Dénouement du marathon en ligne

Après mon long séjour aux Etats-Unis, je suis enfin rentré à la maison le 12 septembre. J’ai pu renouer avec les plaisirs de la vie française 🙂 . J’ai également retrouvé un peu de monde, car après 2 mois aux Etats-Unis il y avait forcément beaucoup de personnes que je n’avais pas pu voir pendant l’été.

On m’a proposé une wild-card pour jouer la finale du Champions Chess Tour pour laquelle j’étais le premier non-qualifié. J’avais indiqué préalablement que je ne souhaitais pas aller à Oslo et m’infliger un déplacement supplémentaire, surtout dans la perspective du Grand Swiss à Riga et des préparations à peaufiner. Heureusement, les organisateurs ont accepté que je joue depuis Paris.

J’ai d’ailleurs souhaité être dans un cadre plus « studieux » que celui de mon salon. Après que mon manager a pris contact avec toutes les parties prenantes (mairie, club et FFE), j’ai pu disputer toutes mes parties depuis le château d’Asnières, où se situe le siège de la FFE, dans une salle qui m’a été gracieusement prêtée. C’était également plus pratique de ne pas jouer depuis chez moi, car la présence d’un arbitre était obligatoire. Joëlle Mourgues et Loriane Lebret se sont partagé la tâche ingrate de me surveiller pendant neuf jours !

J’avais déjà joué deux tournois sur Internet en n’étant pas chez moi : en mars, où j’avais participé depuis mon lieu d’entraînement dans les Alpes, et où l’accès à Internet était un peu compliqué. Et évidemment, à Saint-Louis cet été, juste après la Sinquefield Cup, où je jouais dans les locaux du club. Mais c’était là aussi un peu différent car les parties se jouaient très très tôt…

Le château d'Asnières - Image : Wikipedia
Le château d’Asnières – (Wikipedia)

Cette finale du Champions Tour en ligne a été assez inégale de ma part. Je pense que je suis assez bien rentré dans le bain et j’ai fait quelques bons matches au début. Après, la fatigue s’est installée à cause de la grosse intensité de ces rencontres. De plus, j’ai joué des ouvertures différentes, ce qui m’a occasionné une surcharge de travail pendant les parties, puisque je me retrouvais dans des positions qui ne m’étaient pas très familières. Évidemment, je n’ai pas non plus joué au hasard, je connaissais quelques trucs 🙂 .

MVL-Aronian : 4-3

Un match très intéressant, où je suis bien revenu dans la dernière partie longue rapide (15 mn + 10 c’est comme une partie longue 🙂 ). Il y a eu beaucoup de rebondissements dans les blitz, mais je suis parvenu à m’imposer au finish dans l’Armageddon.

MVL-So : 2,5-0,5

Mon tournoi était bien lancé, surtout que j’ai enchaîné avec une deuxième victoire, cette fois contre Wesley So. Un match court (3 parties) mais qui s’est avéré assez intense au niveau des parties.

MVL-Carlsen : 2,5-3,5

J’ai perdu la 3e ronde contre Magnus au départage. Le contenu de mes parties n’était pas si mal, mais j’aurais certainement pu mieux faire encore pour remporter ce match.

MVL-Mamedyarov : 1,5-2,5

Mon premier vrai regret, c’est ce duel avec l’Azéri… J’ai raté des occasions d’en finir, et de manière générale, j’ai mal joué à cause de la fatigue qui commençait à poindre. A l’issue de ce match, je n’étais vraiment pas content de moi.

MVL-Duda : 2,5-0,5

Juste avant la journée de repos, j’ai remporté une victoire convaincante contre Duda.

MVL-Artemiev : 2,5-3,5

Un match très accroché contre le joueur russe. J’ai pris des décisions douteuses, notamment le fait de jouer une Hollandaise dans le 2e blitz, après avoir raté le gain dans premier avec 3 minutes contre 10 secondes !

MVL-Nakamura : 3-4

Le ressort s’est cassé durant ce match. J’ai raté un gain élémentaire dans la 2e partie, alors que je revenais d’une position difficile :

Nakamura-Mvl, Ronde 6, 2e partie.
Nakamura-Mvl, Ronde 6, 2e partie.

Au lieu de 43…Te2?, 43…Te1+! gagnait sur le champ.Ca m’a fait mal, car c’était une occasion facile d’en finir avec le match.

Dans la 3e partie, j’ai fait un « misclick » au 1er coup (1.e3 au lieu de 1.e4 !) ce qui est un peu désagréable, mais finalement je m’en suis tiré sans dommage 🙂 .

La 4e partie a été complètement folle ; une sorte d’attaque Est-indienne où ses pions filaient à Dame. Dans la position suivante, j’avais l’impression d’avoir l’opportunité de lancer une attaque de mat :

Nakamura-Mvl, Ronde 6, 4e partie.
Nakamura-Mvl, Ronde 6, 4e partie.

J’ai malheureusement fauté avec 29…Cf6?!, la bonne façon d’attaquer aurait été de d’abord passer la Dame par 29…Dg5!. Et après 30.Dg3 Fh5? (30…Dc8) 31.Dd6! De8 32.De5 Dd8 33.a5,

Je n’ai plus réussi à générer de jeu sur son Roi. A partir de là, il a trouvé tous les bons coups et l’a emporté de façon convaincante.

