Saint-Louis : comment j’ai raflé la mise !

Extatique ! C’est de cette façon que j’ai qualifié auprès de la presse mon état d’esprit à la fin du tournoi. Bon, ça reste pour l’instant une extase intérieure, que je n’ai pas encore pu manifester pleinement…
Mais je ne vais pas nier que je suis heureux, même si je rentre fatigué du très long voyage de retour de Saint-Louis. Et ce n’est pas une arrivée matinale avec 7h de décalage horaire dans les dents, dans un Paris déserté, un lundi en plein pont du 15 août, qui va entamer cette bonne humeur !

Après ma victoire, j’ai reçu de très nombreux messages de félicitations. J’ai également dû répondre à une multitude de sollicitations, notamment médiatiques, mais c’est la rançon de la gloire et je ne vais pas m’en plaindre… Europe 1, RFI international, France Info, l’AFP, de nombreux titres de presse régionale, sans parler d’une longue interview pour le prochain New In Chess, et de plusieurs autres médias échiquéens.

Certes, les journalistes m’ont parfois questionné plus longuement sur le retour de Garry Kasparov cette semaine que sur ma victoire ! Vu sa notoriété internationale, ce n’est pas non plus une surprise…

Mvl 2.0 ?

Certains d’entre eux ont remarqué que j’avais décidé de me laisser pousser la barbe – il faut dire que c’est assez flagrant quand même ! Ils y ont vu un symbole ; MVL 2.0, new look, new heights… Vais-je céder à la superstition ?

Revenons maintenant plus en détail sur la fin du tournoi elle-même…

Avec +2 après 5 rondes, j’ai pu consacrer ma journée de repos à la détente. Le matin, pour respecter la tradition locale, match de Giant Bullet Chess, je pense qu’il n’est pas nécessaire de traduire ! Ca m’a permis de faire mon sport de la journée, même si j’en ai rajouté encore un peu plus tard dans la journée, en défiant au tennis le sponsor et organisateur, Rex Sinquefield.

Le lendemain, retour aux choses sérieuses avec les noirs contre Caruana, qui me sort une nouveauté assez diabolique contre la fameuse variante du pion empoisonné (10.Dd3). Je décide d’éviter les suites trop concrètes car je n’arrive pas à évaluer clairement ce qu’elles donnent. Je choisis donc une variante dans laquelle je sais que je vais souffrir, mais où je ne risque pas de perdre en ligne ! Heureusement, Fabiano manque d’énergie dans les moments critiques, et me laisse m’en sortir, notamment après l’échange des Dames. En dépit du pion de moins, je savais que j’étais alors tiré d’affaire.

La boisson des champions !

Ronde 7, j’accepte le défi de la Berlinoise contre Karjakin ! Un énorme débat théorique où nous avons tous les deux anticipé la position jusqu’au 38e coup (38.Ce4) ; je sais que ça peut paraître incroyable, mais c’est pourtant la réalité. Le plus difficile dans ces variantes assez linéaires, c’est de se souvenir de tout ce qu’on a analysé. Sergueï y est parvenu, non sans difficulté, utilisant tout son temps de réflexion. Le plus dur pour lui était de retrouver 29…Re8!, seul coup qui égalise ! C’est donc une nulle ou je n’ai pas vraiment eu besoin de jouer, mais je ne regrette pas vraiment mon choix. A posteriori, c’est toujours facile d’imaginer qu’on aurait créé plus de chances avec une option différente, en l’occurrence l’Italienne…

Même le commentateur vedette Yasser Seïrawan veut sa dédicace ! (photo Austin Fuller)
Même le commentateur vedette Yasser Seïrawan veut sa dédicace ! (photo Austin Fuller)

A noter que pour les deux dernières rondes, j’avais ramené des bouteilles de Ginger beer (qui, comme son nom ne l’indique pas, ne contient pas d’alcool !), que j’ai l’habitude de consommer en France, et que j’ai finalement trouvée par hasard aux USA. La boisson secrète des champions, quoi !
Contre Anand à la ronde 8, je m’attendais à une Najdorf, il opte pour l’Anglaise… Du coup, j’évite la variante critique, n’ayant aucun doute qu’il serait archi préparé. J’obtiens alors une position un peu désagréable, même si je pensais m’en être plutôt bien sorti. En réalité, je n’arrive pas à trouver la ligne propre qui égalise. Heureusement, Vishy ne joue pas la manoeuvre 20.Fd7! et 21.Fe6+ qui lui aurait assuré un avantage stable, et me laisse forcer une complète égalité.

