Coupe du monde : au bout du suspense !

Me voilà donc de retour à Paris après trois bonnes semaines passées en Géorgie ; une bien longue absence… Sur place, nous étions 3 français. Laurent Fressinet a été sorti au premier tour, et Etienne Bacrot au second, contre Bu, le tombeur de Carlsen. Etienne a alors immédiatement repris sa casquette d’entraîneur et il est resté à Tbilissi jusqu’au bout pour m’assister. Le format de ce tournoi est toujours original, avec le contingent de joueurs qui se réduit de moitié tous les trois jours. C’est assez rigolo de dire au revoir à tous les petits camarades qui s’en vont au fur et à mesure, et de se retrouver quasiment tout seul dans la salle en demi-finale. Evidemment, c’est un peu moins drôle quand il faut soi-même partir !

Repos et décompression au programme

Au niveau de la routine du tournoi, Etienne et moi restions la plupart du temps à l’hôtel, avec comme seul déplacement le transport vers la salle de sport, située à une centaine de mètres ! L’hôtel Hualing servait en même temps à l’hébergement des joueurs et à la compétition elle-même. Il se trouve à l’extérieur de Tbilissi, dans un quartier créé suite à un accord sino-géorgien visant à accueillir 30.000 ressortissants chinois. L’hôtel a donc été construit par une société chinoise, et comprend évidemment un restaurant chinois, de qualité d’ailleurs, ce qui permettait de changer de l’habituel buffet géorgien. Les divertissements sur place n’étaient pas très nombreux, mais il y avait quand même un bar sympathique, avec billard, fléchettes, et qui retransmettait également quelques événements sportifs.

Trois français sur les hauteurs de Tbilissi… (photo Etienne Bacrot)
Trois français sur les hauteurs de Tbilissi… (photo Etienne Bacrot)

Plus on avançait dans le tournoi, et moins je faisais de préparation spécifiquement échiquéenne, hormis les séances de pure révision des lignes théoriques. Je privilégiais le repos et la décompression, ce qui a plutôt bien marché jusqu’à la demi-finale !

Difficile pour moi de revenir à chaud sur cette fameuse demi-finale contre Aronian, et sur le déroulement de la compétition en général. Je dois dire que je n’ai sans doute pas assez de recul pour pouvoir expliquer précisément ce qui s’est passé. Mais je vais essayer quand même !

Miracle, il ne parvient pas à conclure !

Contre Aronian, la seule chose dont je suis sûr, c’est que ça jouait mal des deux côtés ! Dans les parties classiques, nous nous sommes neutralisés mutuellement. Dans la première partie de départage, d’ailleurs certainement la seule bonne partie de ce match, j’ai trouvé une idée sur la ligne de l’Espagnole avec 6.d3 que j’avais jouée en classique. Du coup, Levon s’est vite retrouvé à défendre une position passive, ce qu’il n’aime pas du tout, et j’ai su en profiter pour marquer d’entrée dans le tie-break. Malheureusement, le match retour s’est avéré catastrophique à tous points de vue ; un vrai trou noir. D’abord parce que s’est imposé à moi le sentiment que j’avais fait le plus dur, et que j’ai sans doute été victime d’un relâchement inconscient. Ensuite, il est clair que je n’aurais pas dû me retrouver dans une situation aussi précaire après une ouverture que je connaissais plutôt bien, y compris le sacrifice de pièce nouveau 15.Fc4!? et ses conséquences. Et enfin parce que j’aurais pu opposer une bien meilleure résistance plutôt que de perdre pied comme je l’ai fait.

J’ai ensuite souffert dans les parties de 10’ comme dans les blitz, mais sans jamais rompre. Evidemment, il y a eu ce blitz hallucinant dans lequel Levon, qui a les blancs, doit m’écraser très facilement, mais où, par miracle, il ne parvient pas à conclure. Je me retrouve même gagnant dans la finale de Dames, mais par manque de temps comme par manque de lucidité, j’oublie son coup 49.Df1+ qui récupère le pion b5.

