L’art difficile de la conversion

USA

Tout juste rentré de la Coupe du Monde esport à Riyad (voir encadré à la fin) et après avoir changé essentiellement de valise 😊, je suis arrivé aux États-Unis quelques jours avant le début des tournois du Grand Chess Tour, histoire de m’acclimater tranquillement. En effet, outre le décalage horaire, la vie aux États-Unis est toujours un petit peu différente de celle en Europe. Du coup, je suis passé voir des amis, puis je suis arrivé à Saint-Louis le 9 août, soit deux jours avant le début du Rapide. La petite nouveauté sur place, c’est que comme le club était toujours en travaux, nous jouions à 15 minutes en voiture, dans un bâtiment qui abrite normalement le studio des commentateurs. Les conditions de jeu étaient un peu différentes, mais tout aussi bonnes, pas de souci là-dessus.

La reprise a été un peu compliquée… Même si de manière générale, dans le Rapide, je m’en suis bien sorti, notamment sur les dernières parties de la journée (contre Shankland, contre Oparin où je gagne au temps et contre Wesley, contre qui j’ai joué une bonne partie). Mais les deux premières journées ont été particulièrement compliquées. +1 au niveau du score, mais ça aurait pu être beaucoup plus grave et ça aurait pu largement être -3. Mon jeu n’était pas bien maîtrisé dans l’ensemble, à commencer par la toute 1re partie contre Fabiano, où je me trompé dans l’ouverture et où j’étais perdant au bout de dix coups ! (mais nulle quand même 😊). Après ces 2 journées compliquées, j’ai remis de la solidité dans la troisième journée du Rapide, et c’était beaucoup mieux.

Regard tourné vers l’horizon et les prochains objectifs (Image : Stl Chess Club).
Regard tourné vers l’horizon et les prochains objectifs (Image : Stl Chess Club).

Dans les Blitz, c’était aussi pas mal, surtout la 1re journée, mais avec un thème qui va revenir plus tard, beaucoup d’occasions manquées…

Au final, l’opération comptable à la fin du tournoi était plutôt bonne avec cette 3e place, qui me permettait de mener le Grand Chess Tour et garantissait quasiment la qualification pour la finale à São Paulo. Mais au niveau du jeu, c’était un peu en demi-teinte, un peu comme en Arabie saoudite (Riyad) où il y a eu des hauts et des bas (certes, avec beaucoup moins de parties).

Sur ce, on arrive sans transition sur le tournoi Classique, où là l’objectif était simple : garantir les deux points et demi ou trois qui (d’après mes calculs !) étaient nécessaires pour assurer plus ou moins la qualification. Dans mon esprit, je pouvais quasiment finir dernier et me qualifier, même si ça n’aurait finalement pas été le cas avec le même trio que celui du podium final : en effet, si j’avais fini dernier, Wesley aurait pris ma place !

J’étais assez confiant, j’avais cinq fois les blancs, j’étais quand même plutôt en bonne forme et j’avais pu revoir mes lignes d’ouverture. Je trouvais que je m’étais plutôt bien préparé. Dans les ouvertures, ça s’est globalement très bien passé. Peut-être parfois un peu léger avec les blancs, mais c’était le cas de tout le monde ; même Fabiano a fait nulle tout de suite contre Levon, sans vraiment essayer. C’est tout dire !

Dans les parties en elles-mêmes, le vrai regret c’est évidemment beaucoup d’occasions (ou de demi-occasions) manquées. Une demi-occasion contre Alireza, où je fais une imprécision dans une position certes gagnante pour la machine, mais pas aussi triviale pour l’humain. Derrière, avec pourtant très peu de temps à la pendule, il a sorti la défense parfaite. C’est presque un fait de jeu, il est coutumier de ces défenses, mais en tout cas, disons que ce n’est pas un énorme raté.

Le duel franco-français en ouverture du tournoi (Image : Stl Chess Club).
Le duel franco-français en ouverture du tournoi (Image : Stl Chess Club).

Voici en revanche les 3 occasions de but, une franche et deux immanquables, que je me suis procurées sans les convertir :

MVL – ARONIAN, Ronde 3

Après une partie chaotique, j’ai pris l’ascendant, et suis délibérément rentré dans cette finale gagnante, même si j’avais sans doute à ma disposition une solution plus directe quelques coups plus tôt. Mais il me semblait que cette finale serait facile à convertir, et je me suis peut-être un peu trop relâché.

48.Fb2?! (pas une erreur à proprement parler car le verdict de la position reste inchangé, mais sans doute un premier pas dans la mauvaise direction. Plus simple était 48.Fc5 avec l’idée de mettre le Fou en b4 et le pion en a3 avant d’aller s’en prendre au pion h avec la Tour) 48…Rc7 49.Rh3 Te4 50.Rg3 Rc6 51.Ta5 h5 52.Rf3?! (un deuxième pas de côté. Comme on va bientôt le voir, mettre le pion en a3 rapidement constituait une assurance tous risques !) 52…Tc4

53.Ff6?? (et la gaffe arrive ! Les noirs n’avaient qu’une façon de s’en sortir ; en échangeant les Tours ou en gagnant le pion a. Ce coup catastrophique va leur permettre de faire un chantage à la première menace pour parvenir à la deuxième ! Après 53.a3 Tc2 54.Fd4 h4 55.Th5 Ta2 56.Fc5 h3 57.Fb4 h2, la machine confirme que la position reste gagnante, mais avec le pion noir en h2, la tâche aurait déjà été nettement plus ardue) 53…Tc5! 54.Ta6+ Rb7 55.Txe6 Ta5! (la douche froide ! Le pion a est perdu car si 56.Te2 Tf5+ profite de la position malencontreuse du Fou en f6). Après quelques coups à tenter de jouer la finale T+F c T, j’ai dû me résoudre à partager le point…

GUKESH – MVL, Ronde 4

J’ai réussi à ne pas me laisser envahir par le gain facile raté contre Aronian, et j’ai produit une très bonne partie contre le champion du monde. Malheureusement, j’ai commis dans cette position une stupide erreur de calcul, qui me coûtera un autre demi-point. Il fallait jouer la suite la plus naturelle, à savoir 31…Tg8+ 32.Rh2 Tf2, et les blancs ne peuvent pas s’en sortir : 33.Ff3 (33.e5+ Re6 34.Ff3 Fc6 35.Fxc6 bxc6 36.Tg1 c3! est sans espoir) 33…c3! 34.Tac1 (34.e5+ Re7! 35.Fxb7 Ff5 suivi de 36…c2 et les blancs sont ligotés) 34…c2, et là j’ai vu 35.Rg1?, oubliant complètement 35…Txf3! (35…Td2 gagne aussi d’ailleurs !). Du coup, j’ai changé mon fusil d’épaule pour 31…cxb3? 32.axb3 a6, qui laisse filer l’avantage après 33.Ff3. (1/2, 53 cps).