Après avoir gagné le 1er blitz de départage, j’ai perdu le 2e en raison de choix douteux, et dans l’Armageddon final, j’ai gaffé horriblement.

MVL-Giri : 1,5-2,5

Après les occasions ratées face à Nakamura, la fatigue a repris le dessus. J’ai fait un non-match contre Anish Giri, où je n’ai rien réussi à trouver avec les Blancs contre la Petroff. Et avec les Noirs, j’ai perdu une partie bêtement dans l’ouverture en jouant 9…Tb8?! alors que je connaissais le bon coup 9…Fb4.

Giri-Mvl, Ronde 8, 1e partie.
Giri-Mvl, Ronde 8, 1e partie.

MVL-Radjabov : 0,5-2,5

Ce dernier match a ressemblé au précédent. Je n’arrivais pas à comprendre où il voulait en venir avec sa Berlinoise. Pourtant, je n’ai pas trouvé les moyens de prendre l’avantage, allant même jusqu’à me mettre en danger bêtement, notamment dans la 1re partie.

Radjabov-Mvl, Ronde 9, 2e partie.

Dans la 2e, j’ai expérimenté une Ragozine qui s’est très mal passée, obtenant en fait le type de position que je souhaitais éviter 🙂 . Dans la position du diagramme, je savais que la suite théorique, qui avait d’ailleurs été jouée la veille par Mamedyarov contre le même Radjabov, était 7…Cc6 8.Cd2 g5!?. J’ai voulu tenter de jouer solide, quitte à être légèrement moins bien, avec 7…c6 8.e3 Cd7 9.Fd3 Cdf6 10.0-0 Fg4, mais ma position s’est dégradée très vite après 11.Dc2 Fxf3 12.gxf3 Cxc3 13.bxc3 Fd6 14.Fg3 et les blancs menacent e4-e5, et je me retrouve tout de suite nettement moins bien.

Dans la dernière partie, je pensais avoir des chances, mais il a trouvé une bonne suite. Je pouvais tout de même forcer la nulle par perpétuel, mais sachant que j’aurais les Noirs dans la dernière partie, j’ai tenté un all-in assez improbable, qui avait en réalité peu de chances d’aboutir 🙂 .

Je regrette cette fin de tournoi, que j’aurais préféré terminer sur une meilleure note. J’avais peut être sous-évalué l’intensité de ce format avec 9 matchs de quatre parties, plus d’éventuels départages. C’est en fait très différent de 9 parties longues. Même si la durée de jeu est la même, l’intensité est différente parce que 4 parties, plus d’éventuels tie-breaks, c’est d’autant plus de rebondissements, et d’autant plus de choses à digérer. Et c’est vrai qu’à la fin, ça m’a clairement perturbé. Je voulais jouer de façon appliquée et je pense que c’est ce que j’ai fait, jusqu’à ce que la fatigue l’emporte. Je suis satisfait du match contre Wesley So, où j’ai été très alerte, où je voyais beaucoup de choses. C’est mon match le plus accompli du tournoi.

Je dois avouer aussi que dans l’ensemble, je me suis un peu retenu dans ce tournoi : en effet, il était inutile de sortir de grosses préparations pour un tournoi où Magnus partait avec 14 points d’avance sur moi 🙂 . Cela dit, en signant le contrat en début de saison, on connaissait tous le format et on savait que ce cas de figure pouvait arriver.

Classement final du Champions Chess Tour
Classement final du Champions Chess Tour. Image Champions Chess Tour

A mon sens, il est certes normal de tenir compte des tournois préliminaires, mais des joueurs comme Artemiev qui n’a joué que 3 d’entre eux, sont désavantagés pour la finale. Je pense que tout en gardant un système de primes au départ (à quelle échelle, là est le débat…), on aurait pu imaginer un système de play-off avec les 4 premiers à la fin. Ça aurait rajouté de l’enjeu et tous les joueurs auraient pu essayer de jouer pour cette 4ème place.

Pour ce qui me concerne, l’essentiel dans les prochaines semaines sera de me préparer au mieux, afin d’être fin prêt pour le Grand Swiss qui débutera à Riga le 27 octobre. Une compétition avec un grand enjeu, puisqu’elle permettra de qualifier les deux premiers pour le Tournoi des Candidats de 2022.

Si je me qualifie à Riga, je gagne 3 mois de préparation ! Et en cas d’échec, il restera toujours la dernière possibilité, celle de se qualifier via les tournois du Grand Prix FIDE, programmés à Berlin de février à avril.

Site officiel : https://championschesstour.com

Les parties de Maxime :

Depuis 2016, le New-Yorkais Ben Johnson publie toutes les semaines un podcast audio long format avec une personnalité du monde des échecs. De nombreux joueurs de haut niveau se sont déjà dévoilés sur ses ondes, notamment Anand, Kramnik, Polgar, Nakamura, pour ne citer qu’eux. Mais aussi des auteurs, des streamers, des entraîneurs et la liste n’est pas exhaustive…
Fin septembre, Maxime était le 245e invité de ce show, dont le succès ne se dément pas. Le long format permet d’aller plus en profondeur avec l’invité, mais les auditeurs plus pressés pourront se contenter d’écouter les thématiques qui les intéressent puisqu’elles sont parfaitement répertoriées pour chacun des podcasts.
Écoutez-le sur le site Perpetual chess.

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