Grand Septembre

Oui, ce mois de septembre était effectivement « Grand », avec successivement le Grand Swiss à Samarcande (Ouzbékistan), puis la finale du Grand Chess Tour à Sao Paulo (Brésil), deux échéances évidemment très importantes, la première étant qualificative pour les Candidats 2026, et la seconde déterminant le podium du circuit professionnel de la saison.

Je suis arrivé au Grand Swiss avec toute une délégation française puisque Jules (Moussard), Marc’Andria (Maurizzi), Maxime (Lagarde) et moi-même avons pris le même vol depuis Paris – je crois qu’Etienne (Bacrot) venait de Nice. L’endroit était un petit peu trop isolé mais plutôt sympathique, et nous avons quand même pu visiter la vieille ville de Samarcande, mondialement réputée.
Nous étions répartis sur plusieurs hôtels et il n’y avait guère d’activité à faire à l’extérieur, si ce n’est marcher, dans un cadre toutefois très naturel, au bord d’une rivière, ce qui était plutôt sympathique. Maxime logeait dans le même hôtel que moi, tandis que Jules et Marc’Andria étaient ailleurs. Notre hôtel disposait d’une console avec plusieurs jeux, dont FIFA, ainsi que d’une table de ping-pong. Nous nous retrouvions donc souvent tous les quatre ici.

Après une escale d’une petite semaine à la maison, il a fallu repartir dans l’autre sens, direction le Brésil ! Un nouveau pays dans ma besace 😊. Sur place, la première chose qui m’a marqué, c’est l’énorme enthousiasme pour les échecs. Il est vrai que c’était le premier super tournoi au Brésil – et même en Amérique du Sud – depuis une douzaine d’années (Sao Paulo déjà, auquel je n’avais pas participé). Il y avait une grosse foule pour la compétition, et les gens manifestaient une vraie ferveur ; c’est vrai que c’est aussi la mentalité brésilienne qui parlait… Le tournoi, quant à lui, était très, très bien organisé. Je suis très heureux d’avoir pu y participer, et d’avoir pu contribuer à cette hype autour du tournoi et auprès du public sur place.

Sao Paulo, quartier du World Trade Center ou avait lieu la compétition.
Sao Paulo, quartier du World Trade Center ou avait lieu la compétition.

Venons-en aux compétitions elles-mêmes :

A Samarcande, je n’étais pas très content de commencer avec les noirs, dans un Open en 11 rondes où il faut nécessairement scorer pour atteindre une des deux premières places qualificatives aux Candidats. Mais il se trouve que j’ai doublé les blancs dans le tournoi et que j’ai finalement eu six blancs ! Le tournoi avait plutôt bien démarré, mais j’ai eu un coup d’arrêt très net contre Marc’Andria dans une partie très échevelée où tout aurait pu se produire. Je suis passé par une position gagnante, mais c’est aussi parce que Marc’Andria a pris beaucoup de risques à un moment dans la partie.

A la ronde 6 avec les noirs contre l’Arménien Sargsyan, j’ai considéré que j’étais déjà en situation de all-in (à tort ou à raison) mais ça s’est très mal passé. Ensuite, j’ai pu gagner trois parties de suite qui m’ont permis d’y croire un peu plus mais c’était malheureusement « too little too late », notamment après une partie où j’aurais pu avoir ma chance contre Mishra, mais où il a été très solide et a trouvé les bons coups pour annuler. Au final, un résultat honorable à +3 (7/11), qui laisse toutefois le petit goût amer de ne pas avoir vraiment pu me battre pour les premières places. C’est clair que la défaite avec les blancs contre Marc’Andria a changé de beaucoup de choses de ce point de vue-là.

Concernant la finale à 4 du Grand Chess Tour, je m’étais fixé deux missions. Avant tout, gagner un match afin de me qualifier pour l’édition 2026. Puis, jouer la victoire finale, puisque je n’ai jamais réussi à remporter ce circuit, malgré une constance sur le podium pendant 10 ans qui n’a pas eu d’égal.

En demi-finale contre Pragg, qui a multiplié les performances cette année, le match a été assez tendu. Après deux nulles dans les classiques, j’ai réalisé une première partie rapide très convaincante avec les blancs. En retour, il m’a posé énormément de problèmes dans le deuxième rapide, mais j’ai réussi à trouver les bons coups actifs et à défendre. Les blitz auraient pu être très compliqués, mais j’ai heureusement gagné à partir d’une position perdante dans le troisième pour finalement remporter le match.

La première mission étant remplie, j’attaquais alors la deuxième, en finale contre Fabiano (Caruana), avec un scénario un peu similaire au match contre Pragg, sauf que dans la première ce n’est pas moi qui ai eu les chances de gain, mais Fabi, après une prépa monstrueuse de sa part, et une partie tout aussi monstrueuse. Heureusement, il a connu quelques ratés dans une finale de Dames à rebondissements où j’ai réussi à défendre avec beaucoup de résilience, mais un peu de réussite quand même ! Comme contre Pragg, après deux nulles, j’ai remporté le premier rapide, puis n’ai pas eu trop de soucis pour défendre le deuxième. En revanche, j’ai complètement craqué dans les blitz ; malheureusement, j’en ai perdu trois de suite ! Certes, une première défaite malheureuse a tout déclenché, mais clairement, les blitz ont été un gros point faible dans mes deux matches. Moins de constance, moins de fraîcheur, ce sont malheureusement des choses qui m’arrivent plus fréquemment désormais, alors que les blitz étaient un point fort auparavant. Malgré tout, j’ai manqué l’opportunité d’égaliser dans le dernier blitz à un cheveu !

Globalement, on aurait pu tous les deux gagner ce match, mais la victoire finale de Fabiano n’est absolument pas imméritée. Dans les blitz j’ai montré trop de limites pour tenir le score.

Voici maintenant quelques moments intéressants lors de ces deux tournois :

GRAND SWISS

MVL- MAURIZZI, Ronde 4

J’ai été neutralisé dans l’ouverture et il y a eu ici un moment très critique. Sur 19…Da5 20.axb5 Dxb5, je voulais jouer 21.Ch4? à la base, mais c’est une faute à cause de 21…Fe4 22.f3 et le coup qu’on a tous les deux raté, c’est 22…Db6 23.fxe4 Fd2!. Du coup, après 20…Dxb5, je dois jouer 21.Cd2 et tout s’échange : 21…Cxd2 22.Fxd2 Dxe2 23.Fxb4 =. Mais Marc’Andria a préféré les énormes complications issues de 19…Fa3!? 20.Txc4 dxc4 21.Dxa3 Da5. Ensuite, la position est devenue très déséquilibrée mais je considérais quand même que j’avais une attaque plus dangereuse, ce qui s’est vérifié.

Ici, j’avais un gain mais je ne l’ai pas trouvé pas et j’ai fini par jouer 30.Fh6?, un coup complètement à côté. Ca se sent, mais je n’ai pu identifier clairement aucun des deux gains disponibles. Pour moi, le premier est le plus facile : 30.Dh4 Dxe5 31.Cc2! et l’arrivée du Fou en d4 est létale. 30.Ce2 immédiatement marchait aussi, avec la même idée de placer le Fou en d4, après quoi le Roi noir sera impuissant.

Dans la partie, après quelques autres imprécisions de part et d’autre dans cette position folle, j’ai complètement craqué ici.

J’avais vu 35.fxg6 hxg6 (35…fxg6? 36.Cc6!) 36.Txf7 c1=D+ 37.Fxc1 Txc1+ 38.Rf2 mais je pensais que c’était perdant car le pion b allait à Dame, alors que pas du tout. C’est parce que dans ma tête pendant le zeitnot, mon Fou restait en h6 et c’était le Fd3 qui se sacrifiait sur le pion en c1 😊. Et donc au début je croyais faire mat par Tg7+ dans cette variante, avec un « Fou fantôme » en h6 ! Quand je me suis aperçu de cette confusion, je me suis cru foutu, d’où ce 35.Fc1? qui perd sans aucune résistance après 35…Ta2 suivi de …b2.

Ce résultat est venu récompenser la prise de risque extrême de Marc-Andrea. Objectivement, c’était un peu foufou de sa part ; on va dire que la position semblait extrêmement dangereuse pour lui, ce qui se vérifie largement à l’analyse.

RODHSTEIN – MVL, Ronde 8

Le GM israélien m’a un peu surpris avec l’Anti-Grunfeld 3.f3, même si je sais qu’il l’avait pas mal analysée lorsqu’il secondait Gelfand pour son match de championnat du monde contre Anand en 2012. Je savais aussi que c’est un joueur très ambitieux par principe et qu’il jouerait pour le gain. Mais obtenir ces complications ne me dérangeait pas du tout ! La position a très bien tourné pour moi et je me suis retrouvé gagnant ; cependant, ce n’était pas si facile à convertir.