Une discussion amicale avec des gars sympa ! (Image : Stl Chess Club).
Une discussion amicale avec des gars sympa ! (Image : Stl Chess Club).

ABDUSSATOROV – MVL, Ronde 6

Après avoir effectué une belle prestation contre un Abdussatorov certes hors de forme, j’ai obtenu cette position gagnante au contrôle de temps. J’ai compris qu’il y avait 4 chemins possibles et qu’il y avait donc un choix important à faire. Le premier, le plus évident, était 41…Te6. Mais je n’étais pas certain que la finale après 42.Txe6 Rxe6 soit gagnée à coup sûr car, en dépit des deux pions de moins, les blancs ont un blocus sur cases blanches. 41…Te3 42.Txb6 Txd3 43.Cxf5 Tc3 semblait gagnant aussi, mais pas de manière limpide et linéaire. Idem pour 41…Tb1 42.Rf3 (mais pas 42.Txb6 c4!).

Je me suis donc penché sur la solution linéaire, à savoir la finale de pions après 41…Te2+? 42.Rf3 Th2 43.Rxf4 Txh4+ 44.Rxf5 Th5+ 45.Tg5 Th3 46.Tg6 Tf3+

47.Rg4? (Nodirbek m’a dit à la cérémonie de clôture qu’il avait rapidement rejeté 47.Re4 Te3+, oubliant le retour 48.Rf5) 47…Rxg6? (poursuivant sans réfléchir ma transition vers une finale de pions que j’estimais gagnante. Ici, avec le Roi blanc en g4 et pas en e4, la finale de Tours après 47…Txd3 48.Txb6 Re7! était bien gagnante, elle !) 48.Rxf3 Rg5 49.Rg3 et contre toute attente, cette finale s’est avérée nulle, ce qui est vraiment un coup de « pas de chance » ! Les blancs doivent jouer une longue série de « seuls coups » avec leur Roi, mais quelle que soit la façon dont je prépare la poussée …b5, puis la poussée …a4, il y a toujours un trou de souris pour le Roi blanc, dès lors qu’il respecte tous les principes des fameuses « cases conjuguées ». Malgré tous mes efforts, Nodirbek sera à la hauteur de la tâche pour sauver le demi-point.

Après cette litanie d’occasions manquées, ma partie contre Sevian constituait la dernière chance de jouer la gagne dans le tournoi. J’ai fait une préparation sans doute un peu légère, mais qui a bien fonctionné, et j’ai pris l’avantage. Après j’ai pêché par « excès de choix ». J’ai fini par prendre les mauvaises décisions et la situation s’est un peu retournée.

Dès lors, les deux dernières rondes perdaient un peu leur intérêt : contre Fabiano, je n’avais pas envie de me préparer contre les 10 000 lignes qu’il pouvait me jouer (d’ailleurs, il m’en a joué une que je n’avais pas prévue !). J’ai préféré jouer la sécurité, le petit avantage sans histoire. Et à la dernière ronde, Duda avec les blancs a choisi de jouer une ligne de nulle théorique.

Classement du Grand Chess Tour avant la finale de Sao Paulo (Image : Wikipedia).
Classement du Grand Chess Tour avant la finale de Sao Paulo (Image : Wikipedia).

Annuler toutes ses parties, ce n’est jamais très agréable, mais dans le contexte, le bilan comptable n’est pas mauvais, avec quand même un petit regret de ne pas avoir capitalisé sur ma bonne forme pour remonter au classement Elo ; j’aurais pu quasiment revenir dans le Top 10 mondial dès maintenant. Mais d’un autre côté je reste optimiste. Je me dis que la solidité et le niveau de jeu affichés, c’est quand même de bon augure avant les échéances de l’automne (Grand Swiss, finale du Grand Chess Tour et Coupe du monde). Il y a cinq places qualificatives pour le tournoi des Candidats qui sont en jeu, 2 au Grand Swiss, 3 à la Coupe du Monde ; l’objectif est d’en prendre une de ces cinq, et aussi d’essayer de gagner pour la 1re fois le Grand Chess Tour, après tant de 2e places !

Les parties rapides de Maxime à Saint-Louis :

Les parties blitz de Maxime à Saint-Louis :

Les parties classiques de Maxime à la Sinquefield Cup :

Cet été, les échecs ont fait une entrée fracassante dans le monde du esport, en intégrant la prestigieuse Coupe du Monde regroupant les principaux jeux de la discipline. Maxime avait pour ma part signé dès le début de l’année avec l’équipe Vitality, l’une des meilleures du monde, qui a également l’avantage pour lui d’être française ! Les choses se présentaient plutôt bien puisque, tout comme son coéquipier Javokhir Sindarov, il avait franchi les difficiles étapes de la qualification et intégré la liste des 16 joueurs qualifiés pour la finale de Riyad, qui s’est déroulée du 29 juillet au 1er août. Mais la cadence de jeu (10’ sans incrément) est impitoyable et ni Javokhir ni lui ne sont parvenus à finir dans la première moitié de tableau, celle qui attribue des points aux équipes. C’est d’autant plus dommage que Maxime a échoué à un cheveu, à la toute fin d’un départage épique contre l’Indien Nihal Sarin. Il ne le savait évidemment pas à l’époque, mais les quelques points d’équipe lâchés à cette occasion feront la différence entre la 3e place à la Coupe du Monde finalement conquise par Vitality, et la seconde ! Avec accessoirement un manque à gagner d’1M$ pour l’équipe…

Il se consolera avec cette présence sur le podium qui améliore le résultat de Vitality l’année dernière (4e), et laisse augurer de très belles choses pour 2026…

MVL, en vrac

MVL en vrac


Au cœur de la période estivale, Maxime va disputer la première Coupe du Monde Esports sous les couleurs de Vitality, à partir de mardi 29 juillet.  Un événement très important dans l’écosystème échiquéen en plein renouveau, qui se déroule à Riyad, au format sans concession de 10+0.
Site officiel : https://esportsworldcup.com/en/competitions/chess
En avant-première de cette compétition, nous vous proposons d’écouter Maxime répondre à une série de questions… assez variées !

