Des hauts et des bas

Tous les tournois ne se ressemblent pas, et la fin du Grand Chess Tour 2022 aux Usa n’a pas été à la hauteur de son début à Bucarest…
Je suis arrivé à Saint-Louis le 24 août, pour le traditionnel enchainement du Rapid & Blitz puis de la Sinquefield Cup, étapes finales du Grand Chess Tour. J’étais déjà depuis deux semaines sur le sol américain, donc j’étais plutôt bien adapté au changement d’horaire (-7h). Certes, j’avais des heures de sommeil différentes par rapport à d’habitude en France car je dormais plus tôt. Mais je sentais que ce serait de toute façon une bonne chose puisque les parties étaient programmées à 13h.

St-Louis Chess Club
St-Louis Chess Club

RAPID & BLITZ

J’ai été assez convaincant dans les Rapides. Même si j’ai raté quelques occasions, j’en ai converti deux belles contre Mamedyarov et Caruana. J’étais assez satisfait de ma prestation pendant les trois jours du Rapide. C’était assez propre, d’autant que j’avais eu cinq fois les noirs et que j’avais rarement été en danger ; donc je pensais que tout allait bien 🙂 . Mais dès le début du blitz, les problèmes ont commencé… Je ne sais pas si c’était la fatigue – sans doute un peu – mais en tout cas, je n’arrivais pas à jouer aussi rapidement et de façon aussi fluide que d’habitude.

Certes, ce n’était pas non plus au niveau de mon début de tournoi en Norvège où j’avais perdu les cinq premières parties en blitz, mais je sentais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Le premier jour, j’ai beaucoup perdu avec les noirs et le deuxième jour, soudainement, ça s’est inversé ! J’ai notamment perdu une partie grotesque contre Nakamura… J’étais en perte complète de sensations. Je sais que ça arrive toujours en blitz d’avoir des journées sans, mais là c’était vraiment brutal par rapport aux Rapides, ce qui était assez bizarre.

Malgré tout, j’ai partagé la 3e place du Rapid & Blitz avec Caruana, conservant la tête du Grand Chess Tour au classement général, d’une courte tête devant Alireza. Je savais qu’il allait falloir assurer à la Sinquefield Cup pour maintenir ce statut, mais les choses ne se sont pas passées exactement comme prévu 🙂 .

SINQUEFIELD CUP

J’ai eu une première partie compliquée contre Dominguez, mais j’ai plutôt trouvé des bons coups donc je me disais que c’était plutôt pas mal. Ensuite, j’ai réalisé deux prestations assez normales contre So et Mamedyarov ; avec trois nulles, dont deux avec les noirs, je pensais que ça démarrait correctement, mais il fallait maintenant passer l’obstacle Caruana, encore une fois avec les noirs.
Au début de cette partie, nous avons tous constaté l’absence de Magnus. Comme les autres, j’ai été perturbé pendant 15-20 minutes, le temps de comprendre ce qui se passait et de mesurer le pataquès que ça allait générer 🙂 . Mais j’ai pu me reconcentrer rapidement sur ma partie.

Comme prévu, Fabiano m’a défié dans un long débat théorique sur la Najdorf. Et sa mémoire s’est une nouvelle fois révélée plus précise.

Caruana-Mvl, Ronde 4.
Caruana-Mvl, Ronde 4.

Ici, je me souvenais de 22.Db7, mais pas de 22.De4. J’ai donc dû réfléchir et j’ai opté pour 22…Te5 (22…Te8! est le plus précis) 23.Dxf4 f6?. Je savais que ce coup intervenait dans certaines lignes, mais ici, ce n’est assurément pas une bonne idée ! J’avais envie d’une solution concrète qui force un peu les événements, mais j’ai manqué de sens du danger et j’aurais dû me contenter d’être un peu moins bien après l’alternative que j’avais envisagée, 23…Db4. Dans la partie, 24.Dd2! (au lieu de 24.Dh2) m’aurait posé de très gros problèmes et le fait est que l’ordinateur s’affole ici en faveur des blancs ; ma Dame est hors-jeu et les blancs menacent de développer une initiative sur l’aile-Roi où mes cases blanches sont affaiblies.
J’ai donc continué à souffrir, mais en pratique, c’était tout sauf facile pour les blancs, et je suis parvenu à rentrer dans une finale de Dames avec de bonnes chances de nulle. Mais je pense que je vais faire des cauchemars si je commence à aller analyser cette finale. En tout cas, les machines nous montrent que Fabiano a raté deux fois le gain, et moi deux fois la nulle, et comme d’habitude, c’est celui qui a fait la dernière faute qui a perdu…

Caruana-Mvl, Ronde 4.
Caruana-Mvl, Ronde 4.

Ici, le seul coup pour faire nulle était 88…De7!, ne me demandez pas pourquoi ! Mais j’ai joué le plus humain 88…De6+? et j’ai perdu…
Je savais que dans ces positions D+ 2p contre D, il y a des versions qui sont gagnées et d’autres nulles, et que par exemple, Meier en avait perdu une similaire contre Carlsen aux Olympiades. Mais après, pour démêler lesquelles sont lesquelles et pourquoi, c’est absolument impossible en partie ! D’ailleurs, je dois avouer que mon intuition penchait plutôt en faveur de la nulle, mais que cette intuition était donc fausse !

