De nouveau sur le Tour

Varsovie

C’est Varsovie qui signait cette année la reprise des tournois du Grand Chess Tour (GCT). Nous étions dans la vieille ville, c’était plutôt sympathique et agréable pour se promener. Sinon, le reste était un peu comme d’habitude, même hôtel et mêmes lieux de jeu, même format de compétition. J’aime toujours lancer le GCT, puisque c’est quand même un circuit qui me réussit bien depuis 10 ans, même si je ne l’ai toujours pas gagné 😊 (4e et 6e au début, puis cinq fois 2e et deux fois 3e ! Ed.)

Au niveau de la compétition, ça a très, très mal démarré le premier jour, avec une première défaite dans une position gagnante contre Prag, suivi d’une nulle dans une position qui m’a semblé assez délicate contre Aronian. Et enfin une autre défaite, contre Topalov cette fois-ci. Je me suis remis progressivement dans la compét, en revenant à 50% à la fin du Rapide. Ce n’était pas forcément terrible, mais vu la première journée de cauchemar, ce n’était pas si mal.

Ensuite, le blitz a très mal commencé lui aussi, avec quelques défaites. Mais soudainement, quelque chose a changé. La fin de la première journée, et quasiment toute la deuxième journée, ça s’est très bien passé. Ça m’a permis de remonter, pas vers la première place, puisque Fedoseev avait été déjà très fort sur le rapide et encore plus sur le blitz, gagnant à peu près n’importe quelle position qu’il pouvait obtenir ! Il a d’ailleurs fini le tournoi avec un score quasiment digne de Magnus, et s’est imposé trois ou quatre rondes avant la fin. Mais en tout cas, cela m’a permis de remonter et de finir finalement deuxième. Un bon résultat comptable, puisque Fedoseev disposait d’une wild card, ce qui m’a permis d’engranger le maximum de points parmi les joueurs du Tour qui étaient présents à Varsovie.

Avec les fans

J’ai pu me reposer quelques jours à Paris entre Varsovie et Bucarest, lieu du premier des deux tournois classiques du GCT. J’ai vite réalisé en arrivant en Roumanie que je n’étais pas forcément dans les meilleures dispositions et que le tournoi allait être compliqué. Je me sentais malade, fiévreux, avec mal de tête.  Et je ressentais une grosse fatigue.

Rien qui m’empêchait véritablement de jouer, mais cela m’a pris beaucoup d’énergie pendant le tournoi.

Le premier jour a été un des plus durs, notamment contre Firouzja où, au bout de quelques heures de jeu, j’ai compris que j’étais en incapacité de réellement réfléchir ; cela s’est notamment vu après le 40ème coup. Mais d’un autre côté, ce dernier avait fait une très bonne partie et méritait sa victoire. Ensuite, ce qui est paradoxal, c’est que les quelques jours suivants, je souhaitais essayer de me reposer et récupérer des forces ; des nulles assez rapides auraient donc fait l’affaire. Mais les choses ont tourné différemment et j’ai eu finalement des parties longues, qui ont quand même bien tourné 😊. En effet, contre Wesley So, j’ai obtenu une finale avec un pion de plus, certes nulle, mais où j’ai réussi à mettre graduellement beaucoup de pression. J’ai même laissé échapper le gain à un moment, mais j’ai fini par le récupérer. Une autre victoire a été celle, étonnamment rapide, contre Gukesh, le champion du monde en titre.

A l’analyse avec le champion du monde (Image : GCT)