Finalement j’ai trouvé la bonne idée avec 34…Da4 35.Ta3 Fb5+ (35…Dxa6+ d’abord était plus esthétique) 36.Rg1 Dxa6. Après 37.Txa6 Cxf3+ 8.Rf2 Te2+ 39.Rxf3 Tg3+ 40.Rf4 Ch5+ 41.Rxf5 avec 3 mats à disposition (41…Fd3, 41…Fd7 et 41…Te5), j’ai choisi au hasard 41…Fd7# !

L’entrée du Centre des Expositions à Samarcande.
L’entrée du Centre des Expositions à Samarcande.

MVL – ERDOGMUS, Ronde 9

Le jeune prodige turc a fait le choix un peu inattendu de l’Espagnole ouverte. Pourtant, j’aurais dû m’y préparer puisqu’il est entraîné par Mamedyarov, qui a beaucoup joué cette ouverture. En revanche, j’ai bien deviné qu’il n’allait pas jouer la ligne avec 12…d3 comme Mamedyarov, mais plutôt 12…dxc3 et par chance, je m’en souvenais plutôt bien.

Ici, je savais que 21…g4 était sans doute le plus précis mais il a préféré 21…f5 22.exf6 gxf6 23.Cd4 Th4 24.Tfe1 Tf4+ 25.Ff3 Fxh3? (25…Txf3+! 26.Cxf3 Dd6 était la seule façon de continuer, avec compensation pour la qualité) 26.Dc6! (la façon de punir l’erreur) 26…Txf3+ 27.gxf3 Cb6

28.Cb5! (surtout pas 28.Dxf6? Dh7!, beaucoup trop dangereux) et la finale est gagnante après 28…Dxc6 29.Ca7+ Rb7 30.Cxc6 Txd1 31.Ca5+ Rc8 32.Txd1. J’aurais pu la convertir de façon plus efficace sans doute, mais à noter la grosse défense de sa part quand même.

GRAND CHESS TOUR (PHASE FINALE)

PRAGG – MVL, ½ finale, 1e partie

Pendant la partie, la position m’a paru plus difficile qu’elle ne l’était en réalité. Ici, je n’ai pas vu du tout la possibilité 36…Df6, qui était tellement plus simple que le 36…Db4 que j’ai joué. Après 37.Te4 Dd2?! est maintenant très limite puisque ça laisse déjà 38.Dxb6 ; la finale de Tours qui suivait 38…Txd5 39.Fxg4 hxg4 40.Txg4 me semblait nulle, mais elle n’est quand même pas si facile à défendre. Pragg a préféré 38.Te2 et là, je n’ai pas compris que je devais absolument revenir en b4 ; c’est juste que pour moi, j’étais déjà très mal. J’avais vu qu’après 38…Dd4? 39.Dc7!, je serais en difficulté, car si la Tour bouge, 40.d6!, si 39…Df6? 40.Te6!. 39…Txd5 40.Fxd5 Dxd5+ 41.f3 aurait donc été forcé, avec une finale qui sent la souffrance. Mais Pragg n’a pas joué 39.Dc7 parce qu’au dernier moment il a vu 39…Te8 et a paniqué ; mais il y avait juste 40.Fxg4 qui gagne ! Du coup, il a joué 39.Tc2? avec seulement une seconde à la pendule ! Et au lieu d’être en difficulté, c’est moi qui ai obtenu une finale avec un pion de plus après 39…Ce5 40.Dc3 Cxf3 41.Rxf3 Txd5 42.Dxd4+ Txd4

Cette finale de Tours est nulle en théorie, mais elle reste extrêmement complexe et offre évidemment de grandes chances pratiques. A priori 46.Rf2 faisait nulle ici, par exemple 46…f6 47.Re3 g5 48.hxg5 fxg5 49.f4 gxf4+ 50.gxf4 h4 51.Rf3. En revanche, 46.Rh3? f6 47.Rg2 g5 48.Rh3 gxh4 49.g4!? était ingénieux, mais insuffisant : 49…hxg4+ 50.fxg4 Rf7 51.Td6 Re7 52.Tc6, et j’ai raté ici ma chance en ne comprenant pas comment forcer le zugzwang dans cette position. Et ce n’était pas si dur ! 52…Tb2! 53.Rxh4 (sinon la Tour doit laisser passer le Roi noir) 53…Tb3 54.Rh5 (54.g5 est identique) 54…Tb4!, et la manœuvre en escalier de la Tour a forcé un zugzwang complet : 55.g5 fxg5 56.Rxg5 Rd7 57.Th6 Rc7 et le pion a est perdu. Malheureusement je n’ai pas trouvé ce zugzwang et j’ai choisi, certes la mort dans l’âme, 52…Txa4? 53.Txb6 Tb4 54.Ta6 a4

J’avais compris qu’ici, 55.Ta7+! était le seul coup pour annuler, puisqu’après 55…Rd6 56.Ta6+ Re5, les blancs peuvent tranquillement prendre en h4, la position malheureuse du Roi en e5 empêchant 57…f5? 58.Ta5+.

J’espérais quand même un peu qu’il joue l’autre coup qui a l’air naturel, 55.Ta5?, ce qu’il a fait ! Mais si effectivement ce coup perd, ce n’est pas pour la raison que je croyais ! Après 55…Tb3+? 56.Rxh4 a3, les blancs annulent au temps près par 57.Ta6! (le coup que j’ai oublié ; j’attendais 57.g5? fxg5+ 58.Rxg5 Rd6 59.Rf4 Rc6 60.Re4 Rb6 avec un gain de temps décisif sur la Tour) 57…Tf3 58.g5 fxg5+ 59.Rxg5 Rd7 60.Rg4 Tb3 61.Rf4 Rc7 62.Re4 Rb7 63.Ta4 Rb6 et avec la Tour en a4 au lieu de a5, les noirs ne gagnent pas de tempo décisif !

Le « vrai » gain, c’était 55…Tf4! 56.Rxh4 f5 57.Rg5 Txg4+ 58.Rxf5 Th4! (le coup-clé, raté par les deux joueurs) 59.Ta6 (59.Rg5 Tb4 60.Rf5 Rd6 61.Rf6 Rc6 62.Re5 Rb6 gagnant ce crucial tempo) 59…Rd7 60.Re5 Rc7 61.Rd5 Rb7 62.Tg6 a3 63.Tg2 Rb6 64.Ta2 Ta4 et le Roi blanc est coupé.

MVL – PRAGG,Rapide 1

Dans l’ouverture, Pragg a choisi de forcer l’échange des Dames au prix du doublement de ses pions a, et j’avais considéré que la finale serait difficile pour lui. Ca s’est vérifié petit à petit…

Je suis assez content d’avoir compris que l’échange des 4 Tours était la bonne décision et ici 29.Re2! Re8 (29…Cxc5 30.dxc5 Cxa4 31.Fd4!) 30.f4 Fe7 31.Cdb3 Cc4 32.Fc3 Cdb6 33.f5! et l’avantage d’espace combiné à la vulnérabilité des pions a s’avérera décisif.

PRAGG – MVL, Rapide 2

J’ai été sous grosse pression dans ce Gambit Dame. Son idée 12.Cd2 était intéressante, et j’ai mal réagi, sans doute par inexpérience dans cette ouverture. Le coup qui est un peu dangereux c’est 12…a5?!. Mieux valait juste 12…c5 (maintenant que son Cavalier est en d2), même si je venais juste de jouer 11…c6 ! Mais intercaler 12…a5 13.a4, comme me l’a fait remarquer Jules (Mousssard) qui était sur place pour me seconder, c’est se priver de tout contre-jeu avec …c5 à cause de la case b5.

Le moment vraiment critique de la partie se situe ici. Je n’aimais pas 21…Cbd5 22.Cxf6+ Dxf6 23.Df2, ou 22.Df2 tout de suite, que je trouvais très désagréable. Mais 21…Cbd7? est bien pire ! On a tous les deux raté 22.Fc4! Cxc5 23.dxc5 (23.Cg5? Dd6 ne marchait pas) 23…Cxe4 24.Dxe4! (coup très important). Maintenant, si j’échange les Dames, toutes mes pièces sont enfermées, et sur 24…Dxc5+ 25.Rh1 je ne peux toujours pas développer mon aile-Dame, par exemple 25…Fd7? 26.f6! suivi de 27.Dg6 et je peux abandonner. 22.Dc3?! Cxe4 23.Txe4 Dd6 n’était toutefois pas la fin de l’histoire… 24.Cxd7 Fxd7 25.f6 pose encore de sérieux problèmes. J’ai compris tout de suite que je devais empêcher 26.Te7, d’où 26…Te8 26.Th4 (26.Tef4 g5!). Après, il m’a fallu comprendre l’importance vitale de la manœuvre 26…Te6 27.fxg7 Tf6!, qui m’a permis de résoudre la plupart des problèmes.