Fleur contre ananas… (Photo : St-Louis Chess Club).
Fleur contre ananas… (Photo : St-Louis Chess Club).

Contre Nepo le lendemain, j’ai joué ma prépa et je pensais être un peu mieux dans la finale, mais je pense que je n’ai pas été assez précis pour poser suffisamment de problèmes ; un constat valable de manière générale.

Avec 2/5 avant la journée de repos, j’ai compris que le gain du Grand Chess Tour devenait improbable. Je sentais que je ne jouais pas assez bien de toute façon pour faire vraiment mal. Mais il fallait que je me reprenne dans les quatre dernières rondes, afin de conserver la deuxième ou la troisième place du circuit, qualificatives pour l’édition 2023.

Malheureusement, la partie de la ronde 6 contre Aronian a confirmé mes craintes.

Aronian-Mvl, Ronde 6.
Aronian-Mvl, Ronde 6.

Toujours dans la variante 6.Fe3 de la Najdorf, Levon a joué une idée nouvelle, 16.Thf1!? (au lieu de 16.The1), que je connaissais toutefois – mais pas aussi bien que lui ! Je suis tout de même parvenu à annihiler son petit avantage et je suis bien revenu dans la partie.

Malheureusement, cette amélioration en qualité s’est faite au détriment de la pendule car j’ai dû prendre beaucoup plus de temps par rapport à ma partie contre Caruana. Dans l’ensemble d’ailleurs, j’ai été d’une lenteur jamais vue dans les dix dernières années de ma carrière au moins ! Et du coup j’ai fini par paniquer en manque de temps, par manque d’habitude sans doute de jouer sous pression sur mes dernières secondes.

Aronian-Mvl, Ronde 6.
Aronian-Mvl, Ronde 6.

Ici, avec seulement 1’ à la pendule, j’ai vainement essayé de faire marcher 36…Tb7 ; mais après 37.Txe4 (37.Rc2? Tg5!), 37…Txb3+? serait impossible à cause de 38.Rc2 Tb4 39.Rc3 gagnant du matériel. J’aurais dû trouver le coup de sécurité 36…Te7!, mais avec seulement 3 secondes à la pendules, j’ai craqué avec le ridicule 36…f5?, qui donne la partie en un coup ; après 37.fxe4 Rh6 38.exf5 Txf5 39.Tf1 Tcf7 40.b4, les blancs se sont facilement imposés avec leur pion de plus à l’aile-Dame.

Pensif… (Photo : St-Louis Chess Club).
Pensif… (Photo : St-Louis Chess Club).

J’ai ensuite fini par deux nulles pour clôturer le tournoi. D’abord contre Niemann, sans doute en ratant l’opportunité de prendre l’avantage dans le milieu de jeu. Et ensuite contre Alireza, en sachant que ça me garantissait la troisième place du Grand Chess Tour, quels que soient les autres résultats de la dernière ronde.

Mvl-Firouzja, Ronde 9.
Mvl-Firouzja, Ronde 9.

Ici, il s’est passé quelque chose d’assez marrant ; Alireza a réfléchi une dizaine de minutes, pendant lesquelles je me suis levé et j’ai réfléchi au classement. Et je me suis rendu compte avec effarement que si une nulle contre Alireza me garantissait absolument la 3e place du Grand Chess Tour, ce n’était pas le cas en cas de victoire ! En effet, si Niemann et Aronian s’imposaient contre Nepo et Mamedyarov, alors Caruana aurait partagé la première place du tournoi, et me serait passé devant d’un quart de point au classement du Grand Chess Tour. Autant dire qu’en retournant sur l’échiquier, ma détermination à faire nulle était devenue totale !

Classement final du Grand Chess Tour 2022 (Image : St-Louis Chess Club).
Classement final du Grand Chess Tour 2022 (Image : St-Louis Chess Club).

Il me reste à féliciter Alireza pour son parcours exceptionnel à Saint-Louis. Remporter à la suite le Rapid & Blitz puis la Sinquefield Cup, personnne ne l’avait jamais fait !

Les parties rapides de Maxime à Saint Louis :
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Les parties de blitz de Maxime à Saint Louis :
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Les parties classiques de Maxime à Saint Louis
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Greenwich Village Folk Song Salesman

Avant de participer aux deux tournois du Grand Chess Tour à Saint-Louis, Maxime avait d’abord pris une semaine de vacances en Floride, puis participé à deux exhibitions sur la côte Est. La première s’est déroulée à Bridgeport (Connecticut), en marge de l’Open organisé par le dynamique Dan Starbuck-Pelletier et son équipe. Accueilli en guest star pendant trois jours, Maxime a pu animer des masterclasses, donner des simultanées, et participer à un tournoi de blitz. Ensuite, à l’invitation du Manhattan Chess Club, il a parcouru la centaine de kilomètres qui le séparaient de Greenwich Village au cœur de New-York pour disputer une simultanée dans ce club mythique, qui a déjà accueilli en son sein les plus grands noms des 64 cases.

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