapper au perpétuel. En fait, ceci serait vrai sans le pion d4, mais pas ici, car après 62.Dc7+ Rh6 63.Db8 Dc6+ 64.Rb1! (64.Rb2? Dc3+ 65.Ra2 Da5+ et là, c’est perpét !) 64…De4+ 65.Rb2 De2+ 66.Ra3! (encore le seul coup pour s’échapper) 66…Dd3+

67.Rb4? (trébuchant à la dernière haie ! 67.Db3! gagnait, car après 67…Da6+ [67…De4 68.Db6+suivi de 69.Dd8] 68.Da4 Dd6+ 69.Rb2! (seul coup à nouveau) 69…Dh2+ 70.Dc2 Dh1 71.Dc1+) 67…Dc3+ 68.Rb5 Db3+ 69.Rc5 Dc2+ 70.Rd5 Dg2+! (seul échec qui tient) et après quelques autres échecs de la Dame noire donnés sur la seule bonne case, Fabi a dû prendre le pion d4 et me laisser un perpétuel facile avec l’échiquier ouvert.

MVL – CARUANA, Finale, Rapide 1

Ici, j’ai joué rapidement 13.Dd2? en croyant que c’était ma prépa ! (dans le premier blitz j’ai finalement choisi le correct 13.Dh5). C’est toujours difficile avec tellement de choses à mémoriser, mais juste après avoir joué ce coup, je me suis dit : « c’est bizarre, mais ça a l’air complètement idiot ». Et ça l’était ! Heureusement, Fabi n’a pas su en profiter, et m’a laissé une suite tactique forçant la nulle :

J’attendais le perpétuel après 19…Dh4 20.Cxf8 Fxg2 21.Rxg2 Dg4+. Je n’ai donc pas compris son 19…Df6? qui semblait montrer qu’il jouait à fond pour le gain, mais je trouvais ça quand même très, très osé !
Mais ce que Fabiano m’a expliqué ensuite, c’est qu’après 19…Dh4, il craignait 20.f3 Tf6 21.Dxd6?. Mais j’avais vu la réfutation qui lui avait échappée, 21…Dc4!. Dans la partie, j’ai trouvé 20.Cxf8 Fh6 21.Ce3! qui est efficace parce que le Cavalier arrive toujours en d5 pour bloquer le Fou.
La conversion technique a été une affaire compliquée parce que ne pas laisser de contre-jeu face à la paire de Fous n’est jamais trivial.
CARUANA – MVL, Finale, Blitz 4
Le drama a atteint son paroxysme dans l’ultime blitz, que je devais absolument remporter pour aller au tie-break. J’ai décidé de jouer tranquillement une position symétrique, mais en gardant les pièces. Je pense que c’est une bonne stratégie quand on est en « must win » avec les noirs parce que ça gamberge forcément un peu côté blanc. D’ailleurs Fabi m’a fait pas mal de concessions en début de milieu de jeu, puis d’autres, et c’est devenu pénible à défendre pour lui, jusqu’à ce que sa position craque.

Il y a eu pas mal d’erreurs réciproques dans les derniers coups, et à ce stade, il nous restait 17 secondes chacun (l’incrément était de 2’’). Avec le Roi blanc dans de sales draps, 47…f5+! était le bon coup. Après 48.Rh4 (48.exf6 Cxf6+ 49.Rh4 Df3! et c’est mat), j’ai cru gagner avec 48…Df3??, oubliant le terrible 49.Dd7+ et si 49…Rh6 50.Dxh7+!.
J’ai joué 49…Rf8 mais c’est perpét après 50.Dd8+.
Le gain s’obtenait par 48…g5+! 49.fxg5 Cf8!, menaçant 50…Cg6+ et 50…Df3 tout en contrôlant l’échec en d7…
Les parties de Maxime au Grand Swiss :
Les parties de Maxime à la finale du Grand Chess Tour :
Il y a quelques semaines, Maxime a fait un stage de deux journées au siège du GIGN, unité d’élite de la Gendarmerie spécialisée dans la gestion des crises et les missions demandant un savoir-faire particulier, notamment dans les domaines du terrorisme, de la sécurité rapprochée et de la surveillance. Renommée dans le monde entier, cette unité est réputée pour sa formation ultra exigeante et ses méthodes pointues. A l’invitation du Commandant du GIGN, Ghislain Réty, Maxime a pu visiter les infrastructures et bénéficier de conseils avisés, tant en matière de gestion du stress, de sommeil, d’analyse comportementale, ou encore de récupération et de gestion de l’effort.
Il a aussi répondu présent à quelques défis physiques qui lui étaient proposés, comme celui de monter à l’échelle sur une tour de 24 mètres de haut, pour ensuite avancer sur une poutre métallique étroite à la stabilité toute relative. Un véritable test d’équilibre et de sang-froid !