Après 28.Te1 Db4 29.Dc1, je me suis encore fait une belle frayeur : j’avais la main sur la Ta8 pour jouer 29…Te8??.

La main de Maxime touche presque la Tour a8 !
La main de Maxime touche presque la Tour a8 !

Mais à l’ultime moment, j’ai vu 30.Txe8+ Fxe8 31.Tg4! et la menace 32.Fh7+ est imparable ! Pragg l’avait vu également puisqu’il m’en a parlé à la fin de la partie. Ouf de soulagement, et nulle quelques coups plus tard après 29…Rxg7.

CARUANA – MVL, Finale, 1e partie

Nous sommes dans une ligne moderne de la variante d’échange du Gambit-Dame. Fabiano avait préparé ici la nouveauté 14.Fd3, acceptant le doublement des pions g. Je sais qu’il est coutumier des longues lignes « fait maison » et qu’il a une capacité à s’en souvenir remarquable. Mais là, il m’a quand même surpris en débitant tous ses coups pratiquement a tempo jusqu’à 23.Tf4 !

J’ai même surestimé la valeur de sa prépa dans le sens où je réfléchissais beaucoup et que je ne savais pas trop quoi faire ; je n’étais pas sûr du tout de jouer les bons coups. Or, il s’avère que j’ai trouvé toutes les premières lignes de la machine, même si les coups n’avaient vraiment pas l’air forcés ! Et lui me répondait tout a tempo 😊. Toujours sous l’impression d’être moins bien (alors que ce n’était objectivement pas le cas), après avoir correctement sacrifié un pion par 24…Te6 25.b5 cxb5 26.Txc7 Dd8 27.Txa7 T8e7 28.Tf6 Rg7 29.Txe6, j’ai commis une première imprécision en provoquant l’échange des Tours par 29…Fxe6?! (29…Txe6! suivi de …Fc6 et …Db6 ; je n’oserais pas dire que je suis mieux, mais de façon incroyable, c’est presque plus agréable à jouer pour les noirs) 30.Txe7 Dxe7 31.Db2

Je sentais qu’il y avait assez de jeu pour faire nulle après 31…Ff5 (j’ai dépensé beaucoup de temps ici et je n’aimais pas 31…Fd7 à cause de 32.Db4). Maintenant, sur 32.Fxf5 Cxf5 33.Dxb5, il y avait cette idée de défense assez incroyable, 33…De4!, que je n’avais pas vue pour le coup. A la base, je voulais 33…Dd6? mais malheureusement 34.g4 gagnait pour les blancs (mais pas 34.e4? à cause de 34…Cxd4 35.Dxd5 Db4! qui est très joli, avec la menace 36…De1+ et …Ce2). Après 33…De4 34.Db3 Cxg3 35.Cf2 Ce2+ 36.Rf1 Cg3+, tout va bien pour les noirs mais j’ai complètement halluciné, croyant que les blancs pouvaient échapper au perpétuel par 37.Re1?, oubliant 37…Dxg2. Après 32.Fxb5, je réfléchissais à 32…Ce4 mais après 33.a4, j’ai raté que j’avais 33…Dc7! qui permet à la fois d’attaquer le pion g3, et surtout d’empêcher 34.a5. C’est pourquoi j’ai préféré 32…Cxb5 33.Dxb5 Fc2, qui force la transition en finale de Dames après 34.De2 Fxd1 35.Dxd1 Dxe3+ 36.Rh2

Objectivement, cette finale est nulle, mais avec les Dames, ce n’est jamais simple ! Surtout qu’il y avait plusieurs options ici. 36…Dc3 me semblait très passif après 37.h4 suivi de 38.a4, mais en fait je peux simplement laisser ma Dame en c3, puis attendre avec …Rg8-g7 et il ne peut pas progresser. C’était une décision difficile et je craignais qu’il y ait un chemin possible pour les blancs. Donc au final j’ai choisi une défense active, mais malheureusement pas la bonne, qui était 36…h4. Mais je ne l’ai pas sentie et il faut dire que ce n’est pas évident après 37.gxh4 Df4+ 38.Rg1 Dxh4 39.a4 ; pourtant la machine est formelle, c’est 0.00 !

Du coup, j’ai joué 36…f5? 37.a4 f4 et je pensais que ça pouvait tenir. Mais de loin j’avais oublié qu’à la fin de la variante forcée 38.gxf4 Dxf4+ 39.Rh1 g5 40.a5 g4 41.a6 gxh3 42.gxh3 De4+ 43.Rh2 Df4+ 44.Rg2 De4+ 45.Df3 Dxd4

les blancs avaient le terrible 46.Df2!. Après 46…Da4 (46…De4+ 47.Rg1 Db1+ 48.Rh2 et il n’y a plus d’échecs) 47.a7 h4 48.De3 (48.Dc5! De4+ 49.Rf2 était le plus clinique, parce que les noirs n’ont même pas 49…d4 50.Dg5+ Rf7 51.Dh5+ et les blancs échangent les Dames en e2, en f3 ou en g4) 48…Rf6 49.Dc3+?! (pas 49.Dh6+ Rf7 50.Dh7+ Rf6 51.Dh8+ Rf7 qui ne sert à rien car si 52.a8=D?? Dc2+ avec perpétuel ; mais simplement 49.Dc5 gagnait très facilement, avec la menace 50.Df8+ qui n’existera pas dans la partie, avec le Roi noir en g6 !) 49…Rg6 50.Dc5 De4+

Ici, j’étais très heureux, car je n’avais pas vu que 51.Rf1! gagnait encore pour les blancs. Fabi non plus ne l’a pas compris, mais à notre décharge, ces finales sont impossibles à maîtriser sur l’échiquier. Après 51.Rf2? d4!, tout d’un coup, la position est nulle (souvenez-vous qu’il n’y a pas d’échec en f8 !), mais Fabi a encore trouvé la ressource de me poser des problèmes.

Encore une fois, il n’y a pas assez de temps pour bien jouer cette finale. Pour moi, les échecs allaient s’arrêter à un moment et il n’y aurait pas de perpétuel. Ce n’était pas tout à fait vrai, voici un exemple de la complexité des calculs : 61…De3+ 62.Rb2 De2+ 63.Rb3 Dd3+ 64.Rb4 Dd2+ 65.Rb5 De2+ 66.Rb6 De6+ 67.Rb7 De4+ 68.Ra6 et il n’y a effectivement plus d’échec salvateur (68…Dc6+ 69.Db6 Dc4+ 70.Rb7 Dd5+ 71.Dc6 ou 68…Dd3+ 69.Db5 Da3+ 70.Rb6). En revanche, et c’est vrai que c’est assez incroyable car le Roi blanc a l’air mieux placé en a6, 61…d3! sauve la mise, profitant du tempo offert. N’ayant pas compris cette subtilité, j’ai joué 61…Da8? sur la base d’un principe général, qui est que quand la Dame blanche arrive en b8, c’est beaucoup plus dur pour le Roi blanc d’échapper au perpétuel. En fait, ceci serait vrai sans le pion d4, mais pas ici, car après 62.Dc7+ Rh6 63.Db8 Dc6+ 64.Rb1! (64.Rb2? Dc3+ 65.Ra2 Da5+ et là, c’est perpét !) 64…De4+ 65.Rb2 De2+ 66.Ra3! (encore le seul coup pour s’échapper) 66…Dd3+

67.Rb4? (trébuchant à la dernière haie ! 67.Db3! gagnait, car après 67…Da6+ [67…De4 68.Db6+suivi de 69.Dd8] 68.Da4 Dd6+ 69.Rb2! (seul coup à nouveau) 69…Dh2+ 70.Dc2 Dh1 71.Dc1+) 67…Dc3+ 68.Rb5 Db3+ 69.Rc5 Dc2+ 70.Rd5 Dg2+! (seul échec qui tient) et après quelques autres échecs de la Dame noire donnés sur la seule bonne case, Fabi a dû prendre le pion d4 et me laisser un perpétuel facile avec l’échiquier ouvert.

Une interview dans la bonne humeur ! (photo : Fide).
Une interview dans la bonne humeur ! (photo : Fide).