Une nulle avec les noirs contre Prag au terme d’une très bonne partie m’a amené à la journée de repos avec +1, mais en ayant dépensé beaucoup d’énergie, et en me sentant toujours malade. Ici, j’ai eu de la chance. En effet, une de mes pires journées en termes physiques, ça a été cette journée de repos, où j’étais incapable de rien faire. Cela ne m’a donc pas coûté trop cher, si ce n’est qu’à la reprise du lendemain, sans prépa, je n’ai pas pris de risques et j’ai décidé de faire nulle assez rapidement (contre Abdussatorov), ce qui m’a permis aussi de récupérer. Et au final, je me suis senti vraiment mieux pour la ronde 8 contre Caruana, après une nulle avec les noirs que je qualifierais de « sans histoire » contre Deac ; même si la position n’était pas si claire, elle est néanmoins toujours restée équilibrée. En revanche, contre Caruana, c’était très tendu et cela aurait pu très mal tourner pour moi. Je ne m’en suis pas forcément rendu compte pendant la partie, et lui non plus ! En fait, il cherchait « le » gros avantage, mais sans vraiment le trouver. Il faut admettre à sa décharge que ce n’était pas simple, quoi qu’en dise notre ami l’ordinateur. Enfin, cela nous amène à la dernière ronde, où Prag était en tête après sa victoire ronde 8. Firouzja, Caruana et moi étions un demi-point derrière. De mon côté, je jouais contre Duda avec les blancs. Ce dernier fermait la marche du tournoi, c’était donc une opportunité de gain à saisir. Il a décidé de jouer une Arkhangelsk plutôt qu’une Berlinoise par exemple, ou une Petrov, qu’il m’avait déjà jouée à quelques reprises. J’ai été peut-être un petit peu surpris, mais il se trouve que j’avais quand même revu mes fichiers sur cette variante, et que j’avais des idées. Cette ligne spécifique avait étonnamment été jouée pour la première fois en avril 2025 ; mais, je me suis dit que ce n’était pas très grave, la position restant assez compliquée. Le début de ma préparation s’est donc bien passé. Duda a pris beaucoup de temps, et il n’a pas forcément trouvé les meilleures réponses. C’est d’ailleurs cette partie que l’on va analyser plus en détail ci-dessous…

J’ai donc fini par l’emporter, et à me qualifier pour le tie-break. Au terme d’une partie homérique, Firouzja s’est qualifié également et nous nous sommes donc retrouvés sur un départage à trois qui a été très tendu, avec deux nulles pour démarrer.

Le blitz décisif… (Image : GCT)

La troisième et dernière partie était donc décisive, c’est celle que j’ai disputée contre Prag avec les noirs. Malheureusement, j’ai fini par faire une erreur en finale et m’incliner. Donc, Prag a finalement remporté le tournoi de Bucarest de façon assez méritée, puisqu’il a été très convaincant et invaincu tout du long. Il a su prendre les risques aussi au bon moment, notamment contre Wesley So avec ce Gambit Benko.

En partageant les points à Bucarest et en capitalisant effectivement sur mon bon tournoi à Varsovie, je suis donc désormais en tête du Grand Chess Tour. C’est plutôt une bonne nouvelle, qui me place notamment en très bonne posture pour une qualification éventuelle à la finale de São Paulo fin septembre (Les 4 premiers seront du voyage. Ed.)

Classement du GCT après deux tournois (Image : GCT)

MVL – DUDA

1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 Cf6 5.0–0 b5 6.Fb3 Fc5 7.c3 d6 8.d4 Fb6 9.a4 Tb8 10.a5 Fa7 [10…Cxa5? 11.Txa5 Fxa5 12.dxe5 Cxe4 (12…dxe5 13.Dxd8+ Rxd8 14.Cxe5) 13.Dd5 est connu pour être perdant]

11.h3 Fb7 12.Te1 0–0 13.Fe3 exd4 14.cxd4 Cb4 15.Cc3 Fxe4 16.Cxe4 Cxe4 17.Tc1 Tc8 18.Fc2 d5 19.Fb1 Dd6 20.g3

20…Cc6 [Il n’y a pas de perpétuel après 20…Cxg3? 21.fxg3 Dxg3+ 22.Rh1 Dxh3+ 23.Ch2]

21.Ff4 Df6 [21…Dd7 22.Rg2 f6 23.h4 Cxa5 24.h5 était la suite dont je me suis souvenu]

22.Fxe4 [Première vraie réflexion, mais il n’y a pas vraiment le choix]

22…dxe4 23.Txe4 Df5 [Avec l’idée …Dd5. Après 23…Cxa5, je voulais jouer 24.Fe5 De6 (24…Df5 25.Tf4 et si 25…Dxh3? 26.Cg5 Dh6 27.Th4 Dxg5 28.Tg4 Dh6 29.Dd2! gagne) 25.Cg5 Dg6 (25…Df5 26.Tf4) 26.Fxg7! Dxg7 27.Tg4 f5 (27…Rh8 28.Cxh7!) 28.Ce6 fxg4 29.Cxg7 Rxg7 30.Dxg4+ et même si la machine donne égalité, ce n’est pas du tout l’impression que j’avais. En pratique, les noirs peuvent se préparer à souffrir !]