J’étais passé en « mode réflexe »

Mais mon plus gros regret restera évidemment cet ultime Armaggedon dans lequel je gagne le toss et je choisis les pièces noires, avec une minute de moins mais le droit de faire nulle. Je commence bien la partie, je résous complètement mes problèmes, et je reviens même à égalité au temps. Après, c’est un peu le trou noir… Je me suis embrouillé dans les plans à partir du moment où j’ai laissé les blancs échanger les Fous en b5 puis jouer 27.Fd6!. Avant ça, je n’avais aucun doute sur le fait que j’allais au moins faire nulle. Malgré tout, la position reste quand même objectivement assez égale, mais j’ai pris la décision incroyable de jouer 40…Rc4?, alors que j’avais vu la possibilité de prendre le pion f4 avec 40…Re4!. Mais Levon à son tour rate le coche, et notamment une possibilité de conclure (47.d7!), après quoi la finale à 4 Tours est à nouveau sous contrôle. Malheureusement, je n’anticipe pas sa percée 53.f5+ suivi de 54.e6, alors que je pensais faire nulle tranquillement. Avec si peu de temps à la pendule (je rappelle qu’il n’y a pas d’incrément pendant les 60 premiers coups de l’Armageddon, et qu’on n’a aucun moyen de savoir quand on atteint cette limite !), je ne trouve pas l’ultime sauvetage 54…Taa4!, qui garantit un perpétuel ou l’échange des pions passés. Peut-être aurais-je dû prendre la moitié des 30 secondes qui me restaient, pour comprendre que 54…Ta8? perdait, et tenter 54…Taa4! à l’arrache ? Mais j’étais déjà passé en « mode réflexe » et je n’ai pas pu avoir cette lucidité-là…

La détermination de Mvl n’aura pas suffi. Photo : site officiel
La détermination de Mvl n’aura pas suffi. Photo : site officiel

Laisser Tbilissi derrière moi

Si je reviens sur l’ensemble de la compétition, je dirais que le match le plus intense, et sans doute même le meilleur match de toute la Coupe du Monde, c’est celui qui m’a opposé à Grischuk en 1/8e de finale. Je crois sincèrement que les parties rapides de ce match ont été d’un très haut niveau. Globalement sur une aussi longue période, j’ai réussi à éviter les jours catastrophiques, si l’on excepte bien sûr le tout dernier ! Alors évidemment, il y a eu des hauts, comme les rapides contre Grischuk, et aussi contre Svidler. Mais quelques bas également, notamment la deuxième partie classique contre Svidler, ainsi que le tout premier et le tout dernier jour ! On peut aussi citer les parties classiques contre Lenderman, qui n’ont pas été très clean non plus.

Mais maintenant, Tbilissi est derrière moi, et il faut se reconcentrer sur le prochain objectif, le Grand Prix FIDE, dont le dernier tournoi à Palma de Majorque débutera le 16 novembre. Je me rendrai aux Baléares avec la ferme intention d’accrocher une des deux places qualificatives pour le Tournoi des Candidats de 2018, en essayant d’oublier combien je suis passé près à Tbilissi !

[otw_shortcode_quote border=”bordered” border_style=”bordered” background_pattern=”otw-pattern-1″]Heartbreak hotelhttps://www.youtube.com/watch?v=W4euyTDhFnk
Après un tournoi éreintant en Géorgie, Maxime a jugé préférable de renoncer au super fort Open de l’Ile de Man où il était annoncé, mais qui commençait dans la foulée des demi-finales. Tant pis pour le voyage à Douglas, dans le « joyau de la Mer d’Irlande »… Wesley So a d’ailleurs fait le même choix. Les deux n’auront pas non plus eu le plaisir de troquer l’impersonnelle salle de jeu de l’Hôtel Hualing, qu’ils auront sillonnée pendant plus de trois semaines, contre le majestueux amphithéâtre de l’hôtel Biltmore, en plein centre de Tbilissi, qui accueille les 4 parties de la finale Aronian-Ding Liren.

Un splendide écrin pour la finale (photo Hôtel Biltmore Tbilissi)
Un splendide écrin pour la finale (photo Hôtel Biltmore Tbilissi)

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Site officiel : http://tbilisi2017.fide.com
Les parties de Maxime à la Coupe du Monde :

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