MVL – CARUANA, Finale, Rapide 1

Ici, j’ai joué rapidement 13.Dd2? en croyant que c’était ma prépa ! (dans le premier blitz j’ai finalement choisi le correct 13.Dh5). C’est toujours difficile avec tellement de choses à mémoriser, mais juste après avoir joué ce coup, je me suis dit : « c’est bizarre, mais ça a l’air complètement idiot ». Et ça l’était ! Heureusement, Fabi n’a pas su en profiter, et m’a laissé une suite tactique forçant la nulle :

J’attendais le perpétuel après 19…Dh4 20.Cxf8 Fxg2 21.Rxg2 Dg4+. Je n’ai donc pas compris son 19…Df6? qui semblait montrer qu’il jouait à fond pour le gain, mais je trouvais ça quand même très, très osé !

Mais ce que Fabiano m’a expliqué ensuite, c’est qu’après 19…Dh4, il craignait 20.f3 Tf6 21.Dxd6?. Mais j’avais vu la réfutation qui lui avait échappée, 21…Dc4!. Dans la partie, j’ai trouvé 20.Cxf8 Fh6 21.Ce3! qui est efficace parce que le Cavalier arrive toujours en d5 pour bloquer le Fou.

La conversion technique a été une affaire compliquée parce que ne pas laisser de contre-jeu face à la paire de Fous n’est jamais trivial.

CARUANA – MVL, Finale, Blitz 4

Le drama a atteint son paroxysme dans l’ultime blitz, que je devais absolument remporter pour aller au tie-break. J’ai décidé de jouer tranquillement une position symétrique, mais en gardant les pièces. Je pense que c’est une bonne stratégie quand on est en « must win » avec les noirs parce que ça gamberge forcément un peu côté blanc. D’ailleurs Fabi m’a fait pas mal de concessions en début de milieu de jeu, puis d’autres, et c’est devenu pénible à défendre pour lui, jusqu’à ce que sa position craque.

Il y a eu pas mal d’erreurs réciproques dans les derniers coups, et à ce stade, il nous restait 17 secondes chacun (l’incrément était de 2’’). Avec le Roi blanc dans de sales draps, 47…f5+! était le bon coup. Après 48.Rh4 (48.exf6 Cxf6+ 49.Rh4 Df3! et c’est mat), j’ai cru gagner avec 48…Df3??, oubliant le terrible 49.Dd7+ et si 49…Rh6 50.Dxh7+!.

J’ai joué 49…Rf8 mais c’est perpét après 50.Dd8+.

Le gain s’obtenait par 48…g5+! 49.fxg5 Cf8!, menaçant 50…Cg6+ et 50…Df3 tout en contrôlant l’échec en d7…

Les parties de Maxime au Grand Swiss :

Les parties de Maxime à la finale du Grand Chess Tour :

Il y a quelques semaines, Maxime a fait un stage de deux journées au siège du GIGN, unité d’élite de la Gendarmerie spécialisée dans la gestion des crises et les missions demandant un savoir-faire particulier, notamment dans les domaines du terrorisme, de la sécurité rapprochée et de la surveillance. Renommée dans le monde entier, cette unité est réputée pour sa formation ultra exigeante et ses méthodes pointues. A l’invitation du Commandant du GIGN, Ghislain Réty, Maxime a pu visiter les infrastructures et bénéficier de conseils avisés, tant en matière de gestion du stress, de sommeil, d’analyse comportementale, ou encore de récupération et de gestion de l’effort.

Il a aussi répondu présent à quelques défis physiques qui lui étaient proposés, comme celui de monter à l’échelle sur une tour de 24 mètres de haut, pour ensuite avancer sur une poutre métallique étroite à la stabilité toute relative. Un véritable test d’équilibre et de sang-froid !

Même pas peur !
Même pas peur !

L’art difficile de la conversion

USA

Tout juste rentré de la Coupe du Monde esport à Riyad (voir encadré à la fin) et après avoir changé essentiellement de valise 😊, je suis arrivé aux États-Unis quelques jours avant le début des tournois du Grand Chess Tour, histoire de m’acclimater tranquillement. En effet, outre le décalage horaire, la vie aux États-Unis est toujours un petit peu différente de celle en Europe. Du coup, je suis passé voir des amis, puis je suis arrivé à Saint-Louis le 9 août, soit deux jours avant le début du Rapide. La petite nouveauté sur place, c’est que comme le club était toujours en travaux, nous jouions à 15 minutes en voiture, dans un bâtiment qui abrite normalement le studio des commentateurs. Les conditions de jeu étaient un peu différentes, mais tout aussi bonnes, pas de souci là-dessus.

La reprise a été un peu compliquée… Même si de manière générale, dans le Rapide, je m’en suis bien sorti, notamment sur les dernières parties de la journée (contre Shankland, contre Oparin où je gagne au temps et contre Wesley, contre qui j’ai joué une bonne partie). Mais les deux premières journées ont été particulièrement compliquées. +1 au niveau du score, mais ça aurait pu être beaucoup plus grave et ça aurait pu largement être -3. Mon jeu n’était pas bien maîtrisé dans l’ensemble, à commencer par la toute 1re partie contre Fabiano, où je me trompé dans l’ouverture et où j’étais perdant au bout de dix coups ! (mais nulle quand même 😊). Après ces 2 journées compliquées, j’ai remis de la solidité dans la troisième journée du Rapide, et c’était beaucoup mieux.

Regard tourné vers l’horizon et les prochains objectifs (Image : Stl Chess Club).
Regard tourné vers l’horizon et les prochains objectifs (Image : Stl Chess Club).

Dans les Blitz, c’était aussi pas mal, surtout la 1re journée, mais avec un thème qui va revenir plus tard, beaucoup d’occasions manquées…

Au final, l’opération comptable à la fin du tournoi était plutôt bonne avec cette 3e place, qui me permettait de mener le Grand Chess Tour et garantissait quasiment la qualification pour la finale à São Paulo. Mais au niveau du jeu, c’était un peu en demi-teinte, un peu comme en Arabie saoudite (Riyad) où il y a eu des hauts et des bas (certes, avec beaucoup moins de parties).

Sur ce, on arrive sans transition sur le tournoi Classique, où là l’objectif était simple : garantir les deux points et demi ou trois qui (d’après mes calculs !) étaient nécessaires pour assurer plus ou moins la qualification. Dans mon esprit, je pouvais quasiment finir dernier et me qualifier, même si ça n’aurait finalement pas été le cas avec le même trio que celui du podium final : en effet, si j’avais fini dernier, Wesley aurait pris ma place !

J’étais assez confiant, j’avais cinq fois les blancs, j’étais quand même plutôt en bonne forme et j’avais pu revoir mes lignes d’ouverture. Je trouvais que je m’étais plutôt bien préparé. Dans les ouvertures, ça s’est globalement très bien passé. Peut-être parfois un peu léger avec les blancs, mais c’était le cas de tout le monde ; même Fabiano a fait nulle tout de suite contre Levon, sans vraiment essayer. C’est tout dire !

Dans les parties en elles-mêmes, le vrai regret c’est évidemment beaucoup d’occasions (ou de demi-occasions) manquées. Une demi-occasion contre Alireza, où je fais une imprécision dans une position certes gagnante pour la machine, mais pas aussi triviale pour l’humain. Derrière, avec pourtant très peu de temps à la pendule, il a sorti la défense parfaite. C’est presque un fait de jeu, il est coutumier de ces défenses, mais en tout cas, disons que ce n’est pas un énorme raté.

Le duel franco-français en ouverture du tournoi (Image : Stl Chess Club).
Le duel franco-français en ouverture du tournoi (Image : Stl Chess Club).

Voici en revanche les 3 occasions de but, une franche et deux immanquables, que je me suis procurées sans les convertir :

MVL – ARONIAN, Ronde 3

Après une partie chaotique, j’ai pris l’ascendant, et suis délibérément rentré dans cette finale gagnante, même si j’avais sans doute à ma disposition une solution plus directe quelques coups plus tôt. Mais il me semblait que cette finale serait facile à convertir, et je me suis peut-être un peu trop relâché.