24.Ce5! [Dès que je l’ai vu, j’ai compris que ce sacrifice de qualité était puissant]

24…Cxe5 [24…Dxe4? 25.Cxc6 suivi de 26.d5, et le Fa7 est un zombie ; 24…Fxd4 25.Cxc6 Fxf2+ 26.Rxf2 Dxe4 27.Df3 ne devrait pas non plus permettre aux noirs de survivre ; 24…Cxa5? 25.De1! Cb3 26.g4 est tout aussi cauchemardesque]

25.Txe5 Dxh3 26.Te7? [Malheureusement, j’ai raté toutes les défenses à base de …Tce8, d’où ce coup inférieur. Le simple 26.d5! verrouillait complètement la position noire, avec un avantage stratégique déjà décisif.]

26…h6 27.d5 [Un coup trop tard !]

27…g5! 28.Fe5 [Mon idée première était 28.Fe3 Fxe3 29.Txe3 mais après 29…Df5 j’ai évidemment de la compensation pour le pion, mais sans doute pas plus]

28…Tce8!

29.d6 [La seule façon de continuer puisque 29.Tcxc7 Fb8! est une ressource-clé, tandis que 29.Txe8 Txe8 30.Fxc7 Fxf2+ 31.Rxf2 Dh2+ 32.Rf1 (32.Rf3? f5! serait suicidaire) 32…Dh1+ 33.Rf2 Dh2+ mènerait à l’échec perpétuel]

29…cxd6 30.Txa7 [30.Dxd6 se heurte toujours à 30…Fb8]

30…dxe5 31.Txa6 e4 32.Df1 Dg4 [32…Dxf1+ 33.Rxf1 pouvait mener à une finale de Tours piégeuse pour les noirs, à cause du pion a5. Mais 32…Dh5 était le plus naturel ici, et sur l’échiquier, je ne voyais pas d’autre alternative que d’accepter mon sort par 33.Dd1 Dh3 34.Df1 et nulle. Je pense qu’ici, Duda a voulu conserver l’option de jouer pour le gain]

33.Txh6 [Au début, je voulais forcer la nulle par 33.Dd1, jusqu’à ce que je voie que la poussée du pion e était risquée pour lui !]

33…e3?! [33…Rg7 34.Dh3 Dxh3 35.Txh3 maintenait l’équilibre]

34.Dd3! [A coup sûr, raté par Duda]

34…Te4? [Cette fois, l’erreur est décisive. Avec peu de temps à la pendule, Duda n’a pas mesuré les dangers sur la colonne h, et l’étonnante sécurité de mon Roi. Il fallait impérativement échanger les Dames par 34…De4 avec une finale de double Tours objectivement égale, mais sans doute plus facile à jouer pour les blancs]

35.Rg2! [Un très esthétique coup multi-fonction. Menace 36.f3 tout en protégeant g3, empêche la prise en f2 sur échec, et connecte les Tours !]

35…exf2 36.Tch1 f1=D+ [Il n’y a déjà plus de défense : 36…De2 37.Dxe2 Txe2 38.Th8+ Rg7 39.T1h7+ Rg6 40.Txf8 Rxh7 41.Txf7+ Rg6 42.Txf2 Te4 43.b3 gagne ; 36…Df5 37.Th8+ Rg7 38.T1h7+ Rg6 39.Dd6+ Te6 40.Th6+ Rg7 41.Dxf8# ; 36…Tfe8 37.Th8+ Rg7 38.T1h7+ Rf6 39.Th6+ Rg7 40.Txe8 Txe8 41.Dh7+ Rf8 42.Dh8+ Re7 43.Df6+ Rd7 44.Dc6+ suivi du mat]

37.Rxf1 Df5+ 38.Rg2 De5 39.Th8+ Rg7 40.Txf8! [Le dernier piège était 40.T1h7+?! Rf6 41.Txf8? (41.Th6+ Rg7 42.Txf8 Rxh6 43.Txf7 gagnait encore, mais plus laborieusement) 41…Dxb2+ et la cerise sur le gâteau était 42.Rf3?? (42.Rf1 Dc1+ 43.Rg2 avec échec perpétuel) 42…g4+! 43.Rxe4 De5#]

40…Dxb2+ [40…Rxf8 41.Dd8+ Rg7 42.Dh8+ Rg6 43.Dh6+ Rf5 44.Tf1+ ; 40…Te2+ permettait au Roi blanc de faire un joli aller-retour gagnant : 41.Rf3 g4+ 42.Rxg4 Te4+ 43.Rf3 Df5+ 44.Rg2]