Rendez-vous à Riyad ! par Mvl

C’était l’objectif sportif individuel de ces deux derniers mois ; accrocher une des places qualificatives pour la Coupe du Monde esport à Riyad (29 juillet – 1er août). Puis venait l’objectif par équipes, avec le Top 16 (Championnat de France des clubs).
Retour sur ces deux compétitions :

CHAMPIONS CHESS TOUR, Chess.com Classic

J’ai disputé le deuxième tournoi du Champions Chess Tour depuis les locaux de Vitality à Paris. C’est mon équipe esport depuis le début de l’année, et leur « ruche », le V Hive, se situe au cœur de Paris, pas très loin de chez moi. Je trouvais important de me mettre dans l’ambiance et de ne pas jouer depuis chez moi, afin de me sentir en situation de tournoi. Le V-Hive offre un cadre plutôt agréable pour ce genre d’événement : un lieu bien équipé, moderne, avec une touche gaming juste à côté, mais sans être trop bruyante, ce qui convenait bien au public du jour. De mon côté, j’étais placé dans une salle à part pour éviter toute distraction…

La ruche !

Le tournoi était décisif ; certes, j’avais une wild-card pour la phase finale à 16 joueurs, mais il fallait que je remporte des points pour accéder au Top 12 du classement général, et me qualifier pour la Coupe du Monde. J’avais évalué avant la compétition que je devrais remporter 2 matches sur 4, mais il a fallu au final que j’en remporte 3 pour assurer la qualification ! J’ai débuté par un premier match contre Caruana, gagné de façon assez convaincante d’ailleurs, même si j’ai remporté la seule des 4 parties dans laquelle je n’avais pas dominé, la dernière !

Ensuite, Magnus s’est dressé sur ma route. Je savais évidemment que le match allait être compliqué, mais je l’avais déjà battu sur ce format, donc je ne partais pas non plus perdant. Mais la première partie m’a mis un énorme coup d’arrêt puisque j’étais complètement gagnant et que j’ai gaffé une Tour en un coup dans le zeitnot. Je ne m’en suis jamais remis. Ensuite, j’avais une journée très importante dans le Tableau des Perdants, où il fallait que je gagne les deux matches. D’abord, contre Erigaisi… C’était un match très tendu, qui s’est décidé dans un Armageddon où tout pouvait arriver. J’ai cependant réussi à utiliser mon avantage de temps au départ, et dans une finale un petit peu plus agréable, très difficile à défendre sur ce contrôle de temps (10 + 0), j’ai fini par m’imposer. Ensuite, j’ai battu Levon (Aronian) sur un match maîtrisé. L’essentiel était fait puisque j’avais assuré ma place pour la Coupe du Monde esport. J’étais donc plus détendu le lendemain, et j’ai remporté mes trois matches contre Nepo, Abdusatorrov et Nakamura, avant de m’incliner dans la Grande Finale contre Carlsen. Rien à dire, il a vraiment très bien joué, et moi j’étais un peu dedans. Ma mission sera de trouver un moyen de prendre ma revanche directement à Riyad !

Je suis satisfait de mon tournoi, content globalement du niveau de jeu produit ; l’idée est d’être capable de répéter ce type de performances…

Les 12 premiers qualifiés (sur 16) pour la Coupe du Monde esport à Riyad (Image : Liquipedia).

TOP 16, Belfort

J’ai pris la compétition en route à cause de mon parcours au Champions Chess Tour, qui m’a fait rater les deux premières rondes.

Je suis donc parti le samedi matin, dans le train de 8h27 à la Gare de Lyon, donc pas très loin de chez moi. Direction Belfort, avec une arrivée prévue à 11h09, sans problème pour une ronde prévue à 14h30. Tout allait bien jusqu’à Dijon, mais l’arrêt en gare m’a semblé anormalement long. Et effectivement, on nous a finalement annoncé que le train ne repartirait pas du tout ! Dès lors, soit j’attendais le bus de remplacement pour arriver à Belfort, distant de près de 200 kms, mais c’était très risqué. J’ai donc décidé de chercher directement un taxi, et je dois dire qu’il n’a pas traîné en route 😊. Malgré cette petite mésaventure, j’ai quand même réussi à jouer une bonne partie, et à aider l’équipe à remporter le match. Mes ambitions étaient évidemment que mon équipe d’Asnières récupère le titre que l’on avait remporté il y a deux ans. D’autant plus que l’année dernière, nous n’avions jamais été vraiment en mesure de nous battre pour la première place. Pendant longtemps, ça s’est plutôt bien passé ; certes, nous avons eu des matchs assez tendus, mais que nous avons le plus souvent remportés.

Malheureusement, nous avons perdu un match important contre Cannes. On s’est donc retrouvés à la dernière ronde au coude-à-coude avec l’autre favori, Chartres, mais avec l’obligation de remporter cette « finale ». Mais dès la troisième heure de jeu, nous étions menés 1-2 et il ne restait plus que ma partie, pour l’honneur donc. Comme d’habitude, j’affrontais Laurent Fressinet avec les blancs, et comme à chaque fois, il s’est bien défendu. Mais il a fait une petite faute juste avant le 40ème coup et je me suis retrouvé dans une finale Dame + 3 pions contre Dame + 2 pions sur la même aile, qui est théoriquement nulle, mais qui laisse toujours de la place pour travailler la position. J’ai tenté de presser jusqu’au bout, et je n’étais vraiment pas si loin d’arriver à quelque chose, mais au final, partie nulle quand même…

J’estime que j’ai plutôt bien joué dans l’ensemble. J’ai gagné deux bonnes parties contre Yannick Gozzoli et Amin Tabatabaei. J’ai mis beaucoup de pression avec les blancs, ce qui me manquait depuis quelque temps ; et là, entre Bucarest et le Top 16, j’y suis parvenu à nouveau. Evidemment, c’est aussi la loi des séries avec, sur une période donnée, les préparations qui tombent un peu mieux etc… Mais ça reste assez encourageant pour la suite.

La Salle des Fêtes de Belfort, qui accueillait le Top 16 (Photo : Ffe).

Maintenant, place aux vacances, avant de reprendre la préparation en juillet. Mais en termes de compétition, je n’ai rien de prévu avant une séquence qui m’amènera d’abord le 27 juillet à Riyad pour la Coupe du Monde esport. Puis à partir du 9 août, ce sera la saison américaine, avec le combo habituel du Grand Chess Tour à Saint-Louis ; Rapid & Blitz, suivi de la Sinquefield Cup. Et sans transition au tout début du mois de septembre, il faudra changer d’hémisphère, direction l’Ouzbekistan à l’occasion du Grand Swiss, qualificatif pour les Candidats 2026 !