Avant la dernière ronde, compte tenu de toutes les possibilités de départage, il apparaît clairement que je dois gagner pour remporter le tournoi. Du coup, n’ayant pas le choix, j’ai pu jouer sans le frein à main. Confronté à Nepo avec les blancs, j’ai donc décidé de répéter une idée que Magnus avait récemment jouée contre lui, et contre moi également. Ian réagit très mal, et me laisse obtenir tout ce dont je pouvais rêver dans cette ouverture. Je me retrouve immédiatement en situation très favorable, avec le Cavalier en d5 contre le mauvais Fou. Je ne peux pas dire que j’étais en full control toute la partie, mais j’étais plutôt confiant, et après le 40e coup, je savais que c’était gagné ; j’ai donc pris le temps nécessaire pour calculer correctement les lignes permettant de concrétiser l’avantage.

Objectif Tbilissi…

Gagner la Sinquefield Cup, avec 7 des 10 meilleurs mondiaux sur la ligne de départ, et pas vraiment des clients derrière. Remporter pour la première fois un tournoi où Magnus Carlsen est présent. Battre le champion du monde avec les noirs. Et enfin, retrouver la 2e place du classement mondial. On serait comblé avec moins que ça !
Mais pour ma part, je ne serai pleinement satisfait de ma saison que le jour où je validerai ma qualification pour le Tournoi des Candidats 2018. A cet égard, la première occasion de le faire sera lors de la Coupe du monde à Tbilissi (Géorgie).
Départ le 1er septembre pour ce qui sera, je l’espère, un long mois dans la capitale géorgienne !
En attendant, vacances… En attendant impatiemment de voir comment Garry va s’en tirer cette semaine!

Primus inter pares ! (Photo Austin Fuller)
Primus inter pares ! (Photo Austin Fuller)

Et avant ce repos, je crois mérité, je souhaite remercier ici Gilles Betthaeuser qui, en coulisses, est présent à mes côtés depuis maintenant huit ans, que ce soit d’un point de vue sportif en finançant mes frais de préparation à travers l’entreprise Colliers International, mais également, et c’est à mes yeux le plus important, en s’investissant à chacun de mes tournois. En tant que passionné de la première heure, il trouve toujours le temps de suivre mes parties et de m’appeler pendant mes compétitions, que le tournoi se passe bien ou au contraire si j’ai besoin d’un coup de boost. Mais également, quand son calendrier le lui permet, en venant également dans les tournois, et pas uniquement au Paris Grand Chess Tour, compétition appelée à devenir phare en France et dont il est l’inspirateur.
Au même titre que mes entraîneurs passés et présents, chacun de mes succès porte un peu sa marque.

Je vous invite à découvrir deux de mes parties dans ce tournoi, contre Carlsen et Nepo, que je commente en vidéo :

[otw_shortcode_quote border=”bordered” border_style=”bordered” background_pattern=”otw-pattern-1″]Cups (https://www.youtube.com/watch?v=cmSbXsFE3l8)
A la Sinquefield Cup, on ne fait pas les choses à moitié… Il y a donc deux trophées. L’original, très gros, avec le nom de tous les vainqueurs gravé dessus ; celui-ci reste au club. Et une réplique, deux fois plus petite, qui est envoyée ensuite au joueur qui a triomphé, également avec son nom gravé dessus[/otw_shortcode_quote]

Site officiel : http://grandchesstour.org
Les parties de Maxime :

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