41.Rf3 Td4

42.Txf7+! [Le plus expéditif]

42…Rxf7 43.Df5+ Re7 44.De5+ [La Th1 va rentrer en jeu et c’est bientôt mat]

1–0

Les parties de Maxime à Varsovie :

Les parties de Maxime à Bucarest :

Il y a quelques mois, Maxime s’est prêté au jeu de la vérité, que Chess.com a organisé plusieurs fois, dans le cadre de sa série « Lie Detector Chess ». Il s’agit de mettre face à face deux joueurs, qui s’interrogent l’un l’autre sous la supervision d’un opérateur qui détermine si la réponse donnée à chaque question est vraie ou fausse. L’occasion de voir Maxime avec son collègue et ami Levon Aronian, rivaliser de questions piégeuses ou amusantes, le plus souvent liées au monde des échecs bien sûr, mais parfois aussi plus personnelles.

Un « moment de vérité » passionnant !

En mode Freestyle…

La saison des tournois a commencé sur les chapeaux de roues avec le Freestyle Chess Paris, deuxième étape d’un circuit au format innovant qui m’a offert une wildcard pour rejoindre un plateau de 12 joueurs. Le lieu était superbe, au cœur du Parc de Vincennes, le niveau de jeu très relevé, et j’avais hâte de me frotter à ce format encore nouveau pour moi.

Découverte du Freestyle

Le tournoi a débuté par des parties rapides en Chess960, avant d’enchaîner avec des parties longues – une vraie nouveauté pour moi. Contrairement aux formats classiques, la préparation théorique est ici bien moins lourde. Moins de temps passé à plancher sur des variantes… mais plus d’intensité pendant les parties ! On peut très facilement consommer 30 à 40 minutes dès les premiers coups, tant ils conditionnent la suite de la partie.

La position du jour est tirée au sort comme au loto !

Une phase rapide convaincante

De retour du Championnat d’Autriche par équipes le matin même (voir encadré), j’ai enchaîné avec une journée médias plutôt intense. Après une première journée plutôt laborieuse dans le format rapide, et trois premières parties très difficiles, j’ai réussi à inverser la tendance le lendemain, enchaînant de bonnes performances et assurant la qualification pour la phase finale sans trop de frayeurs – mais avec un soupçon de réussite, il faut l’avouer.

Eliminé par Caruana

En quart de finale, j’ai eu le « choix » entre Caruana et Nakamura. Un choix cornélien, évidemment 😊. J’ai finalement opté pour Caruana, mais le match en parties longues ne s’est pas déroulé comme je l’espérais.

Dans la première partie, j’ai rapidement perdu le fil dans l’ouverture ; malgré un bon retour dans le milieu de jeu et un net avantage, je n’ai pas su conclure. Dans la seconde, une décision stratégique précoce m’a coûté cher et je n’ai pas réussi à m’en remettre. En Freestyle, il y a toujours des décisions qui sont difficiles à prendre : garder l’équilibre ou tenter des choses un peu différentes parce que les pièces ne sont pas placées au même endroit au départ et que ça change certaines configurations, qui sont plus naturelles aux échecs classiques ?

Matches de classement et ambiance du tournoi

Éliminé de la course aux premières places, j’ai affronté Abdusattorov et Erigaisi pour les places d’honneur. Une victoire et une défaite à la clé.

Côté ambiance, le tournoi était vraiment agréable, malgré un petit regret : l’absence de public sur place, qui aurait apporté une belle énergie supplémentaire. Heureusement, quelques amis ont pu passer, ce qui m’a fait plaisir.

Réflexion pré-partie : un point à revoir ?

Un mot sur le format : les 10 minutes de réflexion communes avant chaque partie sont une idée intéressante pour le public, mais elles peuvent nuire à la variété du jeu. Les joueurs tombent souvent d’accord sur des ouvertures similaires, ce qui limite la créativité. À l’inverse, à l’Open Freestyle en Allemagne qui suivait immédiatement, ce temps n’existait pas, et les ouvertures étaient bien plus variées. J’ai même été le seul à jouer 1.b4 lors de la dernière ronde !