48.Fb2?! (pas une erreur à proprement parler car le verdict de la position reste inchangé, mais sans doute un premier pas dans la mauvaise direction. Plus simple était 48.Fc5 avec l’idée de mettre le Fou en b4 et le pion en a3 avant d’aller s’en prendre au pion h avec la Tour) 48…Rc7 49.Rh3 Te4 50.Rg3 Rc6 51.Ta5 h5 52.Rf3?! (un deuxième pas de côté. Comme on va bientôt le voir, mettre le pion en a3 rapidement constituait une assurance tous risques !) 52…Tc4

53.Ff6?? (et la gaffe arrive ! Les noirs n’avaient qu’une façon de s’en sortir ; en échangeant les Tours ou en gagnant le pion a. Ce coup catastrophique va leur permettre de faire un chantage à la première menace pour parvenir à la deuxième ! Après 53.a3 Tc2 54.Fd4 h4 55.Th5 Ta2 56.Fc5 h3 57.Fb4 h2, la machine confirme que la position reste gagnante, mais avec le pion noir en h2, la tâche aurait déjà été nettement plus ardue) 53…Tc5! 54.Ta6+ Rb7 55.Txe6 Ta5! (la douche froide ! Le pion a est perdu car si 56.Te2 Tf5+ profite de la position malencontreuse du Fou en f6). Après quelques coups à tenter de jouer la finale T+F c T, j’ai dû me résoudre à partager le point…

GUKESH – MVL, Ronde 4

J’ai réussi à ne pas me laisser envahir par le gain facile raté contre Aronian, et j’ai produit une très bonne partie contre le champion du monde. Malheureusement, j’ai commis dans cette position une stupide erreur de calcul, qui me coûtera un autre demi-point. Il fallait jouer la suite la plus naturelle, à savoir 31…Tg8+ 32.Rh2 Tf2, et les blancs ne peuvent pas s’en sortir : 33.Ff3 (33.e5+ Re6 34.Ff3 Fc6 35.Fxc6 bxc6 36.Tg1 c3! est sans espoir) 33…c3! 34.Tac1 (34.e5+ Re7! 35.Fxb7 Ff5 suivi de 36…c2 et les blancs sont ligotés) 34…c2, et là j’ai vu 35.Rg1?, oubliant complètement 35…Txf3! (35…Td2 gagne aussi d’ailleurs !). Du coup, j’ai changé mon fusil d’épaule pour 31…cxb3? 32.axb3 a6, qui laisse filer l’avantage après 33.Ff3. (1/2, 53 cps).

Une discussion amicale avec des gars sympa ! (Image : Stl Chess Club).
Une discussion amicale avec des gars sympa ! (Image : Stl Chess Club).

ABDUSSATOROV – MVL, Ronde 6

Après avoir effectué une belle prestation contre un Abdussatorov certes hors de forme, j’ai obtenu cette position gagnante au contrôle de temps. J’ai compris qu’il y avait 4 chemins possibles et qu’il y avait donc un choix important à faire. Le premier, le plus évident, était 41…Te6. Mais je n’étais pas certain que la finale après 42.Txe6 Rxe6 soit gagnée à coup sûr car, en dépit des deux pions de moins, les blancs ont un blocus sur cases blanches. 41…Te3 42.Txb6 Txd3 43.Cxf5 Tc3 semblait gagnant aussi, mais pas de manière limpide et linéaire. Idem pour 41…Tb1 42.Rf3 (mais pas 42.Txb6 c4!).

Je me suis donc penché sur la solution linéaire, à savoir la finale de pions après 41…Te2+? 42.Rf3 Th2 43.Rxf4 Txh4+ 44.Rxf5 Th5+ 45.Tg5 Th3 46.Tg6 Tf3+

47.Rg4? (Nodirbek m’a dit à la cérémonie de clôture qu’il avait rapidement rejeté 47.Re4 Te3+, oubliant le retour 48.Rf5) 47…Rxg6? (poursuivant sans réfléchir ma transition vers une finale de pions que j’estimais gagnante. Ici, avec le Roi blanc en g4 et pas en e4, la finale de Tours après 47…Txd3 48.Txb6 Re7! était bien gagnante, elle !) 48.Rxf3 Rg5 49.Rg3 et contre toute attente, cette finale s’est avérée nulle, ce qui est vraiment un coup de « pas de chance » ! Les blancs doivent jouer une longue série de « seuls coups » avec leur Roi, mais quelle que soit la façon dont je prépare la poussée …b5, puis la poussée …a4, il y a toujours un trou de souris pour le Roi blanc, dès lors qu’il respecte tous les principes des fameuses « cases conjuguées ». Malgré tous mes efforts, Nodirbek sera à la hauteur de la tâche pour sauver le demi-point.

Après cette litanie d’occasions manquées, ma partie contre Sevian constituait la dernière chance de jouer la gagne dans le tournoi. J’ai fait une préparation sans doute un peu légère, mais qui a bien fonctionné, et j’ai pris l’avantage. Après j’ai pêché par « excès de choix ». J’ai fini par prendre les mauvaises décisions et la situation s’est un peu retournée.

Dès lors, les deux dernières rondes perdaient un peu leur intérêt : contre Fabiano, je n’avais pas envie de me préparer contre les 10 000 lignes qu’il pouvait me jouer (d’ailleurs, il m’en a joué une que je n’avais pas prévue !). J’ai préféré jouer la sécurité, le petit avantage sans histoire. Et à la dernière ronde, Duda avec les blancs a choisi de jouer une ligne de nulle théorique.

Classement du Grand Chess Tour avant la finale de Sao Paulo (Image : Wikipedia).
Classement du Grand Chess Tour avant la finale de Sao Paulo (Image : Wikipedia).

Annuler toutes ses parties, ce n’est jamais très agréable, mais dans le contexte, le bilan comptable n’est pas mauvais, avec quand même un petit regret de ne pas avoir capitalisé sur ma bonne forme pour remonter au classement Elo ; j’aurais pu quasiment revenir dans le Top 10 mondial dès maintenant. Mais d’un autre côté je reste optimiste. Je me dis que la solidité et le niveau de jeu affichés, c’est quand même de bon augure avant les échéances de l’automne (Grand Swiss, finale du Grand Chess Tour et Coupe du monde). Il y a cinq places qualificatives pour le tournoi des Candidats qui sont en jeu, 2 au Grand Swiss, 3 à la Coupe du Monde ; l’objectif est d’en prendre une de ces cinq, et aussi d’essayer de gagner pour la 1re fois le Grand Chess Tour, après tant de 2e places !

Les parties rapides de Maxime à Saint-Louis :

Les parties blitz de Maxime à Saint-Louis :

Les parties classiques de Maxime à la Sinquefield Cup :

Cet été, les échecs ont fait une entrée fracassante dans le monde du esport, en intégrant la prestigieuse Coupe du Monde regroupant les principaux jeux de la discipline. Maxime avait pour ma part signé dès le début de l’année avec l’équipe Vitality, l’une des meilleures du monde, qui a également l’avantage pour lui d’être française ! Les choses se présentaient plutôt bien puisque, tout comme son coéquipier Javokhir Sindarov, il avait franchi les difficiles étapes de la qualification et intégré la liste des 16 joueurs qualifiés pour la finale de Riyad, qui s’est déroulée du 29 juillet au 1er août. Mais la cadence de jeu (10’ sans incrément) est impitoyable et ni Javokhir ni lui ne sont parvenus à finir dans la première moitié de tableau, celle qui attribue des points aux équipes. C’est d’autant plus dommage que Maxime a échoué à un cheveu, à la toute fin d’un départage épique contre l’Indien Nihal Sarin. Il ne le savait évidemment pas à l’époque, mais les quelques points d’équipe lâchés à cette occasion feront la différence entre la 3e place à la Coupe du Monde finalement conquise par Vitality, et la seconde ! Avec accessoirement un manque à gagner d’1M$ pour l’équipe…

Il se consolera avec cette présence sur le podium qui améliore le résultat de Vitality l’année dernière (4e), et laisse augurer de très belles choses pour 2026…

MVL, en vrac

MVL en vrac


Au cœur de la période estivale, Maxime va disputer la première Coupe du Monde Esports sous les couleurs de Vitality, à partir de mardi 29 juillet.  Un événement très important dans l’écosystème échiquéen en plein renouveau, qui se déroule à Riyad, au format sans concession de 10+0.
Site officiel : https://esportsworldcup.com/en/competitions/chess
En avant-première de cette compétition, nous vous proposons d’écouter Maxime répondre à une série de questions… assez variées !

Rendez-vous à Riyad ! par Mvl

C’était l’objectif sportif individuel de ces deux derniers mois ; accrocher une des places qualificatives pour la Coupe du Monde esport à Riyad (29 juillet – 1er août). Puis venait l’objectif par équipes, avec le Top 16 (Championnat de France des clubs).
Retour sur ces deux compétitions :

CHAMPIONS CHESS TOUR, Chess.com Classic

J’ai disputé le deuxième tournoi du Champions Chess Tour depuis les locaux de Vitality à Paris. C’est mon équipe esport depuis le début de l’année, et leur « ruche », le V Hive, se situe au cœur de Paris, pas très loin de chez moi. Je trouvais important de me mettre dans l’ambiance et de ne pas jouer depuis chez moi, afin de me sentir en situation de tournoi. Le V-Hive offre un cadre plutôt agréable pour ce genre d’événement : un lieu bien équipé, moderne, avec une touche gaming juste à côté, mais sans être trop bruyante, ce qui convenait bien au public du jour. De mon côté, j’étais placé dans une salle à part pour éviter toute distraction…

La ruche !