Voici une partie spectaculaire disputée au Champions Chess Tour :

Mvl – Erigaisi
Champions Chess Tour (2.1), 21.05.2025

1.e4 c5 2.Cf3 e6 3.c3 [Invitant mon adversaire à quitter les eaux de la Sicilienne pour celles de la Française, dont il est aussi un pratiquant régulier] 3…d5 4.e5 Cc6 5.d4 Fd7 6.Fe2 f6 7.0-0 fxe5 8.Cxe5 Cxe5 9.dxe5 Dc7 10.Te1 0-0-0 [Erigaisi a déjà joué à plusieurs reprises cette position, mais ses adversaires avaient toujours répondu 11.Ff1, protégeant e5] 11.a4!? [Un sacrifice de pion introduit par le GMI hongrois Gabor Papp, qui mène à des complications massives !] 11…Dxe5 12.Ca3 Cf6 13.Cb5

[Mon idée nouvelle. Même si les noirs devraient objectivement s’en tirer à bon compte, je savais qu’en cadence rapide, la tâche serait ardue !] 13…a6 14.g3 Db8 15.b4 e5 [La réfutation de la séquence blanche consistait à prendre la pièce par 15…axb5 16.axb5 c4, puis à évacuer le Roi en e7 par 17.Fe3 Te8! suivi de …Rd8-e7. Cependant, si on ne se laisse pas influencer par l’évaluation de l’ordinateur, la position continue à faire très peur pour les noirs.] 16.Fe3 axb5 [16…d4? est injouable à cause, soit de l’ouverture de la colonne c, soit celle de la diagonale h2-b8, avec des conséquences funestes pour le Roi noir dans les deux cas.] 17.axb5 c4 18.Fb6

18…Fe7? [La première vraie faute. 18…Fe6 suivi de 19…Fd6 consolidait la position et mettait la pression sur les blancs pour justifier l’absence de leur Cavalier !] 19.Ta7 [19.Fa7 Dc7 20.Fc5 menait à une finale égale à la suite d’une séquence introuvable ! 20…Fxb5 forcé 21.Fg4+! (21.Ta8+? Rd7 22.Fg4+ Rc6-+) 21…Cxg4 22.Ta8+ Rd7 23.Dxg4+ Rc6 (23…Re8? 24.Dxg7 Tf8 25.Txe5+-) 24.De6+ Td6 (24…Fd6 25.Txd8 Txd8 26.Txe5+-) 25.Fxd6 Dxd6 26.Dxd6+ Fxd6 27.Txh8 et après le seul coup 27…d4!, les noirs développent suffisamment de jeu pour compenser les deux qualités en moins !] 19…Fxb5 [Je m’attendais plutôt à 19…Fe6 20.Da4 Rd7 et la position reste sur le fil du rasoir] 20.Da1? [Un coup joué à l’instinct sans trop réfléchir, et nous avons tous les deux oublié une ressource défensive cachée. Possible était 20.Fg4+ Fd7 21.Ff3; cependant le meilleur était de commencer par 20.Ta5! d’après la machine, mais ces nuances complexes n’étaient pas décelables en cadence rapide.] 20…Dd6? [Un coup naturel, mais perdant. Pourtant, les noirs avaient l’occasion de réfuter le jeu blanc par 20…Td6! 21.Fc5 (21.Da5 Fa6 et la manoeuvre de la partie ne marche pas : 22.Ff1 ((22.b5 Fd8!-+)) 22…g5 23.Txe5 Txb6!) 21…Dxa7! suivi de 22…Ta6, raté par les deux joueurs !] 21.Da5 Dc6

22.Ff1 [Un rare coup de recul gagnant ! La double menace 23.Txe5 et 23.Fh3+ est trop forte. A noter que sans cette jolie ressource, vue à l’avance, les blancs seraient ici perdants.] 22…Rd7 23.Txe5 Tb8? [Sur 23…g5 24.Txg5 je n’étais pas certain d’être gagnant pendant la partie. Mais je savais que c’était la seule ligne à même d’offrir des chances pratiques de défense aux noirs] 24.Fh3+ Re8 25.Fc5 Cg8 [maintenant, j’étais persuadé que j’étais clairement gagnant, mais j’ai calculé longtemps car il y avait trop de possibilités séduisantes !] 26.Te6 b6 27.Taxe7+ Cxe7 28.Txe7+ Rd8 [28…Rf8 29.Da7] 29.Da7 bxc5 30.Td7+ Dxd7 31.Dxb8+ Re7 32.De5+ Rf7 33.Fxd7 Fxd7 34.Dxd5+ Fe6 35.Dxc5

[Erigaisi a encore défendu comme un beau diable pendant 25 coups, mais l’issue finale n’a jamais fait de doute.] 35…Td8 36.b5 Td1+ 37.Rg2 Fd5+ 38.f3 Re6 39.b6 Tb1 40.Rf2 Tb3 41.Dd4 g6 42.Re3 Rd6 43.Dg7 Txb6 44.Rd4 Fe6 45.Dxh7 Tb2 46.Dh8 Td2+ 47.Re3 Td3+ 48.Re2 Fd5 49.Df6+ Rc5 50.h4 Rb5 51.g4 Ra4 52.h5 gxh5 53.gxh5 Rb3 54.h6 Fg8 55.Dg7 Td8 56.De7 Tb8 57.Rd2 Tb5 58.Dd8 Fh7 59.Dd7 Th5 60.Db7+  1-0

Les parties de Maxime au Champion Chess Tour :

Les parties de Maxime au Top 16 :

Les parties de Maxime au championnat du monde blitz et rapide par équipes :

Juste avant les vacances, une dernière compétition attendait Maxime dans la capitale anglaise, le Championnat du Monde Rapide & Blitz par équipes, qu’il disputait pour le compte de l’équipe favorite de WR Chess. Cette compétition sur 6 échiquiers impose d’avoir 1 joueuse féminine et 1 joueur amateur (-2000 Elo), et tenait à Londres sa 3e édition. Malgré une équipe de choc, composée notamment de Firouzja, Mvl, Nakamura, Duda, So et Hou Yifan, WR Chess n’a pris qu’une modeste 5e place dans le Rapide. Mais l’équipe, renforcée par l’arrivée in extremis de Nepo pour le Blitz, s’est consolée en s’adjugeant le titre mondial. Après un assez modeste 6/10 dans le tournoi Rapide, Maxime a largement contribué au titre en Blitz de son équipe avec un bilan invaincu à 11.5/13, certes contre une opposition plus hétérogène.