Avec Keymer et Abdussatorov ; 10 minutes d’analyse en commun avant les parties…
Avec Keymer et Abdussatorov ; 10 minutes d’analyse en commun avant les parties…

Une 6e place à Paris et enchaînement à Karlsruhe

J’ai donc terminé à la 6e place à Paris, un résultat correct sans être exceptionnel. Le rapide s’est bien passé, mais les parties longues ont révélé quelques manques de repères – logique pour une première.

Comme je viens de l’évoquer, direction ensuite Karlsruhe, pour un open très dense avec deux parties par jour. Un format intense, forcément épuisant. Une défaite à la ronde 2 a sérieusement compromis mes chances. J’ai bien réagi, mais le dernier jour, deux nulles au lieu de deux victoires m’ont privé de la qualification pour le prochain Grand Slam de Las Vegas (15-19 juillet).

Rien n’est perdu cependant : un tournoi de qualification en ligne est prévu, donc je reste concentré 😊.

L’open de Karlsruhe, malgré tout, a été un beau moment : plus de 3000 joueurs, une ambiance électrique, beaucoup de photos et d’autographes (même si je décline pendant les parties !).

Voici maintenant quelques positions intéressantes survenues lors de mes parties dans les deux tournois Freestyle :

FREESTYLE PARIS

MVL-NAKAMURA

Dans cette position complètement désespérée pour les blancs, Hikaru a raté la touche finale 44…c6!, et le mat par …b5+ et …Ta3 est absolument imparable ! Même après 44…axb4 45.h8=D, il était toujours temps de jouer 45…c6!. Mais Hikaru a eu l’idée trop tard, et après 45…Ta3+? 46.Rb5 Tc3 47.Ra4 Ta3+ 48.Rb5 Tc3 49.Ra4 c6, les blancs ont eu la ressource 50.Tb8+! Cxb8 51.Rxb4, et même si la défense reste délicate, les chances de nulle sont toujours présentes (1/2, 77 cps).

MVL-CARUANA

Ma position est très supérieure, et Fabiano est passé en mode survie avec le coup 22…f4. Malheureusement, j’ai fait une grosse faute de calcul ici avec 23.gxf4?, oubliant complètement que 23…Cxf4! était possible, après quoi les noirs échangent les Dames et soulagent considérablement leur position (1/2, 43 cps).

La veste violette était assignée à Maxime…
La veste violette était assignée à Maxime…

ABDUSSATOROV-MVL

Une partie remarquable du jeune Ouzbek. 26.Fg6!, le premier d’une série de 4 coups de Fou sur cette même case qui s’avéreront à chaque fois être les seuls coups vers le gain. Une occurrence vraiment spectaculaire ! 26…Ccd6 27.Ce4 Cxe4 28.Fxe8 Rf8!? (une défense ingénieuse car 29…Txe8 30.Dg7+ ou 29…Rxe8 30.Dg7 suivi de 31.Txd7 mais…) 29.Fg6! (et de deux !) 29…f5 (29…Cc5 30.Th3! Tg8 31.Th7 ou 30…Txh3 31.Dxh3 et la pénétration de la Dame est décisive) 30.Fxf5 Cf6 31.Dg5 Dxb2

32.Td4! (coupant de manière décisive le retour de la Dame noire en défense) 32…Ce8 33.Fg6! (et de trois ! Menace, entre autres, 34.Dd8) 33…Da3 34.De5 Tg8 35.Fxe8 Tc2 (35…Df3 se heurtait à la même réponse) 36.Fg6!. Le bouquet final ! Seul coup gagnant, mais il force l’abandon puisque 36…Txg6 37.Db8+ mène au mat.

ABDUSSATOROV-MVL (Départage)

Les blancs sont complètement dominants et vont gagner un pion, mais après 23…Cg4, il faut choisir lequel prendre. 24.Dxc5? (mauvaise pioche ! Les noirs n’avaient aucune compensation digne de ce nom après le simple 24.Dxe4) 24…Tf5! (la douche froide. La Dame noire ne peut plus contrôler e3 et les blancs doivent donner la qualité) 25.Dd6 Ce3 26.g3 et après quelques autres escarmouches, la partie s’est terminée par la nulle.

FREESTYLE KARLSRUHE

3000 joueurs à Karlsruhe !