Le tournoi était décisif ; certes, j’avais une wild-card pour la phase finale à 16 joueurs, mais il fallait que je remporte des points pour accéder au Top 12 du classement général, et me qualifier pour la Coupe du Monde. J’avais évalué avant la compétition que je devrais remporter 2 matches sur 4, mais il a fallu au final que j’en remporte 3 pour assurer la qualification ! J’ai débuté par un premier match contre Caruana, gagné de façon assez convaincante d’ailleurs, même si j’ai remporté la seule des 4 parties dans laquelle je n’avais pas dominé, la dernière !

Ensuite, Magnus s’est dressé sur ma route. Je savais évidemment que le match allait être compliqué, mais je l’avais déjà battu sur ce format, donc je ne partais pas non plus perdant. Mais la première partie m’a mis un énorme coup d’arrêt puisque j’étais complètement gagnant et que j’ai gaffé une Tour en un coup dans le zeitnot. Je ne m’en suis jamais remis. Ensuite, j’avais une journée très importante dans le Tableau des Perdants, où il fallait que je gagne les deux matches. D’abord, contre Erigaisi… C’était un match très tendu, qui s’est décidé dans un Armageddon où tout pouvait arriver. J’ai cependant réussi à utiliser mon avantage de temps au départ, et dans une finale un petit peu plus agréable, très difficile à défendre sur ce contrôle de temps (10 + 0), j’ai fini par m’imposer. Ensuite, j’ai battu Levon (Aronian) sur un match maîtrisé. L’essentiel était fait puisque j’avais assuré ma place pour la Coupe du Monde esport. J’étais donc plus détendu le lendemain, et j’ai remporté mes trois matches contre Nepo, Abdusatorrov et Nakamura, avant de m’incliner dans la Grande Finale contre Carlsen. Rien à dire, il a vraiment très bien joué, et moi j’étais un peu dedans. Ma mission sera de trouver un moyen de prendre ma revanche directement à Riyad !

Je suis satisfait de mon tournoi, content globalement du niveau de jeu produit ; l’idée est d’être capable de répéter ce type de performances…

Les 12 premiers qualifiés (sur 16) pour la Coupe du Monde esport à Riyad (Image : Liquipedia).

TOP 16, Belfort

J’ai pris la compétition en route à cause de mon parcours au Champions Chess Tour, qui m’a fait rater les deux premières rondes.

Je suis donc parti le samedi matin, dans le train de 8h27 à la Gare de Lyon, donc pas très loin de chez moi. Direction Belfort, avec une arrivée prévue à 11h09, sans problème pour une ronde prévue à 14h30. Tout allait bien jusqu’à Dijon, mais l’arrêt en gare m’a semblé anormalement long. Et effectivement, on nous a finalement annoncé que le train ne repartirait pas du tout ! Dès lors, soit j’attendais le bus de remplacement pour arriver à Belfort, distant de près de 200 kms, mais c’était très risqué. J’ai donc décidé de chercher directement un taxi, et je dois dire qu’il n’a pas traîné en route 😊. Malgré cette petite mésaventure, j’ai quand même réussi à jouer une bonne partie, et à aider l’équipe à remporter le match. Mes ambitions étaient évidemment que mon équipe d’Asnières récupère le titre que l’on avait remporté il y a deux ans. D’autant plus que l’année dernière, nous n’avions jamais été vraiment en mesure de nous battre pour la première place. Pendant longtemps, ça s’est plutôt bien passé ; certes, nous avons eu des matchs assez tendus, mais que nous avons le plus souvent remportés.

Malheureusement, nous avons perdu un match important contre Cannes. On s’est donc retrouvés à la dernière ronde au coude-à-coude avec l’autre favori, Chartres, mais avec l’obligation de remporter cette « finale ». Mais dès la troisième heure de jeu, nous étions menés 1-2 et il ne restait plus que ma partie, pour l’honneur donc. Comme d’habitude, j’affrontais Laurent Fressinet avec les blancs, et comme à chaque fois, il s’est bien défendu. Mais il a fait une petite faute juste avant le 40ème coup et je me suis retrouvé dans une finale Dame + 3 pions contre Dame + 2 pions sur la même aile, qui est théoriquement nulle, mais qui laisse toujours de la place pour travailler la position. J’ai tenté de presser jusqu’au bout, et je n’étais vraiment pas si loin d’arriver à quelque chose, mais au final, partie nulle quand même…

J’estime que j’ai plutôt bien joué dans l’ensemble. J’ai gagné deux bonnes parties contre Yannick Gozzoli et Amin Tabatabaei. J’ai mis beaucoup de pression avec les blancs, ce qui me manquait depuis quelque temps ; et là, entre Bucarest et le Top 16, j’y suis parvenu à nouveau. Evidemment, c’est aussi la loi des séries avec, sur une période donnée, les préparations qui tombent un peu mieux etc… Mais ça reste assez encourageant pour la suite.

La Salle des Fêtes de Belfort, qui accueillait le Top 16 (Photo : Ffe).

Maintenant, place aux vacances, avant de reprendre la préparation en juillet. Mais en termes de compétition, je n’ai rien de prévu avant une séquence qui m’amènera d’abord le 27 juillet à Riyad pour la Coupe du Monde esport. Puis à partir du 9 août, ce sera la saison américaine, avec le combo habituel du Grand Chess Tour à Saint-Louis ; Rapid & Blitz, suivi de la Sinquefield Cup. Et sans transition au tout début du mois de septembre, il faudra changer d’hémisphère, direction l’Ouzbekistan à l’occasion du Grand Swiss, qualificatif pour les Candidats 2026 !

Voici une partie spectaculaire disputée au Champions Chess Tour :

Mvl – Erigaisi
Champions Chess Tour (2.1), 21.05.2025

1.e4 c5 2.Cf3 e6 3.c3 [Invitant mon adversaire à quitter les eaux de la Sicilienne pour celles de la Française, dont il est aussi un pratiquant régulier] 3…d5 4.e5 Cc6 5.d4 Fd7 6.Fe2 f6 7.0-0 fxe5 8.Cxe5 Cxe5 9.dxe5 Dc7 10.Te1 0-0-0 [Erigaisi a déjà joué à plusieurs reprises cette position, mais ses adversaires avaient toujours répondu 11.Ff1, protégeant e5] 11.a4!? [Un sacrifice de pion introduit par le GMI hongrois Gabor Papp, qui mène à des complications massives !] 11…Dxe5 12.Ca3 Cf6 13.Cb5

[Mon idée nouvelle. Même si les noirs devraient objectivement s’en tirer à bon compte, je savais qu’en cadence rapide, la tâche serait ardue !] 13…a6 14.g3 Db8 15.b4 e5 [La réfutation de la séquence blanche consistait à prendre la pièce par 15…axb5 16.axb5 c4, puis à évacuer le Roi en e7 par 17.Fe3 Te8! suivi de …Rd8-e7. Cependant, si on ne se laisse pas influencer par l’évaluation de l’ordinateur, la position continue à faire très peur pour les noirs.] 16.Fe3 axb5 [16…d4? est injouable à cause, soit de l’ouverture de la colonne c, soit celle de la diagonale h2-b8, avec des conséquences funestes pour le Roi noir dans les deux cas.] 17.axb5 c4 18.Fb6

18…Fe7? [La première vraie faute. 18…Fe6 suivi de 19…Fd6 consolidait la position et mettait la pression sur les blancs pour justifier l’absence de leur Cavalier !] 19.Ta7 [19.Fa7 Dc7 20.Fc5 menait à une finale égale à la suite d’une séquence introuvable ! 20…Fxb5 forcé 21.Fg4+! (21.Ta8+? Rd7 22.Fg4+ Rc6-+) 21…Cxg4 22.Ta8+ Rd7 23.Dxg4+ Rc6 (23…Re8? 24.Dxg7 Tf8 25.Txe5+-) 24.De6+ Td6 (24…Fd6 25.Txd8 Txd8 26.Txe5+-) 25.Fxd6 Dxd6 26.Dxd6+ Fxd6 27.Txh8 et après le seul coup 27…d4!, les noirs développent suffisamment de jeu pour compenser les deux qualités en moins !] 19…Fxb5 [Je m’attendais plutôt à 19…Fe6 20.Da4 Rd7 et la position reste sur le fil du rasoir] 20.Da1? [Un coup joué à l’instinct sans trop réfléchir, et nous avons tous les deux oublié une ressource défensive cachée. Possible était 20.Fg4+ Fd7 21.Ff3; cependant le meilleur était de commencer par 20.Ta5! d’après la machine, mais ces nuances complexes n’étaient pas décelables en cadence rapide.] 20…Dd6? [Un coup naturel, mais perdant. Pourtant, les noirs avaient l’occasion de réfuter le jeu blanc par 20…Td6! 21.Fc5 (21.Da5 Fa6 et la manoeuvre de la partie ne marche pas : 22.Ff1 ((22.b5 Fd8!-+)) 22…g5 23.Txe5 Txb6!) 21…Dxa7! suivi de 22…Ta6, raté par les deux joueurs !] 21.Da5 Dc6