Les francais célèbrent le titre

De nouveau sur le Tour

Varsovie

C’est Varsovie qui signait cette année la reprise des tournois du Grand Chess Tour (GCT). Nous étions dans la vieille ville, c’était plutôt sympathique et agréable pour se promener. Sinon, le reste était un peu comme d’habitude, même hôtel et mêmes lieux de jeu, même format de compétition. J’aime toujours lancer le GCT, puisque c’est quand même un circuit qui me réussit bien depuis 10 ans, même si je ne l’ai toujours pas gagné 😊 (4e et 6e au début, puis cinq fois 2e et deux fois 3e ! Ed.)

Au niveau de la compétition, ça a très, très mal démarré le premier jour, avec une première défaite dans une position gagnante contre Prag, suivi d’une nulle dans une position qui m’a semblé assez délicate contre Aronian. Et enfin une autre défaite, contre Topalov cette fois-ci. Je me suis remis progressivement dans la compét, en revenant à 50% à la fin du Rapide. Ce n’était pas forcément terrible, mais vu la première journée de cauchemar, ce n’était pas si mal.

Ensuite, le blitz a très mal commencé lui aussi, avec quelques défaites. Mais soudainement, quelque chose a changé. La fin de la première journée, et quasiment toute la deuxième journée, ça s’est très bien passé. Ça m’a permis de remonter, pas vers la première place, puisque Fedoseev avait été déjà très fort sur le rapide et encore plus sur le blitz, gagnant à peu près n’importe quelle position qu’il pouvait obtenir ! Il a d’ailleurs fini le tournoi avec un score quasiment digne de Magnus, et s’est imposé trois ou quatre rondes avant la fin. Mais en tout cas, cela m’a permis de remonter et de finir finalement deuxième. Un bon résultat comptable, puisque Fedoseev disposait d’une wild card, ce qui m’a permis d’engranger le maximum de points parmi les joueurs du Tour qui étaient présents à Varsovie.

Avec les fans

J’ai pu me reposer quelques jours à Paris entre Varsovie et Bucarest, lieu du premier des deux tournois classiques du GCT. J’ai vite réalisé en arrivant en Roumanie que je n’étais pas forcément dans les meilleures dispositions et que le tournoi allait être compliqué. Je me sentais malade, fiévreux, avec mal de tête.  Et je ressentais une grosse fatigue.

Rien qui m’empêchait véritablement de jouer, mais cela m’a pris beaucoup d’énergie pendant le tournoi.

Le premier jour a été un des plus durs, notamment contre Firouzja où, au bout de quelques heures de jeu, j’ai compris que j’étais en incapacité de réellement réfléchir ; cela s’est notamment vu après le 40ème coup. Mais d’un autre côté, ce dernier avait fait une très bonne partie et méritait sa victoire. Ensuite, ce qui est paradoxal, c’est que les quelques jours suivants, je souhaitais essayer de me reposer et récupérer des forces ; des nulles assez rapides auraient donc fait l’affaire. Mais les choses ont tourné différemment et j’ai eu finalement des parties longues, qui ont quand même bien tourné 😊. En effet, contre Wesley So, j’ai obtenu une finale avec un pion de plus, certes nulle, mais où j’ai réussi à mettre graduellement beaucoup de pression. J’ai même laissé échapper le gain à un moment, mais j’ai fini par le récupérer. Une autre victoire a été celle, étonnamment rapide, contre Gukesh, le champion du monde en titre.

A l’analyse avec le champion du monde (Image : GCT)

Une nulle avec les noirs contre Prag au terme d’une très bonne partie m’a amené à la journée de repos avec +1, mais en ayant dépensé beaucoup d’énergie, et en me sentant toujours malade. Ici, j’ai eu de la chance. En effet, une de mes pires journées en termes physiques, ça a été cette journée de repos, où j’étais incapable de rien faire. Cela ne m’a donc pas coûté trop cher, si ce n’est qu’à la reprise du lendemain, sans prépa, je n’ai pas pris de risques et j’ai décidé de faire nulle assez rapidement (contre Abdussatorov), ce qui m’a permis aussi de récupérer. Et au final, je me suis senti vraiment mieux pour la ronde 8 contre Caruana, après une nulle avec les noirs que je qualifierais de « sans histoire » contre Deac ; même si la position n’était pas si claire, elle est néanmoins toujours restée équilibrée. En revanche, contre Caruana, c’était très tendu et cela aurait pu très mal tourner pour moi. Je ne m’en suis pas forcément rendu compte pendant la partie, et lui non plus ! En fait, il cherchait « le » gros avantage, mais sans vraiment le trouver. Il faut admettre à sa décharge que ce n’était pas simple, quoi qu’en dise notre ami l’ordinateur. Enfin, cela nous amène à la dernière ronde, où Prag était en tête après sa victoire ronde 8. Firouzja, Caruana et moi étions un demi-point derrière. De mon côté, je jouais contre Duda avec les blancs. Ce dernier fermait la marche du tournoi, c’était donc une opportunité de gain à saisir. Il a décidé de jouer une Arkhangelsk plutôt qu’une Berlinoise par exemple, ou une Petrov, qu’il m’avait déjà jouée à quelques reprises. J’ai été peut-être un petit peu surpris, mais il se trouve que j’avais quand même revu mes fichiers sur cette variante, et que j’avais des idées. Cette ligne spécifique avait étonnamment été jouée pour la première fois en avril 2025 ; mais, je me suis dit que ce n’était pas très grave, la position restant assez compliquée. Le début de ma préparation s’est donc bien passé. Duda a pris beaucoup de temps, et il n’a pas forcément trouvé les meilleures réponses. C’est d’ailleurs cette partie que l’on va analyser plus en détail ci-dessous…

J’ai donc fini par l’emporter, et à me qualifier pour le tie-break. Au terme d’une partie homérique, Firouzja s’est qualifié également et nous nous sommes donc retrouvés sur un départage à trois qui a été très tendu, avec deux nulles pour démarrer.

Le blitz décisif… (Image : GCT)

La troisième et dernière partie était donc décisive, c’est celle que j’ai disputée contre Prag avec les noirs. Malheureusement, j’ai fini par faire une erreur en finale et m’incliner. Donc, Prag a finalement remporté le tournoi de Bucarest de façon assez méritée, puisqu’il a été très convaincant et invaincu tout du long. Il a su prendre les risques aussi au bon moment, notamment contre Wesley So avec ce Gambit Benko.