PASTAR (2359)-MVL

Après avoir longuement résisté, le MI bosniaque se décide à craquer ! 58.Ch1? (après n’importe quel coup de la Ta1, tout restait à faire pour les noirs) 58…Txd3! 59.Rxd3 Tb3+ 60.Re2 (60.Rc2 Txh3 61.d3 aurait obligé les noirs à trouver 61…Tf3!, dominant le Ch1 et empêchant tout contre-jeu par Tf1) 60…Fxe4 61.Cf2 Ff3+ 62.Re1 e4 et le rouleau compresseur noir s’impose (0-1, 76 cps).

FEUERSTACH (2458)-MVL

Un exemple de partie qui peut mal tourner dès les premiers coups !

1.0-0-0 g6 2.d4 f5 3.h4?! (un premier pas dans la mauvaise direction) 3…c5! 4.g3? (délaisser le centre ne va pas donner les résultats escomptés) 4…cxd4 5.f4 e5! 6.Dxb7? (les blancs aggravent leur cas) 6…Cb6 7.e4 fxe4 8.Dxe4 Fd5 9.De2 Ce6! 10.fxe5 0-0 et la position blanche est déjà un champ de ruines (0-1, 19 cps).

MVL-MENDONCA (2643)

La partie de la dernière ronde qui, comme souvent dans les Opens, s’avère être décisive. En dépit de la symétrie, les blancs sont mieux car leur pièces sont plus actives, mieux développées, et le Roi noir n’est pas complètement serein en f7. Mais il faut être très précis pour empêcher les noirs d’égaliser. 21.Dc2? (et ce coup joué trop vite ne l’est pas, précis ! Il fallait jouer 21.Db2! qui empêchait la liquidation car si les noirs jouent comme dans la partie par 21…Ta8 22.a4 Ce6, ils perdent après 23.e4 Dc6 24.Cxe6 [qui n’est pas possible avec la Dame en c2] 24…Dxe6 [24…Rxe6 25.Db3+ Rd7 26.Df7 et la balade du Roi noir ne va pas bien se terminer] 25.Dxb7 Txa4 26.Fc5 Tc4 27.Da7 et les noirs ne se libéreront pas du clouage. Sur 21.Db2!, les noirs auraient dû défendre la finale avec un pion de moins qui survient après 21…Ce6 22.e4 Dc6 23.Db3 b6 24.Cxe6 Dxe6 25.Dxe6+ Rxe6 26.Tb1!) 21…Ta8 22.a4 Ce6 23.Td1 Dc6 24.Db3 b6 25.Ce4 Dxa4! le coup qui m’avait échappé, et qui force une nulle immédiate après 26.Cd6+ Rf8 27.Dxa4 Txa4 28.Fxb6.

Impossible de conclure ces lignes sur le Freestyle sans souligner la performance historique de Magnus Carlsen, qui remporte les deux tournois (ça, c’est la routine 😊), et qui réalise un extraordinaire 9/9 dans l’Open de Karlsruhe ; les superlatifs manquent…

Et maintenant : retour au Grand Chess Tour

Prochaine étape pour moi : le Grand Chess Tour. Retour aux échecs classiques avec une première phase rapide à Varsovie (26-30 avril), suivie de parties longues à Bucarest (7-16 mai). C’est un des grands objectifs de l’année, avec bien sûr l’envie de finir dans le top 3 du circuit voire, pourquoi pas, remporter enfin le GCT après de si nombreuses deuxièmes places depuis 10 ans !

Les parties de Maxime à Paris :

Les parties de Maxime à Karlsruhe :

Mvl-Kadric au 1er échiquier (1-0).
Mvl-Kadric au 1er échiquier (1-0).

Juste avant d’entamer sa séquence de tournois en Freestyle, Maxime était allé quelques jours en Carinthie, dans le sud de l’Autriche, afin d’y disputer la phase finale du Championnat national par équipes. Lui et ses camarades du club de Linz ont remporté la compétition pour la troisième année consécutive, cette fois avec une marge très conséquente. Il faut dire qu’avec une équipe composée notamment de Mvl, Mamedyarov, Maghsoodloo, Sarana, Esipenko et Bacrot, la barre était placée bien trop haute pour les concurrents. Toutefois, conscient du fait que son équipe était sujette aux critiques, le Directeur du club et Président de la Fédération autrichienne, Michael Stöttinger, a décidé de la retirer de la compétition la saison prochaine. Tout en précisant cependant que cette équipe avait été « construite autour de GMI qui étaient de vieux amis ».