22.Ff1 [Un rare coup de recul gagnant ! La double menace 23.Txe5 et 23.Fh3+ est trop forte. A noter que sans cette jolie ressource, vue à l’avance, les blancs seraient ici perdants.] 22…Rd7 23.Txe5 Tb8? [Sur 23…g5 24.Txg5 je n’étais pas certain d’être gagnant pendant la partie. Mais je savais que c’était la seule ligne à même d’offrir des chances pratiques de défense aux noirs] 24.Fh3+ Re8 25.Fc5 Cg8 [maintenant, j’étais persuadé que j’étais clairement gagnant, mais j’ai calculé longtemps car il y avait trop de possibilités séduisantes !] 26.Te6 b6 27.Taxe7+ Cxe7 28.Txe7+ Rd8 [28…Rf8 29.Da7] 29.Da7 bxc5 30.Td7+ Dxd7 31.Dxb8+ Re7 32.De5+ Rf7 33.Fxd7 Fxd7 34.Dxd5+ Fe6 35.Dxc5

[Erigaisi a encore défendu comme un beau diable pendant 25 coups, mais l’issue finale n’a jamais fait de doute.] 35…Td8 36.b5 Td1+ 37.Rg2 Fd5+ 38.f3 Re6 39.b6 Tb1 40.Rf2 Tb3 41.Dd4 g6 42.Re3 Rd6 43.Dg7 Txb6 44.Rd4 Fe6 45.Dxh7 Tb2 46.Dh8 Td2+ 47.Re3 Td3+ 48.Re2 Fd5 49.Df6+ Rc5 50.h4 Rb5 51.g4 Ra4 52.h5 gxh5 53.gxh5 Rb3 54.h6 Fg8 55.Dg7 Td8 56.De7 Tb8 57.Rd2 Tb5 58.Dd8 Fh7 59.Dd7 Th5 60.Db7+  1-0

Les parties de Maxime au Champion Chess Tour :

Les parties de Maxime au Top 16 :

Les parties de Maxime au championnat du monde blitz et rapide par équipes :

Juste avant les vacances, une dernière compétition attendait Maxime dans la capitale anglaise, le Championnat du Monde Rapide & Blitz par équipes, qu’il disputait pour le compte de l’équipe favorite de WR Chess. Cette compétition sur 6 échiquiers impose d’avoir 1 joueuse féminine et 1 joueur amateur (-2000 Elo), et tenait à Londres sa 3e édition. Malgré une équipe de choc, composée notamment de Firouzja, Mvl, Nakamura, Duda, So et Hou Yifan, WR Chess n’a pris qu’une modeste 5e place dans le Rapide. Mais l’équipe, renforcée par l’arrivée in extremis de Nepo pour le Blitz, s’est consolée en s’adjugeant le titre mondial. Après un assez modeste 6/10 dans le tournoi Rapide, Maxime a largement contribué au titre en Blitz de son équipe avec un bilan invaincu à 11.5/13, certes contre une opposition plus hétérogène.

Les francais célèbrent le titre

De nouveau sur le Tour

Varsovie

C’est Varsovie qui signait cette année la reprise des tournois du Grand Chess Tour (GCT). Nous étions dans la vieille ville, c’était plutôt sympathique et agréable pour se promener. Sinon, le reste était un peu comme d’habitude, même hôtel et mêmes lieux de jeu, même format de compétition. J’aime toujours lancer le GCT, puisque c’est quand même un circuit qui me réussit bien depuis 10 ans, même si je ne l’ai toujours pas gagné 😊 (4e et 6e au début, puis cinq fois 2e et deux fois 3e ! Ed.)

Au niveau de la compétition, ça a très, très mal démarré le premier jour, avec une première défaite dans une position gagnante contre Prag, suivi d’une nulle dans une position qui m’a semblé assez délicate contre Aronian. Et enfin une autre défaite, contre Topalov cette fois-ci. Je me suis remis progressivement dans la compét, en revenant à 50% à la fin du Rapide. Ce n’était pas forcément terrible, mais vu la première journée de cauchemar, ce n’était pas si mal.

Ensuite, le blitz a très mal commencé lui aussi, avec quelques défaites. Mais soudainement, quelque chose a changé. La fin de la première journée, et quasiment toute la deuxième journée, ça s’est très bien passé. Ça m’a permis de remonter, pas vers la première place, puisque Fedoseev avait été déjà très fort sur le rapide et encore plus sur le blitz, gagnant à peu près n’importe quelle position qu’il pouvait obtenir ! Il a d’ailleurs fini le tournoi avec un score quasiment digne de Magnus, et s’est imposé trois ou quatre rondes avant la fin. Mais en tout cas, cela m’a permis de remonter et de finir finalement deuxième. Un bon résultat comptable, puisque Fedoseev disposait d’une wild card, ce qui m’a permis d’engranger le maximum de points parmi les joueurs du Tour qui étaient présents à Varsovie.

Avec les fans

J’ai pu me reposer quelques jours à Paris entre Varsovie et Bucarest, lieu du premier des deux tournois classiques du GCT. J’ai vite réalisé en arrivant en Roumanie que je n’étais pas forcément dans les meilleures dispositions et que le tournoi allait être compliqué. Je me sentais malade, fiévreux, avec mal de tête.  Et je ressentais une grosse fatigue.

Rien qui m’empêchait véritablement de jouer, mais cela m’a pris beaucoup d’énergie pendant le tournoi.

Le premier jour a été un des plus durs, notamment contre Firouzja où, au bout de quelques heures de jeu, j’ai compris que j’étais en incapacité de réellement réfléchir ; cela s’est notamment vu après le 40ème coup. Mais d’un autre côté, ce dernier avait fait une très bonne partie et méritait sa victoire. Ensuite, ce qui est paradoxal, c’est que les quelques jours suivants, je souhaitais essayer de me reposer et récupérer des forces ; des nulles assez rapides auraient donc fait l’affaire. Mais les choses ont tourné différemment et j’ai eu finalement des parties longues, qui ont quand même bien tourné 😊. En effet, contre Wesley So, j’ai obtenu une finale avec un pion de plus, certes nulle, mais où j’ai réussi à mettre graduellement beaucoup de pression. J’ai même laissé échapper le gain à un moment, mais j’ai fini par le récupérer. Une autre victoire a été celle, étonnamment rapide, contre Gukesh, le champion du monde en titre.

A l’analyse avec le champion du monde (Image : GCT)

Une nulle avec les noirs contre Prag au terme d’une très bonne partie m’a amené à la journée de repos avec +1, mais en ayant dépensé beaucoup d’énergie, et en me sentant toujours malade. Ici, j’ai eu de la chance. En effet, une de mes pires journées en termes physiques, ça a été cette journée de repos, où j’étais incapable de rien faire. Cela ne m’a donc pas coûté trop cher, si ce n’est qu’à la reprise du lendemain, sans prépa, je n’ai pas pris de risques et j’ai décidé de faire nulle assez rapidement (contre Abdussatorov), ce qui m’a permis aussi de récupérer. Et au final, je me suis senti vraiment mieux pour la ronde 8 contre Caruana, après une nulle avec les noirs que je qualifierais de « sans histoire » contre Deac ; même si la position n’était pas si claire, elle est néanmoins toujours restée équilibrée. En revanche, contre Caruana, c’était très tendu et cela aurait pu très mal tourner pour moi. Je ne m’en suis pas forcément rendu compte pendant la partie, et lui non plus ! En fait, il cherchait « le » gros avantage, mais sans vraiment le trouver. Il faut admettre à sa décharge que ce n’était pas simple, quoi qu’en dise notre ami l’ordinateur. Enfin, cela nous amène à la dernière ronde, où Prag était en tête après sa victoire ronde 8. Firouzja, Caruana et moi étions un demi-point derrière. De mon côté, je jouais contre Duda avec les blancs. Ce dernier fermait la marche du tournoi, c’était donc une opportunité de gain à saisir. Il a décidé de jouer une Arkhangelsk plutôt qu’une Berlinoise par exemple, ou une Petrov, qu’il m’avait déjà jouée à quelques reprises. J’ai été peut-être un petit peu surpris, mais il se trouve que j’avais quand même revu mes fichiers sur cette variante, et que j’avais des idées. Cette ligne spécifique avait étonnamment été jouée pour la première fois en avril 2025 ; mais, je me suis dit que ce n’était pas très grave, la position restant assez compliquée. Le début de ma préparation s’est donc bien passé. Duda a pris beaucoup de temps, et il n’a pas forcément trouvé les meilleures réponses. C’est d’ailleurs cette partie que l’on va analyser plus en détail ci-dessous…

J’ai donc fini par l’emporter, et à me qualifier pour le tie-break. Au terme d’une partie homérique, Firouzja s’est qualifié également et nous nous sommes donc retrouvés sur un départage à trois qui a été très tendu, avec deux nulles pour démarrer.