En partageant les points à Bucarest et en capitalisant effectivement sur mon bon tournoi à Varsovie, je suis donc désormais en tête du Grand Chess Tour. C’est plutôt une bonne nouvelle, qui me place notamment en très bonne posture pour une qualification éventuelle à la finale de São Paulo fin septembre (Les 4 premiers seront du voyage. Ed.)

Classement du GCT après deux tournois (Image : GCT)

MVL – DUDA

1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 a6 4.Fa4 Cf6 5.0–0 b5 6.Fb3 Fc5 7.c3 d6 8.d4 Fb6 9.a4 Tb8 10.a5 Fa7 [10…Cxa5? 11.Txa5 Fxa5 12.dxe5 Cxe4 (12…dxe5 13.Dxd8+ Rxd8 14.Cxe5) 13.Dd5 est connu pour être perdant]

11.h3 Fb7 12.Te1 0–0 13.Fe3 exd4 14.cxd4 Cb4 15.Cc3 Fxe4 16.Cxe4 Cxe4 17.Tc1 Tc8 18.Fc2 d5 19.Fb1 Dd6 20.g3

20…Cc6 [Il n’y a pas de perpétuel après 20…Cxg3? 21.fxg3 Dxg3+ 22.Rh1 Dxh3+ 23.Ch2]

21.Ff4 Df6 [21…Dd7 22.Rg2 f6 23.h4 Cxa5 24.h5 était la suite dont je me suis souvenu]

22.Fxe4 [Première vraie réflexion, mais il n’y a pas vraiment le choix]

22…dxe4 23.Txe4 Df5 [Avec l’idée …Dd5. Après 23…Cxa5, je voulais jouer 24.Fe5 De6 (24…Df5 25.Tf4 et si 25…Dxh3? 26.Cg5 Dh6 27.Th4 Dxg5 28.Tg4 Dh6 29.Dd2! gagne) 25.Cg5 Dg6 (25…Df5 26.Tf4) 26.Fxg7! Dxg7 27.Tg4 f5 (27…Rh8 28.Cxh7!) 28.Ce6 fxg4 29.Cxg7 Rxg7 30.Dxg4+ et même si la machine donne égalité, ce n’est pas du tout l’impression que j’avais. En pratique, les noirs peuvent se préparer à souffrir !]

24.Ce5! [Dès que je l’ai vu, j’ai compris que ce sacrifice de qualité était puissant]

24…Cxe5 [24…Dxe4? 25.Cxc6 suivi de 26.d5, et le Fa7 est un zombie ; 24…Fxd4 25.Cxc6 Fxf2+ 26.Rxf2 Dxe4 27.Df3 ne devrait pas non plus permettre aux noirs de survivre ; 24…Cxa5? 25.De1! Cb3 26.g4 est tout aussi cauchemardesque]

25.Txe5 Dxh3 26.Te7? [Malheureusement, j’ai raté toutes les défenses à base de …Tce8, d’où ce coup inférieur. Le simple 26.d5! verrouillait complètement la position noire, avec un avantage stratégique déjà décisif.]

26…h6 27.d5 [Un coup trop tard !]

27…g5! 28.Fe5 [Mon idée première était 28.Fe3 Fxe3 29.Txe3 mais après 29…Df5 j’ai évidemment de la compensation pour le pion, mais sans doute pas plus]

28…Tce8!

29.d6 [La seule façon de continuer puisque 29.Tcxc7 Fb8! est une ressource-clé, tandis que 29.Txe8 Txe8 30.Fxc7 Fxf2+ 31.Rxf2 Dh2+ 32.Rf1 (32.Rf3? f5! serait suicidaire) 32…Dh1+ 33.Rf2 Dh2+ mènerait à l’échec perpétuel]

29…cxd6 30.Txa7 [30.Dxd6 se heurte toujours à 30…Fb8]

30…dxe5 31.Txa6 e4 32.Df1 Dg4 [32…Dxf1+ 33.Rxf1 pouvait mener à une finale de Tours piégeuse pour les noirs, à cause du pion a5. Mais 32…Dh5 était le plus naturel ici, et sur l’échiquier, je ne voyais pas d’autre alternative que d’accepter mon sort par 33.Dd1 Dh3 34.Df1 et nulle. Je pense qu’ici, Duda a voulu conserver l’option de jouer pour le gain]

33.Txh6 [Au début, je voulais forcer la nulle par 33.Dd1, jusqu’à ce que je voie que la poussée du pion e était risquée pour lui !]

33…e3?! [33…Rg7 34.Dh3 Dxh3 35.Txh3 maintenait l’équilibre]

34.Dd3! [A coup sûr, raté par Duda]

34…Te4? [Cette fois, l’erreur est décisive. Avec peu de temps à la pendule, Duda n’a pas mesuré les dangers sur la colonne h, et l’étonnante sécurité de mon Roi. Il fallait impérativement échanger les Dames par 34…De4 avec une finale de double Tours objectivement égale, mais sans doute plus facile à jouer pour les blancs]

35.Rg2! [Un très esthétique coup multi-fonction. Menace 36.f3 tout en protégeant g3, empêche la prise en f2 sur échec, et connecte les Tours !]

35…exf2 36.Tch1 f1=D+ [Il n’y a déjà plus de défense : 36…De2 37.Dxe2 Txe2 38.Th8+ Rg7 39.T1h7+ Rg6 40.Txf8 Rxh7 41.Txf7+ Rg6 42.Txf2 Te4 43.b3 gagne ; 36…Df5 37.Th8+ Rg7 38.T1h7+ Rg6 39.Dd6+ Te6 40.Th6+ Rg7 41.Dxf8# ; 36…Tfe8 37.Th8+ Rg7 38.T1h7+ Rf6 39.Th6+ Rg7 40.Txe8 Txe8 41.Dh7+ Rf8 42.Dh8+ Re7 43.Df6+ Rd7 44.Dc6+ suivi du mat]

37.Rxf1 Df5+ 38.Rg2 De5 39.Th8+ Rg7 40.Txf8! [Le dernier piège était 40.T1h7+?! Rf6 41.Txf8? (41.Th6+ Rg7 42.Txf8 Rxh6 43.Txf7 gagnait encore, mais plus laborieusement) 41…Dxb2+ et la cerise sur le gâteau était 42.Rf3?? (42.Rf1 Dc1+ 43.Rg2 avec échec perpétuel) 42…g4+! 43.Rxe4 De5#]