MVL sur la vie d’un joueur d’échecs

Youtube video

Le premier trimestre de l’année, comme bien souvent, a été très calme pour Maxime. Les choses sérieuses reprendront en avril (voir Agenda), avec un calendrier particulièrement dense.
En attendant, voici une nouvelle vidéo, plus légère, dans laquelle Maxime aborde les aspects un peu annexes de la vie d’un joueur d’échecs du Top mondial.

MVL sur l’actualité des Echecs

MVL youtube video

En ce début d’année 2025, l’actualité du jeu d’Echecs déborde d’informations et de nouveautés.

Un nouveau et jeune champion du monde, des formats de jeu originaux, une attractivité qui ne se dément pas ; les Echecs semblent être entrés dans une nouvelle ère et s’offrir une véritable cure de jouvence.

Est-ce vraiment le cas ? Quels sont les atouts véritables du jeu millénaire, et les freins potentiels ?

Maxime nous livre son analyse de la situation.

Fin de saison 2024

MON MOIS DE DECEMBRE

Retour sur le mois de décembre, qui était assez important en termes de parties Rapides et Blitz, puisqu’il y avait la finale du Champions Chess Tour à Oslo, suivie juste après des championnats du monde Rapide et Blitz à New York. J’étais évidemment très motivé, avec notamment l’objectif que j’avais affiché d’en gagner un des trois. Autant dire que l’objectif n’a pas été réalisé, et ce d’assez loin 😊. Principale cause, et ça s’est vu de manière encore plus criante en Blitz, la profusion de fautes de calcul. C’est quelque chose que l’on avait déjà noté lors du tournoi de Blitz à Londres la semaine précédente.

MVL-Jones, Londres Super Blitz 2024

Dans cette position normale de fin d’ouverture, j’ai joué le terrible 14.Fd2?, oubliant complètement 14…Cd3 avec double attaque sur la Te1 et le pion b2.

Et ces fautes de calcul assez inhabituelles pour moi se sont répétées tout au long du mois, ainsi que des erreurs de jugement étonnantes…

Ainsi, lors de la demi-finale du Champions Chess Tour contre Magnus à Oslo, j’ai vécu une expérience assez nouvelle et assez surprenante. J’ai eu le sentiment de faire jeu égal dans le jeu positionnel, dans le placement des pièces ce qui, je dois l’avouer, est assez rare 😊. Mais en revanche, en termes de tactique pure, j’ai été complètement dominé, ce qui est également très inhabituel !

MVL-Carlsen, Finale CCT Oslo

Dans cette partie, j’avais obtenu une position clairement gagnante, et j’aurais sans doute pu éviter cette finale qui pose de réels problèmes de conversion. Mais ce n’était pas une raison pour jouer l’inepte 47.Cxc6? Cxc6 48.c5, et le verrou en c6 étant infranchissable, la position est complètement nulle.

Il fait froid à Oslo !
Il fait froid à Oslo !

Ceux qui ont suivi mon tournoi à New-York auront remarqué que ces erreurs de calcul ont été particulièrement flagrantes lors de la journée de Blitz, qui qualifiait seulement les 8 premiers pour la phase finale. Et je n’ai jamais pu me mêler à la course à cause de ces fautes vraiment gravissimes, en tout cas par rapport à mes standards habituels. Il y a eu aussi la deuxième journée du Rapide qui s’est mal passée de ce point de vue-là, mais c’était quand même moins manifeste.

A ce jour, je ne sais pas quelle conclusion en tirer mais en tout cas, j’y réfléchis évidemment avec toute mon équipe. C’est un point négatif qui a été très important sur cette fin de saison, et qu’il faudra absolument résoudre en 2025.

LES POLÉMIQUES DE FIN D’ANNÉE

En ce qui concerne le code vestimentaire de la FIDE, j’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon point de vue dans diverses interviews. Pour le meilleur ou pour le pire – et j’ai été assez actif dans les discussions à ce sujet ces dernières années – les règles du code vestimentaire pour cette année ont été expliquées à l’avance, y compris le fait que l’on ne serait pas apparié après une deuxième infraction. Je ne suis pas fan de l’interdiction des jeans et des baskets, mais il y a une logique derrière cela : ne pas avoir à trier le jour même les jeans et les baskets qui sont acceptables pour l’événement et ceux qui ne le sont pas. Une fois que j’ai dit tout cela, les règles en vigueur doivent s’appliquer pour tout le monde, et c’est ce qui s’est passé puisque la FIDE, l’arbitre en chef et Magnus Carlsen sont restés fidèles à leurs principes. Les répercussions publiques ont été un peu malheureuses à mon goût, mais en même temps, dans tous les sports où il y a une décision controversée – par exemple la disqualification de Djokovic à l’US Open 2020 – cela conduit généralement à des débats et à une couverture médiatique intenses.