Le blitz décisif… (Image : GCT)

La troisième et dernière partie était donc décisive, c’est celle que j’ai disputée contre Prag avec les noirs. Malheureusement, j’ai fini par faire une erreur en finale et m’incliner. Donc, Prag a finalement remporté le tournoi de Bucarest de façon assez méritée, puisqu’il a été très convaincant et invaincu tout du long. Il a su prendre les risques aussi au bon moment, notamment contre Wesley So avec ce Gambit Benko.

En partageant les points à Bucarest et en capitalisant effectivement sur mon bon tournoi à Varsovie, je suis donc désormais en tête du Grand Chess Tour. C’est plutôt une bonne nouvelle, qui me place notamment en très bonne posture pour une qualification éventuelle à la finale de São Paulo fin septembre (Les 4 premiers seront du voyage. Ed.)

Classement du GCT après deux tournois (Image : GCT)

MVL – DUDA

1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 Cf6 5.0–0 b5 6.Fb3 Fc5 7.c3 d6 8.d4 Fb6 9.a4 Tb8 10.a5 Fa7 [10…Cxa5? 11.Txa5 Fxa5 12.dxe5 Cxe4 (12…dxe5 13.Dxd8+ Rxd8 14.Cxe5) 13.Dd5 est connu pour être perdant]

11.h3 Fb7 12.Te1 0–0 13.Fe3 exd4 14.cxd4 Cb4 15.Cc3 Fxe4 16.Cxe4 Cxe4 17.Tc1 Tc8 18.Fc2 d5 19.Fb1 Dd6 20.g3

20…Cc6 [Il n’y a pas de perpétuel après 20…Cxg3? 21.fxg3 Dxg3+ 22.Rh1 Dxh3+ 23.Ch2]

21.Ff4 Df6 [21…Dd7 22.Rg2 f6 23.h4 Cxa5 24.h5 était la suite dont je me suis souvenu]

22.Fxe4 [Première vraie réflexion, mais il n’y a pas vraiment le choix]

22…dxe4 23.Txe4 Df5 [Avec l’idée …Dd5. Après 23…Cxa5, je voulais jouer 24.Fe5 De6 (24…Df5 25.Tf4 et si 25…Dxh3? 26.Cg5 Dh6 27.Th4 Dxg5 28.Tg4 Dh6 29.Dd2! gagne) 25.Cg5 Dg6 (25…Df5 26.Tf4) 26.Fxg7! Dxg7 27.Tg4 f5 (27…Rh8 28.Cxh7!) 28.Ce6 fxg4 29.Cxg7 Rxg7 30.Dxg4+ et même si la machine donne égalité, ce n’est pas du tout l’impression que j’avais. En pratique, les noirs peuvent se préparer à souffrir !]

24.Ce5! [Dès que je l’ai vu, j’ai compris que ce sacrifice de qualité était puissant]

24…Cxe5 [24…Dxe4? 25.Cxc6 suivi de 26.d5, et le Fa7 est un zombie ; 24…Fxd4 25.Cxc6 Fxf2+ 26.Rxf2 Dxe4 27.Df3 ne devrait pas non plus permettre aux noirs de survivre ; 24…Cxa5? 25.De1! Cb3 26.g4 est tout aussi cauchemardesque]

25.Txe5 Dxh3 26.Te7? [Malheureusement, j’ai raté toutes les défenses à base de …Tce8, d’où ce coup inférieur. Le simple 26.d5! verrouillait complètement la position noire, avec un avantage stratégique déjà décisif.]

26…h6 27.d5 [Un coup trop tard !]

27…g5! 28.Fe5 [Mon idée première était 28.Fe3 Fxe3 29.Txe3 mais après 29…Df5 j’ai évidemment de la compensation pour le pion, mais sans doute pas plus]

28…Tce8!

29.d6 [La seule façon de continuer puisque 29.Tcxc7 Fb8! est une ressource-clé, tandis que 29.Txe8 Txe8 30.Fxc7 Fxf2+ 31.Rxf2 Dh2+ 32.Rf1 (32.Rf3? f5! serait suicidaire) 32…Dh1+ 33.Rf2 Dh2+ mènerait à l’échec perpétuel]

29…cxd6 30.Txa7 [30.Dxd6 se heurte toujours à 30…Fb8]

30…dxe5 31.Txa6 e4 32.Df1 Dg4 [32…Dxf1+ 33.Rxf1 pouvait mener à une finale de Tours piégeuse pour les noirs, à cause du pion a5. Mais 32…Dh5 était le plus naturel ici, et sur l’échiquier, je ne voyais pas d’autre alternative que d’accepter mon sort par 33.Dd1 Dh3 34.Df1 et nulle. Je pense qu’ici, Duda a voulu conserver l’option de jouer pour le gain]

33.Txh6 [Au début, je voulais forcer la nulle par 33.Dd1, jusqu’à ce que je voie que la poussée du pion e était risquée pour lui !]

33…e3?! [33…Rg7 34.Dh3 Dxh3 35.Txh3 maintenait l’équilibre]

34.Dd3! [A coup sûr, raté par Duda]

34…Te4? [Cette fois, l’erreur est décisive. Avec peu de temps à la pendule, Duda n’a pas mesuré les dangers sur la colonne h, et l’étonnante sécurité de mon Roi. Il fallait impérativement échanger les Dames par 34…De4 avec une finale de double Tours objectivement égale, mais sans doute plus facile à jouer pour les blancs]

35.Rg2! [Un très esthétique coup multi-fonction. Menace 36.f3 tout en protégeant g3, empêche la prise en f2 sur échec, et connecte les Tours !]

35…exf2 36.Tch1 f1=D+ [Il n’y a déjà plus de défense : 36…De2 37.Dxe2 Txe2 38.Th8+ Rg7 39.T1h7+ Rg6 40.Txf8 Rxh7 41.Txf7+ Rg6 42.Txf2 Te4 43.b3 gagne ; 36…Df5 37.Th8+ Rg7 38.T1h7+ Rg6 39.Dd6+ Te6 40.Th6+ Rg7 41.Dxf8# ; 36…Tfe8 37.Th8+ Rg7 38.T1h7+ Rf6 39.Th6+ Rg7 40.Txe8 Txe8 41.Dh7+ Rf8 42.Dh8+ Re7 43.Df6+ Rd7 44.Dc6+ suivi du mat]

37.Rxf1 Df5+ 38.Rg2 De5 39.Th8+ Rg7 40.Txf8! [Le dernier piège était 40.T1h7+?! Rf6 41.Txf8? (41.Th6+ Rg7 42.Txf8 Rxh6 43.Txf7 gagnait encore, mais plus laborieusement) 41…Dxb2+ et la cerise sur le gâteau était 42.Rf3?? (42.Rf1 Dc1+ 43.Rg2 avec échec perpétuel) 42…g4+! 43.Rxe4 De5#]

40…Dxb2+ [40…Rxf8 41.Dd8+ Rg7 42.Dh8+ Rg6 43.Dh6+ Rf5 44.Tf1+ ; 40…Te2+ permettait au Roi blanc de faire un joli aller-retour gagnant : 41.Rf3 g4+ 42.Rxg4 Te4+ 43.Rf3 Df5+ 44.Rg2]

41.Rf3 Td4

42.Txf7+! [Le plus expéditif]

42…Rxf7 43.Df5+ Re7 44.De5+ [La Th1 va rentrer en jeu et c’est bientôt mat]

1–0

Les parties de Maxime à Varsovie :

Les parties de Maxime à Bucarest :

Il y a quelques mois, Maxime s’est prêté au jeu de la vérité, que Chess.com a organisé plusieurs fois, dans le cadre de sa série « Lie Detector Chess ». Il s’agit de mettre face à face deux joueurs, qui s’interrogent l’un l’autre sous la supervision d’un opérateur qui détermine si la réponse donnée à chaque question est vraie ou fausse. L’occasion de voir Maxime avec son collègue et ami Levon Aronian, rivaliser de questions piégeuses ou amusantes, le plus souvent liées au monde des échecs bien sûr, mais parfois aussi plus personnelles.

Un « moment de vérité » passionnant !

Top