40…Dxb2+ [40…Rxf8 41.Dd8+ Rg7 42.Dh8+ Rg6 43.Dh6+ Rf5 44.Tf1+ ; 40…Te2+ permettait au Roi blanc de faire un joli aller-retour gagnant : 41.Rf3 g4+ 42.Rxg4 Te4+ 43.Rf3 Df5+ 44.Rg2]

41.Rf3 Td4

42.Txf7+! [Le plus expéditif]

42…Rxf7 43.Df5+ Re7 44.De5+ [La Th1 va rentrer en jeu et c’est bientôt mat]

1–0

Les parties de Maxime à Varsovie :

Les parties de Maxime à Bucarest :

Il y a quelques mois, Maxime s’est prêté au jeu de la vérité, que Chess.com a organisé plusieurs fois, dans le cadre de sa série « Lie Detector Chess ». Il s’agit de mettre face à face deux joueurs, qui s’interrogent l’un l’autre sous la supervision d’un opérateur qui détermine si la réponse donnée à chaque question est vraie ou fausse. L’occasion de voir Maxime avec son collègue et ami Levon Aronian, rivaliser de questions piégeuses ou amusantes, le plus souvent liées au monde des échecs bien sûr, mais parfois aussi plus personnelles.

Un « moment de vérité » passionnant !

En mode Freestyle…

La saison des tournois a commencé sur les chapeaux de roues avec le Freestyle Chess Paris, deuxième étape d’un circuit au format innovant qui m’a offert une wildcard pour rejoindre un plateau de 12 joueurs. Le lieu était superbe, au cœur du Parc de Vincennes, le niveau de jeu très relevé, et j’avais hâte de me frotter à ce format encore nouveau pour moi.

Découverte du Freestyle

Le tournoi a débuté par des parties rapides en Chess960, avant d’enchaîner avec des parties longues – une vraie nouveauté pour moi. Contrairement aux formats classiques, la préparation théorique est ici bien moins lourde. Moins de temps passé à plancher sur des variantes… mais plus d’intensité pendant les parties ! On peut très facilement consommer 30 à 40 minutes dès les premiers coups, tant ils conditionnent la suite de la partie.

La position du jour est tirée au sort comme au loto !

Une phase rapide convaincante

De retour du Championnat d’Autriche par équipes le matin même (voir encadré), j’ai enchaîné avec une journée médias plutôt intense. Après une première journée plutôt laborieuse dans le format rapide, et trois premières parties très difficiles, j’ai réussi à inverser la tendance le lendemain, enchaînant de bonnes performances et assurant la qualification pour la phase finale sans trop de frayeurs – mais avec un soupçon de réussite, il faut l’avouer.

Eliminé par Caruana

En quart de finale, j’ai eu le « choix » entre Caruana et Nakamura. Un choix cornélien, évidemment 😊. J’ai finalement opté pour Caruana, mais le match en parties longues ne s’est pas déroulé comme je l’espérais.

Dans la première partie, j’ai rapidement perdu le fil dans l’ouverture ; malgré un bon retour dans le milieu de jeu et un net avantage, je n’ai pas su conclure. Dans la seconde, une décision stratégique précoce m’a coûté cher et je n’ai pas réussi à m’en remettre. En Freestyle, il y a toujours des décisions qui sont difficiles à prendre : garder l’équilibre ou tenter des choses un peu différentes parce que les pièces ne sont pas placées au même endroit au départ et que ça change certaines configurations, qui sont plus naturelles aux échecs classiques ?

Matches de classement et ambiance du tournoi

Éliminé de la course aux premières places, j’ai affronté Abdusattorov et Erigaisi pour les places d’honneur. Une victoire et une défaite à la clé.

Côté ambiance, le tournoi était vraiment agréable, malgré un petit regret : l’absence de public sur place, qui aurait apporté une belle énergie supplémentaire. Heureusement, quelques amis ont pu passer, ce qui m’a fait plaisir.

Réflexion pré-partie : un point à revoir ?

Un mot sur le format : les 10 minutes de réflexion communes avant chaque partie sont une idée intéressante pour le public, mais elles peuvent nuire à la variété du jeu. Les joueurs tombent souvent d’accord sur des ouvertures similaires, ce qui limite la créativité. À l’inverse, à l’Open Freestyle en Allemagne qui suivait immédiatement, ce temps n’existait pas, et les ouvertures étaient bien plus variées. J’ai même été le seul à jouer 1.b4 lors de la dernière ronde !

Avec Keymer et Abdussatorov ; 10 minutes d’analyse en commun avant les parties…
Avec Keymer et Abdussatorov ; 10 minutes d’analyse en commun avant les parties…

Une 6e place à Paris et enchaînement à Karlsruhe

J’ai donc terminé à la 6e place à Paris, un résultat correct sans être exceptionnel. Le rapide s’est bien passé, mais les parties longues ont révélé quelques manques de repères – logique pour une première.

Comme je viens de l’évoquer, direction ensuite Karlsruhe, pour un open très dense avec deux parties par jour. Un format intense, forcément épuisant. Une défaite à la ronde 2 a sérieusement compromis mes chances. J’ai bien réagi, mais le dernier jour, deux nulles au lieu de deux victoires m’ont privé de la qualification pour le prochain Grand Slam de Las Vegas (15-19 juillet).

Rien n’est perdu cependant : un tournoi de qualification en ligne est prévu, donc je reste concentré 😊.

L’open de Karlsruhe, malgré tout, a été un beau moment : plus de 3000 joueurs, une ambiance électrique, beaucoup de photos et d’autographes (même si je décline pendant les parties !).

Voici maintenant quelques positions intéressantes survenues lors de mes parties dans les deux tournois Freestyle :

FREESTYLE PARIS

MVL-NAKAMURA

Dans cette position complètement désespérée pour les blancs, Hikaru a raté la touche finale 44…c6!, et le mat par …b5+ et …Ta3 est absolument imparable ! Même après 44…axb4 45.h8=D, il était toujours temps de jouer 45…c6!. Mais Hikaru a eu l’idée trop tard, et après 45…Ta3+? 46.Rb5 Tc3 47.Ra4 Ta3+ 48.Rb5 Tc3 49.Ra4 c6, les blancs ont eu la ressource 50.Tb8+! Cxb8 51.Rxb4, et même si la défense reste délicate, les chances de nulle sont toujours présentes (1/2, 77 cps).

MVL-CARUANA

Ma position est très supérieure, et Fabiano est passé en mode survie avec le coup 22…f4. Malheureusement, j’ai fait une grosse faute de calcul ici avec 23.gxf4?, oubliant complètement que 23…Cxf4! était possible, après quoi les noirs échangent les Dames et soulagent considérablement leur position (1/2, 43 cps).