Pour ce qui est du partage du titre mondial de Rapide, je serais encore plus explicite, ça ne me convient pas. Encore une fois, ce n’est pas quelque chose que l’on voit dans les autres sports. Surtout que là, il y avait quand même encore largement moyen de départager les joueurs. On n’en était qu’à trois parties de départage. J’aurais été plus compréhensif si, par exemple, au bout de huit parties de départage, ou même au bout de six parties, soit 1h30 et une journée globale de 7 ou 8 heures, les joueurs ne s’étaient toujours pas départagés. Je pourrais accepter que dans ce cas, on mette en avant le côté : « on est de force égale aujourd’hui », pourquoi pas ? Mais là, c’était tôt et je ne comprends pas que la FIDE ait accepté ça. Et je ne comprends d’ailleurs pas non plus que Magnus, qui aime tant le sport, ait même proposé ce deal. Pour Ian, évidemment, c’est un peu différent. Il se retrouve un peu le couteau sous la gorge d’une certaine manière. S’il refuse et qu’il perd, il a l’air vraiment idiot. Je ne veux pas non plus blâmer inutilement Magnus, parce que parfois, dans le feu de l’action, on perd un peu en lucidité…

Co-champions par accord mutuel… (Photo : Fide)

Mais ça laisse un goût amer d’un point de vue de spectateur, dans le sens où vraiment, ça aurait pu être une fin de match assez légendaire, assez épique. Je pense à la finale de la dernière Coupe du monde de football France-Argentine, qui se décide aux tirs au but, et qui est entrée dans la légende après que la France ait été menée 0-2 (comme Ian !) et qu’elle ait égalisé en toute fin de match.

PROJETONS-NOUS SUR 2025

Grande nouveauté de 2025, il y a deux nouveaux circuits ! Avant cela, il y a évidemment le retour du cycle de qualification pour les Candidats, comme chaque année impaire. On est un peu en manque d’infos sur les dates, les lieux, même si j’espère que ça va vite se décanter. Je suis une nouvelle fois qualifié pour le circuit du Grand Chess Tour, qui débutera fin avril, grâce à ma troisième place l’année dernière. On a également le Champions Chess Tour, qui revient encore une fois, mais sous une forme un peu différente, avec seulement deux tournois qualificatifs en ligne, et une finale à 16 joueurs qui se disputera dans le cadre de la Coupe du monde Esport (EWC) à Riyad (Arabie Saoudite), du 31 juillet au 3 août. Et évidemment, le tout nouveau circuit de FreeStyle Chess, qui comprend 26 joueurs, et son cycle de cinq tournois. Avec le premier tournoi en février en Allemagne, et la deuxième étape à Paris en avril. Après la phase finale du Speed Chess en septembre dernier, ça fait plaisir de constater le retour des échecs au plus haut niveau en France.

Donc, c’est vrai que ça donne une année hyper chargée, mais si je trouve ma forme et que je reviens bien, je crois que j’ai absolument toutes mes chances de pouvoir être à la lutte avec les meilleurs !

Les parties de Maxime à Londres :

Les parties de Maxime à la finale du Champion Chess Tour :

Les parties de Maxime au Championnat du Monde Rapide :

Les parties de Maxime au Championnat du Monde de Blitz :

En marge du tournoi de blitz de Londres mentionné plus haut, et dans lequel Maxime a pris la 2e place derrière Firoujza, l’organisateur en chef des échecs britanniques, Malcolm Pein, avait prévu un tournoi à l’aveugle réunissant 10 joueurs, dont les meilleurs anglais, notamment Adams, Vitiugov, Mc Shane et Jones, ainsi que Mamedyarov et Vidit. Le jeu à l’aveugle est un point fort de Maxime, qui se considérait comme un favori du tournoi. Et à juste titre, puisqu’il s’est imposé assez facilement dans une cadence qui lui convenait très bien, à savoir 10+5. La compétition se déroulait sur ordinateur, devant un échiquier vide.

Entraînement à l’aveugle dans la chambre d’hôtel (Photo : London Chess Classic)
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