La veste violette était assignée à Maxime…
La veste violette était assignée à Maxime…

ABDUSSATOROV-MVL

Une partie remarquable du jeune Ouzbek. 26.Fg6!, le premier d’une série de 4 coups de Fou sur cette même case qui s’avéreront à chaque fois être les seuls coups vers le gain. Une occurrence vraiment spectaculaire ! 26…Ccd6 27.Ce4 Cxe4 28.Fxe8 Rf8!? (une défense ingénieuse car 29…Txe8 30.Dg7+ ou 29…Rxe8 30.Dg7 suivi de 31.Txd7 mais…) 29.Fg6! (et de deux !) 29…f5 (29…Cc5 30.Th3! Tg8 31.Th7 ou 30…Txh3 31.Dxh3 et la pénétration de la Dame est décisive) 30.Fxf5 Cf6 31.Dg5 Dxb2

32.Td4! (coupant de manière décisive le retour de la Dame noire en défense) 32…Ce8 33.Fg6! (et de trois ! Menace, entre autres, 34.Dd8) 33…Da3 34.De5 Tg8 35.Fxe8 Tc2 (35…Df3 se heurtait à la même réponse) 36.Fg6!. Le bouquet final ! Seul coup gagnant, mais il force l’abandon puisque 36…Txg6 37.Db8+ mène au mat.

ABDUSSATOROV-MVL (Départage)

Les blancs sont complètement dominants et vont gagner un pion, mais après 23…Cg4, il faut choisir lequel prendre. 24.Dxc5? (mauvaise pioche ! Les noirs n’avaient aucune compensation digne de ce nom après le simple 24.Dxe4) 24…Tf5! (la douche froide. La Dame noire ne peut plus contrôler e3 et les blancs doivent donner la qualité) 25.Dd6 Ce3 26.g3 et après quelques autres escarmouches, la partie s’est terminée par la nulle.

FREESTYLE KARLSRUHE

3000 joueurs à Karlsruhe !

PASTAR (2359)-MVL

Après avoir longuement résisté, le MI bosniaque se décide à craquer ! 58.Ch1? (après n’importe quel coup de la Ta1, tout restait à faire pour les noirs) 58…Txd3! 59.Rxd3 Tb3+ 60.Re2 (60.Rc2 Txh3 61.d3 aurait obligé les noirs à trouver 61…Tf3!, dominant le Ch1 et empêchant tout contre-jeu par Tf1) 60…Fxe4 61.Cf2 Ff3+ 62.Re1 e4 et le rouleau compresseur noir s’impose (0-1, 76 cps).

FEUERSTACH (2458)-MVL

Un exemple de partie qui peut mal tourner dès les premiers coups !

1.0-0-0 g6 2.d4 f5 3.h4?! (un premier pas dans la mauvaise direction) 3…c5! 4.g3? (délaisser le centre ne va pas donner les résultats escomptés) 4…cxd4 5.f4 e5! 6.Dxb7? (les blancs aggravent leur cas) 6…Cb6 7.e4 fxe4 8.Dxe4 Fd5 9.De2 Ce6! 10.fxe5 0-0 et la position blanche est déjà un champ de ruines (0-1, 19 cps).

MVL-MENDONCA (2643)

La partie de la dernière ronde qui, comme souvent dans les Opens, s’avère être décisive. En dépit de la symétrie, les blancs sont mieux car leur pièces sont plus actives, mieux développées, et le Roi noir n’est pas complètement serein en f7. Mais il faut être très précis pour empêcher les noirs d’égaliser. 21.Dc2? (et ce coup joué trop vite ne l’est pas, précis ! Il fallait jouer 21.Db2! qui empêchait la liquidation car si les noirs jouent comme dans la partie par 21…Ta8 22.a4 Ce6, ils perdent après 23.e4 Dc6 24.Cxe6 [qui n’est pas possible avec la Dame en c2] 24…Dxe6 [24…Rxe6 25.Db3+ Rd7 26.Df7 et la balade du Roi noir ne va pas bien se terminer] 25.Dxb7 Txa4 26.Fc5 Tc4 27.Da7 et les noirs ne se libéreront pas du clouage. Sur 21.Db2!, les noirs auraient dû défendre la finale avec un pion de moins qui survient après 21…Ce6 22.e4 Dc6 23.Db3 b6 24.Cxe6 Dxe6 25.Dxe6+ Rxe6 26.Tb1!) 21…Ta8 22.a4 Ce6 23.Td1 Dc6 24.Db3 b6 25.Ce4 Dxa4! le coup qui m’avait échappé, et qui force une nulle immédiate après 26.Cd6+ Rf8 27.Dxa4 Txa4 28.Fxb6.

Impossible de conclure ces lignes sur le Freestyle sans souligner la performance historique de Magnus Carlsen, qui remporte les deux tournois (ça, c’est la routine 😊), et qui réalise un extraordinaire 9/9 dans l’Open de Karlsruhe ; les superlatifs manquent…

Et maintenant : retour au Grand Chess Tour

Prochaine étape pour moi : le Grand Chess Tour. Retour aux échecs classiques avec une première phase rapide à Varsovie (26-30 avril), suivie de parties longues à Bucarest (7-16 mai). C’est un des grands objectifs de l’année, avec bien sûr l’envie de finir dans le top 3 du circuit voire, pourquoi pas, remporter enfin le GCT après de si nombreuses deuxièmes places depuis 10 ans !

Les parties de Maxime à Paris :

Les parties de Maxime à Karlsruhe :

Mvl-Kadric au 1er échiquier (1-0).
Mvl-Kadric au 1er échiquier (1-0).

Juste avant d’entamer sa séquence de tournois en Freestyle, Maxime était allé quelques jours en Carinthie, dans le sud de l’Autriche, afin d’y disputer la phase finale du Championnat national par équipes. Lui et ses camarades du club de Linz ont remporté la compétition pour la troisième année consécutive, cette fois avec une marge très conséquente. Il faut dire qu’avec une équipe composée notamment de Mvl, Mamedyarov, Maghsoodloo, Sarana, Esipenko et Bacrot, la barre était placée bien trop haute pour les concurrents. Toutefois, conscient du fait que son équipe était sujette aux critiques, le Directeur du club et Président de la Fédération autrichienne, Michael Stöttinger, a décidé de la retirer de la compétition la saison prochaine. Tout en précisant cependant que cette équipe avait été « construite autour de GMI qui étaient de vieux amis ».

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